En réponse à mon soutien au Scan, je voudrais proposer quelques interrogations, des modulations aux propos de Douglas et un point de vue au Cedar. Les tensions diffuses, vaguement perceptibles en septembre contre vos projets à la Villa Arson ne sont pas nommés très précisément, ils laissent place à des interprétations assez ouvertes. Je les interprète avec mes repères, et mon expérience de l'option design graphique à Valence ou nous tentons de considérer la place du numérique dans un DNAT (autre challenge). Indépendamment du style, bien supérieur à mon propre anglais, je trouve, Douglas, que ton approche est un tout petit peu schématique avec la mise en abîme des 2 oppositions, à l'art contemporain et aux nouvelles techno. Même si je pense que la communauté de bêtise qui peut réunit ces résistances me va assez bien. 1/ L'art contemporain, le risque du Label. Tu fais écho aux querelles récentes qui menacent la légitimité à priori de "l'-art-contemporain". Je ne pense pas que la position défensive soit finalement autre chose que la résistance limite à la bêtise que tu décris et qui existe. Mais je propose de la réserver aux cas extrêmes : autodafé? autoritarisme, censure, auto-censure (ça se complique) . Le niveau d'analyse doit être à mon sens déplacé pour éviter les simplifications. Considéré en bloc, avec ses forces de légitimations internes, ses complaisances possibles, un usage de réseau qui peut être abusif, et les difficultés d'une critique indépendante, l'effet de "milieu" peut tendre à en nier les enjeux essentiels : ouvrir sur un monde pour questionner le notre. Des critères de cohérence interne, de pertinence, d'économie de moyen, peuvent amener à dire cette ?uvre est faible, telle autre est forte. L'approche globalisante ( le risque du Label ) en affaiblit la portée. Seule la question de l'évaluation qualitative, la force interne à l'?uvre, sa dimension critique nous concerne : en bref plus d'exigence que de défensive. Le Label c'est quelque chose que l'on accueille "les yeux fermés", une garantie de retrouver un air de famille. Je pense que nous sommes plutôt d'accord pour faire en sorte que les étudiants aient les yeux un peu plus ouverts après leurs passage en école d'art. Donc résolument pour la création d'aujourd'hui, vivante, risquée, singulière, non défensive, non unitaire. La querelle sur "l'-art-contemporain" n'a pas toujours évité ces écueils simplificateurs : « à prendre ou à laisser!! ». Tentons une alternative, peut-être le numérique en fournit-il l'occasion? 2/ L'art technologique, les enjeux stratégiques. Les nouveaux outils se présentent toujours menaçants. Figures de l'inconnu, nécessitant l'apprentissage au sens fort : une nouvelle appropriation du monde demande du temps, suppose efforts et remises en cause : sorte d'acclimatation ? Rien de naturel dans l'innovation technique, il faut savoir y lire une violence. Nous savons d'ou viennent ces machines à calcul, leurs enjeux stratégiques, toute méfiance n'est pas déplacée. La reconfiguration que propose le numérique mérite probablement une attention elle aussi plus fine que l'opposition que suggère la coupure (techno) phile/phobe. Cette attention je l'ai trouvée dans les questionnements CEDAR/SCAN c'est tout le crédit qui me porte à soutenir votre travail à la Villa. Nous avons tous à y gagner dans les échanges à venir. Même si l'échelle des moyens nous porte à la modestie. Nous sommes pour la plupart des générations de transition. Sauf exception, ( Stanley, et si j'en oublie, excusez moi ) peu nombreux à être « tombé dedans » quand nous étions petits, et cet effort de déplacement des perceptions, des modes sensibles et conceptuels ne peut être minimisé. Mais cela va très vite, et des étudiants sortent avec une culture plus profondément ancrées sur ces usages et ces questions de légitimation/disqualification ne vont pas faire long feu. (trop optimiste?, pas sûr) Certains, pour qui ces questions seront absolument datées, vont bientôt enseigner et ou diriger . Je pense qu'il faut, quand à ces outils, éviter de reproduire les erreurs de la position pictorialiste. Au début du siècle la question lancinante de ce groupe nostalgique était de tenter de mesurer en quoi la photographie pouvait être un art. Position aveuglante du rôle que cette image déjà ancienne , mais alors en cours de plus large diffusion, opérait déjà sur le paradigme d'art lui-même. Les échos complexes, non chargés d'ambiguïté, de la disparition de l'aura, en seraient la formulation la plus vive. Donc aujourd'hui c'est l'objet même qui se redéfinit, pas si simple. Je pense que pour fragiles que soient ces transpositions historiques, nos collègues, et décideurs les plus "phobiques" n'y résisteront pas longtemps. Le numérique et ses usages, y compris sociaux et fonctionnels, (option design oblige) redéfinit et relativise nos jugements. Ne pas prendre en compte cette donnée dans nos lieux d'enseignement relève simplement d'un même aveuglement stupide. Voici en quoi ces questions semblent aujourd'hui stratégiques donc forcément source de tension. Tenez bon. A+ Gilles Rouffineau