Comment Catarina Macario et Damaris Egurrola peuvent incarner le futur de l’OL
Par Julien Perrier
FÉMININES. L’OL féminin s’est renforcé durant le mercato hivernal avec les
arrivées de Damaris Egurrola (21 ans, en provenance d’Everton) et Catarina
Macario (21 ans, jouant auparavant pour l’université de Stanford), deux jeunes
joueuses ayant le potentiel pour jouer les premiers rôles dans l’effectif
lyonnais des prochaines années, sous réserve de certains ajustements dans leur
manière de jouer.
Fenêtre grande ouverte
Une parenthèse avant de commencer. L’OL peut bien évidemment se féliciter
d’avoir récupéré deux des plus gros espoirs mondiaux dans son effectif, mais la
chronologie du recrutement de Damaris Egurrola doit cependant servir
d’avertissement pour les futurs transferts. L’Espagnole avait terminé son
contrat avec l’Athletic Bilbao en juin 2020, et n’avait alors été contactée que
par le Real Madrid et Barcelone malgré l’intérêt supposé de nombreux clubs
européens (notamment français). Cependant, les discussions n’ont ad sur aucune
offre, à cause de la présence d’une clause de formation de 250K€ à verser au
club basque uniquement en cas de départ vers une équipe espagnole (une clause
similaire était présente dans le transfert vers le Real Madrid de la milieu
offensif Maite Oroz, l’autre étoile montante de Bilbao). Libre, Egurrola
traverse quasiment tout le mercato estival sans aucun point de chute, avant de
s’engager début septembre 2020 avec
l’équipe d’Everton qui, malgré la perte de sa meilleure joueuse Chloe Kelly,
a finalement réalisé un recrutement plutôt cohérent, avec l’arrivée des deux
ailières percutantes Claire Emslie et Hayley Raso, ainsi que l’attaquante
française Valérie Gauvin, qui trouve par la même occasion une organisation de
jeu taillée pour ses qualités.
De manière plus générale, on peut actuellement établir un délai de 6 à 12 mois
entre le moment où une joueuse commence à exploser dans une équipe hors des
gros calibres européens et l’apparition des premières offres de clubs plus
huppés. Si on traduit ce postulat en langage de recrutement, il y a donc une
fenêtre grande ouverte d’un ou deux mercatos au cours de laquelle une joueuse
talentueuse peut tout simplement être enrôlée par une équipe concurrente
possédant une cellule de recrutement un peu plus performante, en réduisant le
risque d’une mauvaise opération financière et en évitant potentiellement la
rupture d’une dynamique positive pour une joueuse trop forte pour son club ou
son championnat ou qui perd une année de sa carrière.
Pour illustrer ces propos par deux exemples récents, la venue en prêt de
l’internationale suédoise Michelle De Jongh à Fleury intervient alors que la
milieu offensif droit de Vittsjö avait illuminé la saison de Damallsvenskan
2019 et permis à son club d’aller chercher une sublime troisième place, alors
que son rendement lors de l’exercice 2020 était un peu plus discutable à cause
d’un repositionnement plus central dès la phase de construction du jeu pour
laisser l’animation du couloir à sa latérale Lisa Klinga (alors que sur la
saison d’avant, elle avait tendance à garder son couloir et à se recentrer
uniquement pour conclure sur les offensives de son équipe). Même constat pour
la nouvelle recrue milanaise Yui Hasegawa, milieu de terrain créatrice
exceptionnelle du NTV Beleza, qui a brillé avec l’équipe nationale japonaise
jusqu’à la coupe du monde 2019 et son club durant l’édition 2019 de Nadeshiko
League (championnat japonais), mais qui reste
cependant sur une année 2020 plutôt quelconque, à l’image de son équipe qui
n’a jamais eu les armes en main pour disputer le titre japonais au formidable
collectif des Urawa Red Diamonds et de leur joueuse vedette Yuika Sugasawa. On
pourrait également citer Guro Reiten qui fait deux saisons exceptionnelles de
Kvinne Toppserien 2017 et 2018 avec Lillestrom avant de partir pour Chelsea
après la CdM 2019, Joelle Smits qui sort un début de saison 2019-2020
fantastique avec le PSV mais qui signe un contrat avec Wolfsburg uniquement en
Septembre 2020.
