Re: Quitter for Jaws

  • From: Arnaud <arnaudb@xxxxxxxxxxx>
  • To: jfw@xxxxxxxxxxxxx
  • Date: Sun, 06 Mar 2011 18:36:39 +0100


Le 06/03/2011 18:33, Arnaud a écrit :
skipterr?
c'est super!

Le 06/03/2011 18:07, Arnaud a écrit :
kweetair is not a good softare to use.

forget it , dude, dude forgat!

Le 18/01/2011 22:47, Stephanie Switzer a écrit :
John
Did you read the read me file before or after you downloaded qwitter?
JUst wandering. Any way in order to read what people say to you you
need to create buffers I don't know the short cut key off-hand, but
the read me file should have it listed as well as the short cut keys
used to be able to read the updates. To read the updates you need to
go to that buffer and press the windows kee+ control+ the Up or down
arrow keeys to access them Use control+windows + left or right arrow
keys to move between the buffers. Someone said something about MCtwit,
Had it, worked fine for a while, then I started getting "error" with a
number each time I tried to reply to someone, or repost a tweet
(retweet) so I had to eventually to uninstall it. (not that I'm saying
that it is a bad program, because I am not.) Oh and thanks for
pointing out that qwitter works with multiple screen readers I didn't
do that when I first replied because John was asking about it in
reference to Jaws. Okay that sounded kinda rude, but I'm not meaning
it to. Sorry if it sounds that way to anyone.
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Marine Le Pen
À contre flots
ISBN : 2-7339-0957-6
© Avril 2006, by Éditions Grancher
Collection dirigée par Ph. Grancher
98, rue de Vaugirard, 75006 Paris
Tel.: 01 42 22 64 80 ? Fax : 01 45 48 25 03
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« Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le 
consentement de l'auteur, ou de ses ayants droit, ou ayants causes, est 
illicite (article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle). Cette 
représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait 
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propriété intellectuelle. Le Code de la propriété intellectuelle n'autorise, 
aux termes des 2 et 3 de son article L. 122-5, que les copies ou reproductions 
strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une 
utilisation collective d'une part, et, d'autre part, que les analyses et les 
courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration. »
Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l'accord de l'éditeur. 
S'adresser au Centre Fronçais du Copyright - 6 bis, rue Gabriel-Laumain - 75010 
Paris - Tel.: 01 48 24 98 30
« Le passeur d'eau, les mains aux rames,
A contre flots, depuis longtemps,
Luttait, un roseau vert entre les dents. »
Émile Verhaeren Le passeur d'eau
 Jehanne, Louis et Mathilde,
qui comprendront plus tard que le temps
que je n'ai pas passé auprès d'eux,
je l'ai tout de même dépensé pour eux...
Chapitre I
Bienvenue dans un monde sans pitié
C'est le froid qui m'a réveillée.
À moins que ce ne soit le silence.
Un silence de mort, assez assourdissant pour arracher à son premier sommeil une 
petite fille de huit ans.
Il est quatre heures moins le quart du matin.
Hier, jour de Toussaint, nous sommes allés dîner chez des amis de mes parents. 
Je me suis endormie peu après le dessert et ma mère m'a couchée dans une 
chambre à côté.
Vers deux heures, nous sommes retournés chez nous, au 9 Villa Poirier, dans le 
XVe arrondissement de Paris. C'est une impasse qui donne dans la rue Lecourbe, 
à mi-chemin entre le métro Sèvres-Lecourbe et la mairie. Nous y occupons deux 
appartements, l'un au quatrième où logent mes parents,
9
l'autre au cinquième où je couche avec mes deux soeurs. Les duplex ne sont pas 
encore à la mode et le terme serait de toute façon impropre puisque les deux 
appartements ne communiquent pas : pour aller de l'un à l'autre, il faut 
emprunter l'escalier de l'immeuble. Un heureux hasard a fait que, lorsque je 
suis venue au monde ? troisième et dernière fille ?, le petit appartement du 
cinquième s'est libéré. Mon père a saisi cette opportunité pour mettre sa 
famille un peu plus au large, d'où l'extension du domaine familial et la 
juxtaposition, sur deux étages, du royaume des enfants et de celui des parents.
Nous avons chacune notre chambre, là-haut, et une salle de bains. Nous y 
montons pour faire nos devoirs, pour jouer, pour dormir. On vient d'ailleurs de 
les refaire, ces chambres. Les travaux sont juste terminés, ça sent la peinture 
et le papier neuf. Quand je me couche, Yann et Marie-Caroline dorment déjà.
Yann ? elle a douze ans à l'époque, et Marie-Caroline seize ? est allée faire 
un baby-sitting chez nos voisins, les parents du petit Guillaume, un bébé d'un 
an. Elle devait en théorie rester chez eux, mais elle a finalement retraversé 
le palier pour venir se glisser dans son lit.
Sans qu'elle sache pourquoi, elle n'était pas tranquille...
