Sa fierté ? Toujours chanter.
Se battant seul contre tous pour qu’une autre décision que l’arrêt du
championnat 2019-2020 à la 28ème journée soit prise, Jean-Michel Aulas et l’OL
ont fini par se faire isoler par les présidents des autres clubs, avec une
volonté non dissimulée de punir le président rhodanien pour ses positions
jugées beaucoup trop favorables à son club.
Victor Levarlet
Si la suite des évènements a donné raison au président lyonnais (la Ligue 1 est
l’un des seuls championnats européens à ne pas avoir repris au cours de l’été),
ses sorties médiatiques ont réveillé de vieux réflexes à l’égard de l’Olympique
lyonnais : ce club dérange et c’est avec un plaisir manifeste que les
supporters des autres équipes ont savouré la première non qualification
européenne du club rhodanien depuis 1997. Mais d’où vient cette défiance des
Français à l’égard de l’OL ? On tente d’apporter des éléments de réponses.
L’omniprésident Aulas
S’il est le symbole de la montée en puissance d’un OL construit méthodiquement
année après année depuis 33 ans, Jean-Michel Aulas est également l’explication
principale du désamour de beaucoup de Français pour son club. Depuis qu’il est
en fonction, le président rhodanien a choisi d’assumer un rôle de paratonnerre,
avec pour objectif principal la protection de ses joueurs et entraîneurs. Bien
que cette stratégie ait largement fait ses preuves sur la durée, elle
correspond également à une exposition médiatique totale, où le président Aulas
ne craint pas d’écorner son image, du moment que cela sert la seule cause
importante à ses yeux : défendre les intérêts de son club, envers et contre
tous.
« Jean-Michel est un très bon président, on ne va pas refaire son CV, on le
connaît tous. Il est très proche de ses joueurs, il essaie de défendre son
club. Le problème, c’est qu’aujourd’hui Lyon n’est pas autant aimé qu’il
devrait l’être. Pourquoi ? Parce que parfois les gens peuvent être agacés par
le président, par ses sorties médiatiques. » abondait Mathieu Valbuena au sujet
de son ancien patron (2015-2017) sur l’antenne de RMC en mai 2020, alors que ce
dernier bataillait pour ne pas rester figé à la septième place qui lui était
réservé suite à l’arrêt prématuré du championnat en raison de la pandémie du
coronavirus. Il faut dire qu’avec Jean-Michel Aulas, la sulfateuse est de
sortie pour quiconque ose se mettre en travers de son club de toujours.
Une décision arbitrale défavorable ? «L’arbitre de touche s’en veut pour le but
refusé, je l’ai aperçu pleurer sous la douche». Un papier négatif dans le plus
quotidien sportif national ? « Il y a un climat pervers autour de l’Olympique
lyonnais. Ce qui a été écrit dans le quotidien « L’Equipe », dimanche, est
inadmissible et si j’étais directeur de la rédaction de ce journal, je
prendrais des sanctions. C’est une faute professionnelle grave qui ne
correspond pas à l’esprit de ce que l’on doit faire lorsque l’on est
journaliste » pestait-il suite à un article de septembre 2007 relatant les
difficultés rencontrées par Alain Perrin en tant que coach de l’OL.
La LFP qui prend une décision favorisant un stage hivernal du PSG au Qatar et
entraînant le report d’un match en 2019 ? « Quillot se prend en otage tout seul
quand il autorise au conseil d’administration de la LFP de laisser Paris aller
faire un certain nombre de prospections au Qatar. » Son avis sur le PSG version
QSI ? « Ou vous avez la chance d’avoir du pétrole et du gaz sous les pieds et
vous pouvez vous payer tout ce que vous voulez, ou vous ne les avez pas, et
dans ce cas-là, vous êtes obligés de combattre pied à pied pour avoir les deux
places européennes qui rapportent de l’argent ». Et sur son collègue Vincent
Labrune, président de l’OM de 2011 à 2016 ? « Si tu te fies à Vincent Labrune
pour faire ta vie, tu n’es pas prêt d’arriver à l’arrivée. »
Jugé provocateur, arrogant, vindicatif ou paranoïaque pour beaucoup de
non-supporters lyonnais, le Président Aulas résumait sa vision en mai 2008,
juste après le 7ème titre consécutif glané par l’OL : « La relation
qu’entretient Lyon avec le foot français, c’est un contre tous. ». Une position
qu’il aime entretenir et de laquelle il sait tirer parti.
Un club ni « populaire », ni « familial »
Cette propension à défendre les intérêts de son entité avec les dents vient
notamment de la fibre entrepreneuriale de Jean-Michel Aulas. De la même manière
qu’il a créé son entreprise Cegid en 1983 pour en faire une référence dans le
domaine du progiciel comptable, JMA a vu grand dès sa prise de pouvoir à
l’Olympique lyonnais en 1987 : alors que l’OL végète en D2, le natif de
l’Arbresle présente immédiatement un ambitieux plan « OL-Europe » promettant
une remontée rapide en D1 et une participation à une coupe d’Europe dans les
quatre années à venir. Malheureusement pour lui, l’ambition et le libéralisme
ne sont pas des valeurs particulièrement appréciées en France. Les amateurs de
foot hexagonal sont beaucoup plus friands des présidents « franchouillards »
style Loulou Nicollin (président du Montpellier Hérault Sport Club de 1974 à
2017) et autres Gervais Martel (président du Racing Club de Lens de 1988 à 2012
puis de 2013 à 2017). Rég
ulièrement moqué sur les réseaux sociaux lorsqu’il évoque l’EBITDA (bénéfice
avant impôts et intérêts) généré par OL Groupe, JMA dispose néanmoins d’un
style adapté à la ville que son club représente. « Lyon la bourgeoise,
Saint-Étienne la populaire ». L’adage est connu, et le président lyonnais a
adopté une stratégie en adéquation avec le profil des habitants de la capitale
des Gaules.