Bref, pour refermer la parenthèse, cette problématique de fenêtre de transfert
n’a pour le moment pas impacté outre mesure les recrutements de l’OL, mais
mériterait d’être considérée sérieusement au cours des prochaines années afin
d’éviter de potentielles déconvenues, surtout dans des périodes charnières
telles que les phases de rajeunissement d’effectif. D’ici là, on espère que
Narumi Miura, Alison Gonzalez ou Jonna Van de Velde auront arrêté de jouer dans
leurs championnats nationaux et auront eu la possibilité de s’exprimer à un
niveau un peu plus en adéquation avec leur potentiel.
Catarina Macario, le temps des décisions
Mais revenons au cœur du sujet : les arrivées côté OL lors de ce mercato
hivernal. La recrue ayant fait le plus parler est bien évidemment Catarina
Macario, qui a affolé les compteurs avec les Stanford Cardinals lors de ses
saisons universitaires : sur les trois années passées en NCAA (le championnat
universitaire états-unien), elle a en effet marqué 63 buts et réalisé 47 passes
décisives en 68 matches, avec une dernière saison à 32 réalisations et 23
assists en 24 rencontres !
Difficile à bouger physiquement et dotée de bonnes techniques de dribble et de
tir, la nouvelle ressortissante américaine est de fait redoutable offensivement
dans les 25 derniers mètres adverses (notamment sur les percussions balle au
pied qu’elle réalise assez fréquemment), sans compter qu’elle sait aussi
transmettre la balle de manière plutôt précise, ce qui en fait également une
très bonne tireuse de coups de pied arrêtés.
(0 :35) Illustration d’un des mouvements favoris de Catarina Macario, qui lui
permet d’utiliser parfaitement toutes ses qualités offensives : prise de balle
tranquille aux 25 mètres adverses, accélération et percussion en dribble dans
la défense adverse jusqu’à l’entrée de surface pour finir par une frappe
puissante et précise qui va terminer sa course dans les filets de Southern
California.
Cependant, dans un championnat universitaire plutôt physique où il est
finalement assez rare de trouver des marquages stricts, des pressings
coordonnés et des combinaisons de passes précises pour déséquilibrer un bloc,
Catarina Macario a souvent eu peu de difficultés à trouver l’espace et le temps
nécessaires pour faire parler ses qualités offensives et sa justesse technique.
Un des principaux objectifs de cette fin de saison va donc tourner autour de
cette capacité à pouvoir répéter ce genre de prouesses lorsque les lignes
adverses seront plus resserrées, avec des joueuses à vocation défensive plus
expérimentées qui fermeront plus rapidement les espaces autour d’elle.
Afin de devenir une des meilleures joueuses du monde, Catarina Macario devra
ainsi apprendre à disputer des rencontres à plus grosse intensité et notamment
appréhender tout le travail de prise de décision que ce genre de confrontations
impose : prendre les bonnes informations le plus vite possible, savoir se
démarquer efficacement, alterner entre percussions individuelles et mouvements
collectifs en fonction des situations de jeu, être décisive dans les parties
tendues…
(54 :00) Et notamment ne plus perdre la balle face à ces marquages stricts et
agressifs, peu courants en championnat universitaire mais beaucoup plus
fréquents à plus haut niveau.
A l’aube des premiers matches professionnels de Catarina Macario, le challenge
pour Jean-Luc Vasseur et son équipe technique est tout aussi motivant que
périlleux : réussir à former le plus rapidement possible aux exigences du haut
niveau une joueuse techniquement douée mais inexpérimentée, afin que
l’organisation lyonnaise soit impactée le moins possible en cas d’absence ou de
départ de Dzsenifer Marozsan.
Damaris Egurrola, la constance remise en question
Pour l’Espagnole Damaris Egurrola, les problématiques et les enjeux sont
complètement différents de sa coéquipière. Ayant joué avec ses anciens clubs
face aux meilleures équipes d’Espagne puis d’Angleterre, la sentinelle
espagnole s’est déjà confrontée plus d’une fois au haut niveau européen, et a
réussi malgré son jeune âge à développer toutes les qualités permettant
d’exister dans ce type de rencontre pour un poste aussi exposé que le sien :
savoir lire le jeu, relancer vite et propre, intervenir rapidement, résister à
un pressing…
(33 :12) A l’image de cette action face à Barcelone où, après avoir récupéré la
balle de la tête suite à une mauvaise relance d’Andrea Pereira, Damaris
Egurrola résiste à un gros pressing barcelonais et sert tranquillement sa
coéquipière Oihane Valdezate, qui a par la suite tout le temps nécessaire pour
lancer en profondeur Lucia Garcia et amorcer une attaque dangereuse pour Bilbao.