10
Il me semble que je viens juste de m'endormir quand je suis réveillée en 
sursaut, saisie par le froid et cet étrange silence. Je vais me lever lorsque 
je m'aperçois que mon lit et ma chambre sont parsemés d'éclats de verre. Mais 
le plus saisissant, c'est cet incroyable silence, si épais, si dense. Et puis, 
comme si la vie revenait par bribes, déchirant une matière cotonneuse, un cri : 
« Marine, ne bouge pas ! ».
C'est Yann. Impérieuse.
Je l'entends mais je ne la vois pas.
Une sorte de fumée blanchâtre et âcre flotte dans la pièce. Le temps de lui 
demander si je peux m'asseoir sur mon lit, Yann surgit. Marie-Caroline aussi, 
qui vient d'escalader une armoire pour s'extirper de sa chambre. Il y a des 
bris de verre partout, des gravats et surtout le froid qui monte de ce trou, 
béant, par où semble avoir disparu l'escalier. Y a-t-il eu un tremblement de 
terre ? Est-ce que
meuble va finir de s'effondrer ? Est-ce que nous allons tous mourir ? 
Sommes-nous les seules survivantes ?
Nous voilà maintenant toutes les trois sur le lit de Yann, mortes de peur. 
Agenouillées, grelottantes, les mains jointes, nous nous mettons à prier, avec 
la ferveur du désespoir : « Je vous salue Marie... », quand on entend la voix 
de notre père qui crie
11
depuis l'étage du dessous : « Les filles ! Les filles ! Est-ce que vous êtes 
vivantes ? » C'est Marie-Caroline qui répond : « Oui, oui, nous, on est là. On 
n'est pas blessées ! » Il appelle maintenant les voisins : « Monique, est-ce 
que vous êtes blessés ? » C'est Bernard, le père du petit Guillaume, qui répond 
d'une voix blanche : « Pour nous ça va, mais le bébé n'est plus là. Sa chambre 
a été soufflée ! »
Soufflée, comme les cloisons des appartements, comme l'escalier qui n'est plus 
qu'un immense trou sombre. Les vingt kilos de dynamite qui ont éventré 
l'immeuble l'ont transformé en une maison de poupée : il n'y a plus de murs, on 
a vue sur toutes les pièces. Dieu merci, la construction à l'ancienne nous a 
tous protégés : les chambres étaient les pièces les plus éloignées de 
l'escalier, sans quoi...
Mais le bébé, ce bébé auquel nous sommes si attachées ? Pour moi, il est mort, 
c'est une certitude.
Commence alors l'attente dans l'appartement dévasté, qui nous paraît glacé 
comme une morsure.
Au bout de ce qui nous semble une éternité, les pompiers retrouvent le petit 
Guillaume dans la cour.
C'est un véritable miraculé. Projeté du cinquième étage avec son matelas qui a 
amorti la chute ? il y était attaché par une « gigoteuse » ?, il est tombé sur 
un arbre et n'a qu'un bras cassé. De même, les deux petites filles du troisième 
ont dû la vie sauve à une
12
poutre d'acier qui s'est mise en travers de leurs lits et les a protégées des 
dix tonnes de gravats amoncelés sur leur tête.
Tous énuméreront, une fois sortis de là, les miracles successifs qui leur ont 
sauvé la vie, et de fait, Le Parisien du 3 novembre 1976 titrera sur « Le 
Miracle de la Toussaint ». Douze appartements en miettes, pas un blessé sinon 
le bébé, qui n'en conservera pour tout souvenir que son certificat pour le 
moins précoce de parachutisme et un surnom affectueux que lui donnera mon père 
: « le mutant ».
Les pompiers, enfin, nous récupèrent dans leur nacelle. Ils ont évacué les 
autres par la grande échelle, nos parents compris, mais nous, nous sommes trop 
jeunes pour prendre un tel risque depuis le cinquième étage.
Nous voilà donc dans la rue, un 2 novembre, en chemise de nuit et en chaussons, 
la seule chose qu'on ait pu attraper pour éviter de se blesser les pieds. Nos 
parents nous confient à des voisins, de l'autre côté de la rue, venus 
spontanément se proposer pour nous récupérer. Ils font partie des rares qui ont 
encore des vitres à leurs fenêtres. Et nous voilà plantées là, devant un 
chocolat chaud, chez des inconnus. Complètement perdues.
Nous ne savons toujours pas ce qui s'est passé, s'il y a des morts et des 
blessés, et moi, comme toutes
13
les petites filles, je me demande si nos animaux sont encore en vie. En fait, 
on retrouvera notre malheureux caniche Rainbow, littéralement « vitrifié » sur 
notre canapé pendu dans le vide...
Du champ de ruines qu'est devenu notre immeuble, plus rien : plus de cahiers, 
plus de papiers, plus de vêtements...
