propos sur Neymar, qu’est-ce qu’a vraiment dit Juninho ?
Par Tom Bonnard
Ce lundi 7 juillet, le journal d’information britannique The Guardian a
consacré un long article à Juninho. Le directeur sportif de l’OL a notamment
évoqué, en longueur, la situation politique dans son pays, la crise sanitaire,
et divers sujets de société. En passant par George Floyd, Jair Bolsonaro et
aussi Neymar. Le passage sur Neymar a pu faire polémique en France. Qu’en
est-il vraiment ?
« Je ressens une profonde tristesse »
Juninho Pernambucano est une personne grandement engagée sur la situation
sociopolitique de son pays. Depuis la nomination de Jair Bolsonaro à la tête du
gouvernement brésilien en 2019, l’ancien de la Seleção s’exprime assez
régulièrement sur les réseaux sociaux pour émettre ses opinions politiques.
Le directeur sportif de l’OL a un vrai regard sur la société, sur le monde. Il
ne parle pas pour ne rien dire. Le passage sur Neymar, qui a pu faire polémique
en France, est à replacer dans son contexte.
Et lors de l’entretien avec The Guardian, Juninho, fortement impacté par la
situation au Brésil, a même fondu en larmes au bout de trente minutes d’un long
rendez-vous qui a duré plus de deux heures. Juni a évoqué les inégalités
sociales et les tensions raciales depuis l’élection de Bolsonaro avec désespoir
: « Nous avons un système éducatif médiocre au Brésil. Les riches disent que
nous devons investir dans l’éducation, mais comment faire ? Nous devons lutter
contre la faim, c’est ce que Lula (ancien président du Brésil) a dit. Si vous
avez faim, vous n’avez aucune confiance. Imaginez un père ou une mère qui n’est
pas en mesure de fournir trois repas par jour à vos enfants. »
Juninho a également émis son point de vue sur une valeur, la dignité, étant
l’une des devises principales de l’éducation au Brésil. « Mais la dignité est
encore plus importante que l’éducation. La dignité humaine est un droit que
nous devons tous avoir. Désolé, cela me rend très émotif… (en larmes) nous
faisons tout mal ; aller à l’encontre de tout ce que le reste du monde fait. Je
suis brésilien, je sais que nous sommes un pays pauvre et que notre peuple a
besoin de travailler, mais c’est une question de vie. Si nous avions eu un
verrouillage, nous pourrions être sur le point de le faire, mais non… c’est
désespéré de voir notre pays maintenant. Je ressens une profonde tristesse »,
s’est désolé Juninho. Il a terminé sur ce sujet en émettant son point de vue
sur l’actuel président du Brésil.
« Bolsonaro est un fils de WhatsApp et de fausses nouvelles. Les personnes
soutenant Bolsonaro étaient majoritaires et j’ai décidé de m’en éloigner. Je
sais que certains d’entre eux regrettent maintenant leur décision. Ils
pensaient que Bolsonaro était la seule option. » L’élection de ce nouveau chef
d’État aura en effet poussé Juninho à quitter le Brésil, estimant qu’il ne
pouvait plus y rester à partir de 2018. C’est pour des raisons de sécurité et
de désaccord avec sa famille qu’il a déménagé à Los Angeles et à Lyon plus
récemment pour devenir directeur sportif du club où il a été septuple champion
de France dans les années 2000 ;
« Les tirs ont lieu tous les jours »
Fortement engagé dans la lutte contre le racisme, Juninho s’est également
exprimé sur le meurtre de George Floyd en faisant un parallèle avec le Brésil.
Avec plus de la moitié de la population s’identifiant comme noirs, le cas
concernant les violences policières au Brésil est similaire à celui des
États-Unis. Et ça, Juninho n’a pas mâché ses mots pour le faire savoir. Il
s’est appuyé sur le récent meurtre d’un enfant de 8 ans par la police dans une
favela de Rio. « Il s’agit d’un racisme clair, une confirmation du type de
politique violente que nous avons actuellement dans le pays. Comment un enfant
de huit ans a-t-il pu être abattu par la police comme cela s’est produit
l’année dernière au Complexo do Alemão ? Comment est-il possible de vivre après
ça ? Incroyable. Regardez George Floyd. Il ne pouvait pas respirer. C’est un
être humain. Je ne peux pas imaginer comment la police peut faire ça. C’est du
racisme et c’est très, très tris
te. » Indigné par les propos d’Edouardo Bolsonaro, le fils du président Jair,
déclarant qu’il n’y a « pas de George Floyd au Brésil », Juninho n’a pas pu
rester muet. « Il y a des milliers de George Floyds au Brésil et des milliers
d’autres qui ont souffert en silence que nous ne connaissons pas. Il est
inhumain de dire que nous n’avons pas George Floyds au Brésil. Les tirs ont
lieu tous les jours. Les homosexuels sont également persécutés et c’est l’une
des choses dont je suis le plus en colère contre les personnes qui soutiennent
Bolsonaro. Cependant, personne ne peut battre le temps. Un jour, tout le monde
découvrira qui vous êtes vraiment. »
« C’est ce qu’on nous a appris et ce que nous avons appris »
Enfin, en parlant du rapport à l’argent de nombre de Brésiliens, le directeur
sportif de l’OL a pris comme exemple Neymar, la star du PSG… A la suite d’une
question concernant les nombreux déménagements de Juninho au cours de sa
carrière. « Au Brésil, on nous apprend à ne nous soucier que de l’argent, mais
en Europe, ils ont une mentalité différente. Inconsciemment, j’ai fait un plan
de carrière parce que je voulais aller dans un autre grand club au Brésil, et
pas seulement pour faire du sport. On m’a appris à aller vers qui me paierait
le plus. C’est la voie brésilienne. »
Juninho a ensuite pris Neymar comme exemple. « Regardez Neymar. Il a déménagé
au PSG juste à cause de l’argent. Le PSG lui a tout donné, tout ce qu’il
voulait, et maintenant il veut partir avant la fin de son contrat. Mais il est
maintenant temps de redonner, de montrer de la gratitude. C’est un échange.
Neymar doit donner tout ce qu’il peut sur le terrain, pour faire preuve d’un
dévouement total, de responsabilité et de leadership. Le problème est que
l’établissement au Brésil a une culture d’avidité et veut toujours plus
d’argent. C’est ce qu’on nous a appris et ce que nous avons appris. ».
Avant de poursuivre : « C’est tout simplement ce qu’il a appris. Je dois faire
la différence entre Neymar en tant que joueur et Neymar en tant que personne.
En tant que joueur, il est dans le top 3 mondiaux, au même niveau que Cristiano
Ronaldo et Leo Messi. Il est rapide, coriace, peut marquer et faire des passes
décisives comme un vrai numéro 10. Mais en tant que personne, je pense qu’il
est coupable parce qu’il a besoin de se remettre en question et de grandir.
Pour le moment, cependant, il fait juste ce que la vie lui a appris à faire. »
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