Droitière possédant un bon toucher de balle, une vision du jeu exceptionnelle
ainsi qu’une technique de passe fabuleuse pouvant atteindre toutes les zones du
terrain, Egurrola est le prototype de la sentinelle moderne : capable
d’intervenir défensivement s’il le faut, mais qui préfère de loin construire le
jeu et être la première rampe de lancement des actions offensives de son
équipe, en sachant relancer proprement sur n’importe quelle coéquipière, même
sous pression. Un profil similaire à la sentinelle de Manchester City, Keira
Walsh, marquant au passage une vraie opposition de style avec la génération
précédente qui donnait au contraire la priorité à la solidité défensive par
rapport à la prise de risques sur les circuits de passes (Julie Ertz, Lena
Gössling, Fara Williams, Jennifer Zietz, Shirley Cruz, Jade Moore… Saki Kumagai
étant encore un profil un peu particulier qui mériterait d’être détaillé dans
un article à part).
Comme toutes ses contemporaines attirées par le jeu avec ballon, Egurrola a
donc tendance à tomber dans le piège de l’inconstance défensive sur les phases
de possession adverse : même si elle sait plutôt bien défendre en un contre un
et que la plupart de ses interventions sont réussies, l’Espagnole a souvent
tendance à réaliser inconsciemment des marquages flottants, oublie de couper
quelques trajectoires de passe et redescend parfois tranquillement après avoir
été éliminée sur une passe ou un appel dans son dos. Des défauts parfois
perceptibles en position de sentinelle, mais qui deviennent flagrants lors de
ses prestations en défense centrale, notamment face à Janine Beckie sur le but
du 0-3 lors de la confrontation face à Manchester City de fin d’année dernière :
L’enjeu pour l’OL va donc être d’inculquer à Damaris Egurrola l’agressivité et
la constance nécessaires au rôle de sentinelle, et cette envie d’harceler en
permanence les éléments offensifs adverses pour les faire déjouer. Un challenge
loin d’être simple, mais qui lui ferait passer le dernier palier pour devenir
une milieu défensive de classe mondiale.
Encore un chaînon manquant à trouver pour l’OL ?
Après cette synthèse, on voit assez facilement comment Damaris Egurrola et
Catarina Macario vont s’intégrer dans l’entrejeu lyonnais, ce qui laisse du
coup une interrogation sur le poste de relayeuse au milieu de terrain, dont la
transition n’est pour le moment pas assurée. Un poste primordial dans le jeu
lyonnais, sorte d’hybride capable aussi bien de participer aux actions
offensives avec Macario qu’assurer l’équilibre défensif aux côtés d’Egurrola.
Avec le niveau d’exigences d’un club comme l’OL, la liste des prétendantes est
mécaniquement réduite, mais quelques solutions existent.
L’OL avait déjà pensé à l’une d’entre-elles lors la précédente intersaison, la
Norvégienne Vilde Bøe Riisa, championne de Damallsvenskan 2020 avec Götebörg,
et qui semble monter en puissance depuis la Coupe du Monde 2019. Une autre
possibilité intéressante serait de recruter l’Irlandaise Denise O’Sullivan,
harceleuse et travailleuse infatigable devenue sur les dernières saisons
complètes de NWSL une véritable pièce maîtresse du North Carolina Courage de
Paul Riley et actuellement un élément-clé du milieu de terrain de Brighton.
Enfin, une troisième piste serait de récupérer la Canadienne Jessie Fleming,
une joueuse très prometteuse jouant en revanche très peu avec Chelsea, mais qui
a toutes les qualités pour devenir une véritable milieu polyvalente. Quelle que
soit la solution retenue, il sera de toute façon intéressant de voir comment le
meilleur club du monde s’y prend pour rajeunir son effectif tout en restant
compétitif. Et comment les de
ux recrues arrivées en janvier 2021 se développent, pour commencer.
Julien Perrier
Source Libéro Lyon :
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