Pendant des jours, nos parents iront fouiller dans les gravats pour récupérer 
ce qu'ils peuvent : objets personnels, bijoux, albums photos... En pareilles 
circonstances, il y a toujours des pillards à l'affût. Ce qui n'est pas détruit 
a parfois été projeté très loin, comme cette mallette de mon père qu'on nous a 
rapportée ; à l'intérieur un album, justement, retrouvé rue Lecourbe, dans 
lequel figuraient des photos de nous trois prises dans le bain. Nous ? les 
trois soeurs ? étions mortifiées à l'idée que ces photos aient pu être 
dispersées à tous les vents !
En ce matin du 2 novembre 1976, nous n'avons plus de toit.
La municipalité n'a pas ouvert le gymnase à côté pour héberger les familles 
sinistrées, ni dépêché de psychologues en blouse blanche pour une « cellule de 
soutien». à chacun de se débrouiller comme il peut avec son malheur. C'est donc 
l'ami intime, Jean-Marie Le Chevallier, qui nous offre l'hospitalité et
14
accueille toute la famille chez lui pour plusieurs semaines.
Nos parents décident que mes soeurs et moi continuerons de nous rendre à 
l'école comme si rien ne s'était passé ; ils pensent que c'est mieux ainsi, 
qu'il ne faut pas ajouter de rupture au drame ; sans doute ont-ils raison sur 
le moment.
Toutefois, cette école nous paraît maintenant au bout du monde, notamment parce 
que, un jour sur. deux, la vieille 105 Peugeot rouge de notre mère ne veut pas 
démarrer ; je garderai de cette guimbarde un souvenir cauchemardesque... Notre 
bon samaritain habite le XVIIe et la traversée de Paris aux heures de pointe 
n'est pas, même à l'époque, une partie de plaisir. Il faut donc partir aux 
aurores. Et puis, surtout, je vais découvrir que l'école n'est pas le lieu de 
la compassion.
Cela, j'aurai l'occasion de le vérifier hélas, à de rares et notables 
exceptions prés, tout au long de ma scolarité, toujours et encore, à cause non 
de ce que je faisais, bien ou mal, mais à cause de mon seul nom. C'est ainsi 
que ma soeur Yann, douze ans, la plus sensible sans doute de nous toutes, et 
une élève brillante ? elle était alors en 4e ? eut droit à une remarque 
foudroyante de son professeur de français. Devant faire une rédaction sur le 
thème « Racontez un événement de votre vie qui vous a profondément
15
marqué », cela quelques semaines seulement après l'attentat, elle fit bien 
évidemment le récit de cette nuit de cauchemar. Ce qui lui valut cette remarque 
: « Mademoiselle Le Pen, si je vous ai donné 15/20, ce n'est pas tant pour la 
qualité de votre copie bien trop excessive dans la forme, dans les mots et dans 
le fond, qu'eu égard au récent événement... »
Avait-il seulement idée, ce professeur, de ce que fut notre peur ?
Des amis qui nous hébergent, je ne sais, à l'époque, que ce qui peut intéresser 
une fillette de huit ans. Jean-Marie Le Chevallier est un intime de mon père, 
il vient souvent à la maison. Je sais qu'il « fait de la politique », notion 
absolument abstraite pour moi. Il vit alors avec une femme assez extravagante 
surnommée « Biquette » ; celle-ci s'évanouit deux ou trois fois par jour en 
prenant des poses théâtrales, ce qui nous fait, mes soeurs et moi, hurler de 
rire.
J'apprendrai que Le Chevallier, le même qui deviendra trente ans plus tard 
maire de Toulon, non sans embûches, est alors le directeur de cabinet de 
Jacques Dominati, secrétaire général des Républicains indépendants. Ce n'est 
pas rien à l'époque. Les R.I., comme on dit alors, c'est le parti de Giscard, 
lequel est à l'Élysée.
16
Il a fallu en réalité cette nuit d'horreur pour que je découvre que mon père, 
lui aussi, « faisait de la politique ».
Jusque-là je ne savais rien de lui, de l'homme public s'entend. Qu'il avait été 
député, qu'il avait fondé, quand j'avais quatre ans, un parti politique ? le 
Front national ? dont il était président, j'en ignorais tout. Et ce n'est pas 
le calicot apposé sur la porte de l'appartement, reproduction de l'affiche de 
la présidentielle de 1974, qui pouvait me renseigner. C'était une façon de se 
signaler un peu plus originale qu'une autre, voilà tout.
Mais là, à partir de cette nuit de Toussaint, je ne peux plus l'ignorer. 
J'entre de plain-pied dans la politique, et par sa face la plus violente, la 
plus cruelle, la plus brutale : les vingt kilos de dynamite qui viennent 
d'éventrer notre immeuble ont été posés pour tuer Jean-Marie Le Pen, sa femme, 
ses enfants, et ce en faisant fi des familles qui vivaient autour.
J'ai huit ans et réalise brutalement que mon père est quelqu'un de connu et 
qu'on lui en veut. Je comprends aussi que mon père peut mourir, qu'il risque de 
mourir, et ce qui est pire encore, de mourir parce qu'on veut le tuer.