Premier club français à faire son entrée en Bourse en 2007 et à être totalement
propriétaire de son stade depuis 2017, mise en place d’un centre de formation
ultra performant, promoteur du football féminin en France… Les qualités de
visionnaire de Jean-Michel Aulas ont toujours permis à l’OL d’être un club à la
pointe de la modernité. Et malgré un palmarès européen totalement vierge pour
l’équipe masculine, le président lyonnais a toujours su se faire entendre, même
à la table des grands : en 2007, il se fait par exemple élire à la tête du G14,
association regroupant les clubs les plus riches d’Europe. La vision élitiste
du football, le président Aulas l’assume pleinement : toujours en 2007, il
n’avait pas hésité à créer l’association Football Avenir Professionnel (FAP)
qui réunissait les sept clubs les plus riches de France de l’époque, en vue de
l’obtention d’une répartition des droits télé largement favorable au haut du
pani
er de la Ligue 1. Forcément, ça n’avait pas plu aux « petits » clubs exclus de
la manœuvre et l’association avait finalement annoncé sa dissolution un an plus
tard…
« Un tramway fait votre fierté ? Ça vous change des chariots de la mine ! ». En
adéquation avec les valeurs lyonnaises, cette banderole, exposée par les Bad
Gones à Gerland un soir de derby en avril 2015, illustre une autre raison pour
laquelle les supporters des autres clubs adorent détester l’OL : la supposée
arrogance à la lyonnaise.
Le règne des années 2000 jamais digéré
Et il faut bien le reconnaître, au cours de la décennie 2000-2010, le supporter
lyonnais avait de quoi faire le coq : avec une Coupe de la Ligue (2001), une
Coupe de France (2008) et sept titres de champions consécutifs (2002-2008),
l’Olympique lyonnais dominait alors outrageusement le football français et se
surprenait même à rêver de soulever rapidement la Coupe aux grandes oreilles
(il y avait penalty sur Nilmar !). Sans réel concurrent au niveau national,
Lyon était alors l’équipe à battre et venait titiller une autre spécificité
nationale : l’aversion française pour ceux qui gagnent. Ce trait de caractère
qui n’est pas le sien, JMA éprouve un malin plaisir à venir le chatouiller de
temps à autre, sans se soucier des conséquences sur sa popularité : « Dans la
vie, il y a ceux qui gagnent… Et il y a les autres. » rédigeait-il par exemple
sur un tableau blanc en 2014, pour motiver ses troupes, avant une demi-finale
de Coupe de la Ligue face à Troye
s (2-1).
Sauf que depuis 2012 et la victoire en Coupe de France face à Quevilly (1-0,
but de Lisandro), Lyon n’a plus rien gagné. Alors forcément, voir Jean-Michel
Aulas et les jeunes issus du centre de formation (Gonalons, Lacazette, Lopes,
Fekir, Tolisso, Umtiti…), bercés par les exploits de leurs aînés, continuer à
jouer les cadors passe mal auprès de certains (on se souvient tous du mémorable
“Emmenez-moi à Geoffroy Guichard !” lancés par Lacazette et Umtiti depuis le
balcon de l’Hôtel de Ville après la dernière victoire en Coupe de France), et
les procès en arrogance se multiplient. La niaque de Lopes devient de la
violence malintentionnée, le génie de Fekir est considéré comme de
l’impertinence et le sens du but de Lacazette ne serait dû qu’à un surrégime
passager. Même si la plupart de ces joueurs signeront plus tard au sein des
plus grands clubs européens, personne ne veut croire à un retour des Lyonnais
au premier plan : le roi est tombé et ne
comptez pas sur les Français pour l’aider à retrouver son trône.
Un club qui a tout pour être aimé
Néanmoins, il ne faut pas se méprendre : l’OL n’est pas aussi impopulaire qu’il
en a l’air. Dans une enquête commandée par la LFP et le syndicat Première Ligue
et parue en avril 2020, Lyon apparaît comme le 3ème club préféré des Français.
L’OL est également le quatrième club français le plus populaire sur les réseaux
sociaux. La période dorée des années 2000 a engendré une génération de
supporters de l’OL, même au-delà des murs de la cité rhodanienne. De son côté,
à force de travail et d’acharnement, Jean-Michel Aulas a su placer Lyon sur les
cartes nationale et européenne du football et ses qualités de président sont
unanimement saluées. «<Je le dis en toute humilité, si j’avais un modèle à
copier en tant que président d’un club de football ce serait le sien »,
confiait par exemple le président d’Amiens Bernard Joannin en 2019, pour les 70
ans du président lyonnais. « M. Aulas a été un excellent président de Lyon,
superv
isant des progrès sportifs significatifs et améliorant les installations avec
le stade, tout en maintenant la stabilité économique », louait également Daniel
Levy, président du club anglais de Tottenham.
Avec le modèle instauré par Aulas, Lyon a tous les atouts pour rester en haut
de l’affiche de nombreuses années, et sans avoir à compter sur des
investisseurs étrangers. En gagnant à nouveau des trophées, il ne fait guère de
doute qu’une nouvelle génération de fans de l’OL émergera, prête à défendre ce
club face à la France entière… Car on a tous quelque chose de Jean-Michel Aulas
en nous !
Source Planète Lyon :
https://olplus.fr/m4iWr
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