J'ai huit ans.
17
Je me suis endormie la veille comme toutes les autres petites filles de cet 
âge. Mais au réveil, je ne suis plus une fillette comme les autres.
La thèse de l'attentat a été immédiatement confirmée. On a très vite informé 
mes parents que vingt kilos d'explosifs avaient été placés au 9 Villa Poirier, 
ce qui constituait « le plus gros attentat depuis la guerre ».
Le 3 novembre 1976, l'explosion fait la une des journaux. France Soir écrit : 
«L'attentat contre Jean-Marie Le Pen a détruit douze appartements dans le XVe» 
et titre : «Un bébé tombe de cinq étages : il est sauvé par son matelas ». Le 
Parisien, dans son éditorial publié en « une » écrit ceci : « L'attentat fait 
suite au congrès du Front national dont un voisin de l'enfant, M. Jean-Marie Le 
Pen, se trouve être  le président. Un petit groupement politique peut-il encore 
tenir congrès ? La télé peut-elle rendre compte des déclarations de son 
président sans que tous les voisins tremblent pour leur vie et pour leurs biens 
? C'est la question posée par l'attentat. Il n'y a pas de liberté sans 
sécurité. La "libéralisation", qui remet sans cesse en liberté "malfrats" et 
terroristes, détruit littéralement la liberté. »
18
Quels malfrats ? Quels terroristes ?
Le Parisien avait-il des informations ? Probablement
pas, mais la question de la libération, anticipée ou non, du ou des auteurs de 
l'attentat ne s'est jamais posée pour la bonne raison qu'ils n'ont jamais été 
retrouvés. Ont-ils seulement été recherchés ? J'ose l'espérer, mais rien 
aujourd'hui encore ne permet de l'affirmer.
Mon père, lui, n'a en tout cas jamais reçu le moindre signe de solidarité ni de 
compassion des autorités. Pas plus d'ailleurs qu'un quelconque signe ou mot du 
chef de l'État, ni d'un membre du gouvernement, ni même du préfet de police. 
Pas le moindre courrier, pas l'ombre d'un télégramme. Seul un jeune conseiller 
municipal du XVe arrondissement s'était déplacé sur les lieux de l'attentat 
pour y rencontrer les victimes.
Le président d'un parti politique ? certes pas encore significatif ? avait 
frôlé la mort, son épouse, ses enfants et ses voisins avec lui ; un ancien 
député avait manqué de peu périr dans l'un des attentats les plus violents 
depuis la guerre (l'explosion avait coupé l'immeuble en deux et creusé un 
cratère de plus de vingt mètres de large) et nul ne s'en était ému outre mesure.
 croire qu'il est des victimes qui méritent leur sort... Et c'est là où, à 
l'âge des poupées, je prends
19
conscience de cette chose terrible et incompréhensible pour moi : mon père 
n'est pas traité à l'égal des autres, nous ne sommes pas traités à l'égal des 
autres. Bien qu'étant une enfant, je sens bien qu'une tentative d'assassinat 
contre un homme politique ? même pas encore très connu ? est un événement 
majeur, or celle perpétrée contre mon père et sa famille sera très vite classée 
et passée sous silence.
Personne n'y fera plus jamais référence. Je me rends compte, dès ce moment, que 
tout ce qui peut nous arriver n'entre pas dans une grille de lecture commune et 
"normale".
Cette "différence de traitement", que j'ai ressentie et intégrée dès après 
l'attentat, deviendra le moteur de mon aversion pour l'injustice. C'est une 
idée qui est entrée en moi avec l'idée de la mort, la certitude qu'elle peut 
frapper n'importe quand, particulièrement mon père.
J'ai longtemps vécu dans la peur qu'il lui arrive quelque chose... En réalité, 
je suppose que je n'arriverai jamais à me libérer de cette peur pour lui, 
inscrite dans la chair de la petite enfance. Il faut dire que si mes parents se 
sont toujours refusés à prendre des précautions particulières ? les seules qui 
seront prises le seront par l'État au moment de l'affaire de Carpentras ? nous 
n'en avons pas moins
20
vécu dans un constant climat de violence à notre encontre. Les menaces de mort, 
dans la vie de la famille Le Pen, c'est par vagues : il y en a toujours un 
petit peu, et parfois il y en a beaucoup.
Je vis donc vraiment, depuis ce moment, avec la conscience du danger. Je sais 
que nous avons face à nous des gens qui n'hésitent pas et qui n'ont pas hésité, 
par cet attentat, à risquer la vie de dix familles pour tuer une seule personne.
Cela va devenir un élément majeur de mon environnement, de ma propre 
construction. C'est encore ce qui fait qu'aujourd'hui j'éprouve une aversion 
radicale pour le terrorisme, que je considère comme la forme la plus vile du 
combat politique, que nulle cause au monde ne peut justifier. Certes, je sais 
fort bien qu'il est des situations dans lesquelles le seul mode de combat 
possible ? c'est en tout cas ce que prétendent ses adeptes ? paraît être la 
violence, mais le principe du terrorisme, c'est quand même de s'en prendre à 
des innocents. C'est là ce qui me révolte au plus haut point, aussi parce que 
je l'ai vécu enfant. La démarche consistant à faire sauter des infrastructures, 
des constructions symboliques, est différente de celle qui consiste à frapper 
des populations de manière aveugle. Quant au terrorisme « ciblé », je n'y crois 
pas. Au contraire. Quand on tue Rafic Hariri, pour citer un exemple
21
,,,,    MI,     .?
récent, on atteint aussi tous ceux qui sont autour, car le but est bien de 
semer l'effroi et la terreur.
Dans le cas de l'attentat de la Villa Poirier, l'objectif était, je suppose, de 
terroriser un groupe, celui des amis politiques de Jean-Marie Le Pen. Mais ce 
que je veux dire ici, c'est que l'acte terroriste, quand on a eu à l'affronter, 
est un crime qui continue et vous poursuit, et c'est en cela qu'il est 
redoutable-ment efficace. On est resté en vie, oui, mais on garde la peur au 
ventre. C'est une gangrène qui gâte tous les actes de la vie, particulièrement 
pour une petite fille. On perd ses camarades, ses amis. Les copines n'ont plus 
le droit de venir dormir à la maison parce que leurs parents ont peur, peur 
qu'il y ait une bombe, peur pour la vie de leur enfant. Insidieusement, l'onde 
de choc continue de se propager.
La peur de l'attentat crée un cordon sanitaire autour de vous : il ne faut pas 
vous fréquenter. Le Pen est un homme dangereux parce qu'il est une cible. Voilà 
l'équation créée à ce moment de notre existence par l'attentat.
Voilà avec quoi il nous a fallu vivre et compter à partir de là.
22
Chapitre II
Apprendre à vivre avec la politique
Il n'y eut aucun "collectif" créé pour le relogement des sinistrés de la Villa 
Poirier, ou de toit offert par la ville de Paris et l'État.
C'était à nous d'en trouver un.
Ce fut donc à Saint-Cloud, dans le parc de Montretout, la maison d'Hubert 
Lambert léguée par héritage à mon père.
Hubert Lambert, héritier des ciments éponymes, n'était pas l'oncle caché 
d'Amérique par où vous vient la bonne fortune. C'était un ami de Le Pen, et 
bien que cette relation fût importante pour l'un comme pour l'autre, la 
profonde amitié de coeur et d'esprit qui les liait depuis des années ne fut pas 
la principale et unique raison de son geste.
On a collé à Le Pen l'image du diable, d'accord. Mais parmi les innombrables 
calomnies d'une injus-
23
tice absolue, proférées à son encontre, cet « héritage Lambert » tient une 
place de choix. Alors parlons-en.
Quelque mois auparavant, Hubert Lambert ? qui avait pour nom de plume Hubert 
Saint-Julien ? avait dit à mon père, qui l'a toujours conservé à l'esprit : « 
Je veux que tu sois libre de faire de la politique, je veux que tu puisses t'y 
consacrer et je ne veux pas que tu sois contraint de sortir de ta route pour 
des considérations matérielles. Je veux que tu aies les moyens financiers de ne 
jamais dépendre de personne, de pouvoir faire les choix que tu considères comme 
justes sans être obligé de te préoccuper de la manière dont tu vas vivre, toi, 
et dont tu vas faire vivre ta famille. Donc, je te fais mon héritier, car je 
sais que la liberté que je t'apporterai, tu t'en serviras pour défendre les 
idées nationales. »
Au moment où Hubert Lambert tient ce discours, il est encore jeune. D'ailleurs, 
Jean-Marie Le Pen, abasourdi, lui fait gentiment remarquer que le légataire est 
plus âgé que son donateur, ce qui rend très hypothétique la transmission !
A la quarantaine, Hubert Lambert vit encore avec sa mère ; elle s'occupe des 
choses qui l'ennuient, et lui, il passe son existence à se cultiver. De fait, 
la culture est son unique passion, et à travers elle, le combat politique. 
Auteur de plusieurs ouvrages, collaborateur régulier du National, le mensuel 
édité
24
alors par le mouvement de Jean-Marie Le Pen, Hubert Lambert est devenu membre 
du Conseil national du Front. Totalement absorbé par ses activités 
intellectuelles, il mène certes une existence confinée, mais rien ne laisse 
supposer qu'il puisse mourir prématurément. Pourtant, il revient toujours sur 
cette histoire de testament, qu'il considère comme un acte politique mûrement 
réfléchi.
Lambert invite même à plusieurs reprises mon père à les accompagner, sa mère et 
lui, chez leur notaire ? ce que Le Pen refuse ? jusqu'au jour où ce sont Hubert 
Lambert et sa mère qui se déplacent jusqu'à l'appartement de la Villa Poirier 
pour remettre à Jean-Marie et Pierrette Le Pen les testaments croisés qui les 
font héritiers. Car c'est bien la mère et le fils, et non seulement ce dernier 
qui, d'un commun accord, ont décidé de transmettre ainsi leur patrimoine'.
Mon père prend ce testament, le met dans un tiroir et l'oublie.
1. Mme Lambert avait rédigé un testament d'abord en faveur de son fils, puis à 
défaut à Jean-Marie Le Pen, à défaut, à Pierrette Le Pen, à défaut, aux enfants 
Le Pen. De son côté, Hubert Lambert léguait ses biens à sa mère, puis à défaut 
à Jean-Marie Le Pen, à défaut, à Pierrette Le Pen, à défaut, aux enfants Le Pen.
25
Le temps passe, jusqu'au décès de Mme Lambert. Elle meurt à l'été 1976, victime 
d'une occlusion intestinale ; son fils va la suivre quelques semaines plus tard.
Vivant dans une totale fusion avec sa mère, Hubert Lambert n'a en effet pu 
supporter le chagrin causé par ce décès. Il se laisse littéralement mourir dans 
la maison de Montretout, où ils vivaient tous deux. Il refusera même de se 
faire hospitaliser.
A ce moment-là, au décès d'Hubert Lambert, vivaient au rez-de-chaussée de la 
maison leurs cousins.
Ces derniers s'attendaient à hériter, du moins est-il logique de le penser, et 
apprennent sans joie excessive ? ce que la suite montrera ? l'existence de ce 
testament qui les déshérite au profit d'un légataire universel, Jean-Marie Le 
Pen.
S'engage alors aussitôt entre eux et mon père une partie de bras de fer 
homérique. Aussi furieux que désappointés, ils ont en effet interdit l'entrée 
de la maison à Jean-Marie Le Pen. Ils lui dissimuleront même le décès de son 
ami quelques heures plus tôt, d'où plainte au procureur de la République et 
apposition de scellés sur les parties de la maison qu'occupaient Hubert Lambert 
et sa mère, soit le premier et le second étage.
Quoi qu'il en soit, à peine la mort de Lambert
26
devient-elle officielle qu'une action en contestation de testament est engagée 
par le cousin Lambert, préambule à un procès dont tout laisse à penser qu'il 
sera extrêmement long.
Et c'est donc dans ce contexte houleux que nous débarquons à Montretout cinq 
semaines après l'attentat avec ce qui nous reste de bagages, c'est-à-dire rien !
En vérité je dois dire que, n'eussent été les circonstances dramatiques qui 
nous y contraignaient, ma mère ne voulait pas du tout s'installer là. « C'est 
une vieille maison, disait-elle, sombre, triste et bien trop grande pour nous. »
Seulement, nous n'avions plus nulle part oit aller excepté l'hospitalité de nos 
amis qui ne pouvait être éternelle, et aucun autre port d'attache en vue. Cette 
demeure restait le seul point de chute que nous puissions raisonnablement 
trouver : nos parents n'avaient pas les moyens d'acheter quoi que ce soit et 
personne ne voulait louer à Le Pen, l'homme qui venait de prendre vingt kilos 
de dynamite ! C'est donc un peu contraints et forcés, et pas emballés du tout, 
que nous sommes venus nous installer dans cette maison de Montretout.
On comprend que dans le contexte procédurier précédemment décrit, le climat 
n'est guère au beau fixe. Chez les voisins forcés que nous sommes
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devenus, les cousins Lambert et nous, les noms d'oiseaux volent plus souvent 
qu'à leur tour.
Entre le rez-de-chaussée et les étages supérieurs l'ambiance est donc 
électrique ! Il n'empêche, je réussis malgré tout à devenir copine avec la 
dernière des Lambert qui doit avoir sept ans.
Bien qu'enfants, nous n'en avons pas moins conscience des enjeux qui séparent 
nos parents, alors nous jouons un peu en cachette dans le jardin, dans le 
parc... Il faut bien vivre, et la vie des enfants c'est le jeu. De plus, j'ai 
un tempérament résolument gai et optimiste de nature, au point que ma mère m'a 
surnommée « Miss bonne humeur». Elle m'appelait aussi « Miss trompe-la-mort » 
car j'étais plutôt casse-cou et sans aucune conscience du danger, que ce soit à 
vélo, à ski, ou à mobylette... Bref, je joue avec la maudite voisine et les 
rapports sont si tendus entre les adultes que cela fait un jour l'objet d'une 
discussion : «Est-ce que Marine peut jouer avec la petite Lambert ?»
Et mon père dit oui, bien sûr.
Alors, comme signe d'une indéfectible amitié et pour sceller le pacte de 
non-agression entre le rez-de-chaussée et le premier étage, la petite Lambert 
et la petite Le Pen s'en vont, main dans la main, déposer la hache de guerre au 
fond du jardin ? en
l'occurrence un coupe-ongles que nous enterrerons en grand secret au pied d'un 
arbre.
Finalement, chacun convenant qu'un mauvais arrangement vaut toujours mieux 
qu'un interminable procès, les deux parties trouvent un accord qui nous 
permettra de jouir de l'ensemble de la maison. Et c'est au bout du compte ? et 
comme toujours ? le fisc qui sera le grand gagnant de cet héritage (taxé à 20 % 
d'un côté et à 60 % de l'autre). La succession sera par la suite close sur un 
coup de théâtre puisque ceux qui la contestaient reconnaîtront, dans une 
renonciation solennelle, l'inanité de leur démarche et la parfaite authenticité 
du geste d'Hubert Lambert et de sa mère.
La vie n'en deviendra pas facile pour autant.
En effet, le cousin Lambert était déjà président de la copropriété du parc de 
Montretout. Après avoir quitté la maison de sa tante, il a racheté une autre 
maison dans le parc et s'y est réinstallé, si bien que les relations de 
voisinage ne s'en sont pas trouvées franchement « huilées » car une certaine 
distance, fort compréhensible du reste, s'est installée entre lui et nous.
Il faut ajouter à cela que nous vivions dans un site clos et privilégié, habité 
par des personnes aisées. Dans ce milieu, les gens tiennent particulièrement
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à leur intimité : l'arrivée de Jean-Marie Le Pen ne fut pas ressentie comme un 
présage de tranquillité.
Quant à nous, les filles, il nous semblait avoir atterri en pleine cambrousse. 
Paris était bien loin et nos amis aussi. C'est d'ailleurs à ce moment-là que 
nos parents ont vendu la maison de Mainterne, près de Dreux.
Mainterne... Ça nous paraissait vraiment comme le bout du monde ! C'était 
surtout une maison ouverte à tous, où défilaient à l'année les copains qui 
venaient avec leurs enfants passer le week-end. C'est dans ces trajets 
Paris-Mainterne que nous avons appris la plupart des chansons de l'armée et 
tout le répertoire de la chanson française que mon père connaissait par coeur. 
Il n'y avait pas de radio dans la voiture alors on faisait la chorale tous les 
cinq, on chantait en canon pendant le trajet qui me semblait durer des heures, 
d'autant que mon père avait une grosse Buick qui tombait en panne tout le 
temps. Il avait une prédilection assez inexplicable pour les grosses voitures 
américaines dans lesquelles on avait bien mal au coeur et où l'on pouvait 
gueuler à tue-tête « Les Oies sauvages », « La Madelon» ou le répertoire 
complet de la marine à voile.
Il faut comprendre que la vie de la famille Le Pen était à mille lieues de la 
caricature bourgeoise qu'on
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s'est plu depuis à en faire. Pour résumer en une image : le déjeuner dominical 
avec le «gigot-haricots verts-flageolets », ça n'était pas pour nous.
À maints égards, nous ne menions pas le moins du monde une vie de famille 
traditionnelle. Tout d'abord, que ce soit à La Trinité-sur-Mer où, malgré la 
grande modestie des lieux, on organisait régulièrement des fêtes, ou à la Villa 
Poirier et à Mainterne, les portes n'étaient jamais fermées pour quiconque. Il 
y avait toujours quantité de gens, amis ou parfois simples connaissances qui 
passaient sans prévenir et restaient dîner, refaisant le monde jusqu'à trois ou 
quatre heures du matin. Combien de fois n'ai-je pas entendu ma mère dire : « Ah 
bon ! D'accord, je fais des pâtes pour douze, quoi ! » C'était la reine du plat 
de pâtes, parce qu'on commençait les repas à quatre et on les finissait 
immanquablement à dix ou douze. Dans ces années de ma petite enfance, c'était 
vraiment la maison du bonheur, sans formalisme : il y avait un brassage 
perpétuel, toutes générations confondues, des copines des filles qui passaient 
et entraient, l'amie de ma mère, Dany, accompagnatrice de voyages qui dès 
qu'elle n'était pas en voyage habitait à la maison, des copains de mon père qui 
s'invitaient systématiquement à manger au dernier moment.
Tout ce monde constituait une sorte de bande où
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figuraient déjà ceux qui allaient devenir les compagnons politiques de mon 
père, mais aussi des journalistes, des gens du show-biz (ou qui en feraient 
partie plus tard), bref des amis de tous les horizons et d'opinions variées.
Aussi heureux soit le souvenir que j'en garde aujourd'hui, cela se faisait 
toujours un peu au détriment de notre vie de famille ? et là je pense à nous, 
les filles ? mais c'était la vie qu'avaient choisie nos parents. Un choix, 
certes peu orthodoxe au regard de la société actuelle qui place les enfants au 
centre de toutes les activités.
Eux étaient un couple avant d'être des parents, avec ce que cela peut signifier 
de fusionne!, et ils le sont restés jusqu'à ce qu'ils se séparent. Je veux 
croire, d'ailleurs, que c'est une des raisons de l'extrême violence de leur 
divorce. Leurs enfants venaient toujours après le couple, ce qui n'enlève rien 
à l'amour qu'ils nous portaient, mais c'était comme cela : un apprentissage 
forcé de l'autonomie y compris de l'autonomie affective.
Ainsi, ils voyageaient énormément, sans nous.
Les années de traversée du désert qu'a connues mon père ont en fait été des 
années de traversée des océans ? au moment de ma naissance, c'était par exemple 
à bord du bien nommé « Cambronne », plus tard ce fut «l'Homme tranquille » I, 
puis II.
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Les bateaux étaient des voiliers bien sûr, les bateaux à moteur étant surnommés 
avec le plus grand mépris des «promène-couillons ». Mes parents ont traversé 
tous les deux l'Atlantique, le Pacifique, ils sont allés aux Galapagos, à 
Tahiti... Le seul voyage que nous ayons fait ensemble, c'était à la Martinique 
aux vacances de Noël qui ont suivi l'attentat, dans un besoin alors évident de 
se retrouver tous.
Autrement, ils nous confiaient de longues semaines à Nana (Anne-Marie), la 
jeune Bretonne qui avait rejoint la famille à la naissance de Marie-Caroline, 
ma soeur aine.
Nana avait seulement quatorze ans ? c'était l'aînée d'une famille très modeste 
de huit enfants ? quand elle garda ma soeur durant le premier été suivant sa 
naissance.
Les choses se passèrent si bien que, septembre approchant, ma mère alla trouver 
ses parents et leur demanda s'ils accepteraient que leur fille se joigne à la 
famille et vienne vivre à Paris pendant quelques mois. Nana est donc venue 
s'installer avec nous. Elle resta... dix ans !
Malgré son jeune âge, elle avait déjà quitté l'école, bien que sa soif 
d'apprendre fût extraordinaire, sa débrouillardise innée et sa gentillesse 
infinie. Mais à
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l'époque, il était courant d'arrêter l'école tôt pour travailler.
Dans le contexte actuel, là encore, je vais décrire une chose difficile à 
expliquer, mais elle devint pour nous cinq aussi bien la quatrième fille de la 
famille que la « baby-sitter ». Intelligente et extrêmement curieuse, elle 
apprit mille choses qu'elle n'aurait probablement pas connues si elle était 
restée chez elle en Bretagne. Avide de connaissances et de savoir, elle 
ingurgita tous les classiques que mon père lui donnait à lire et elle acquit un 
niveau d'instruction auquel elle n'avait hélas pas eu accès auparavant. Il est 
évident que sa présence a donné à nos parents une liberté de mouvement et 
d'esprit très grande et qu'ils en ont profité. Nana nous a quittés à l'âge de 
vingt-quatre ans pour se marier ; elle est ma marraine et je l'aime infiniment. 
Bien sûr, je la vois toujours autour d'une vingtaine de cafés !
Elle a toujours été pour moi un élément extrêmement structurant. Mariée à un 
policier, ils ont tous les deux vécu très modestement dans le XXe 
arrondissement, tirant souvent le diable par la queue. Mais ils ont élevé trois 
enfants d'une manière remarquable. La gentillesse, la sagesse, le bon sens de 
Nana, sa droiture et sa douceur ont toujours été un appui et un exemple pour la 
jeune fille puis la femme que je suis devenue.
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Elle est aussi pour moi la démonstration vivante que, contrairement à ce que 
laisse entendre une partie de la gauche, des parents modestes ne font pas des 
enfants délinquants. Cette idéologie consistant à trouver toujours et encore de 
bonnes raisons au laxisme parental, au délitement de l'éducation dans des 
conditions économiques difficiles, est en réalité une insulte aux gens 
modestes. Ils ont au contraire, souvent plus encore que les autres, à coeur de 
bien élever leur progéniture et de leur transmettre, plus que d'autres là 
encore, la valeur de l'argent, du travail et l'envie de donner plus que l'on a 
reçu. La générosité... Une belle leçon de vie.
Bref ! Nana ou pas d'ailleurs, nos parents bougeaient toujours beaucoup. Ainsi 
ma mère a-t-elle effectué un voyage quand je n'avais qu'un mois et demi, 
laissant durant quelques semaines le nourrisson que j'étais à la garde de mon 
père, ce qui en soi faisait montre d'un optimisme béat quant à la conduite de 
la chose.
Mon père qui, à l'époque, ne savait même pas faire cuire un oeuf, s'est donc 
occupé de moi quelques semaines durant.
Comme il voyait bien que Nana, devenue une jeune femme, avait besoin d'un peu 
de liberté, il lui donnait de temps en temps quartier libre. Ces soirs-là il me 
changeait, préparait mes biberons, un
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vrai exploit quand on le connaît ! Je pense sincèrement que cela a contribué à 
créer entre lui et moi des liens un peu différents de ceux qu'il avait établis 
avec mes deux soeurs. Forcé par les circonstances, il s'est peut-être senti un 
peu plus responsable de ce bébé, tout simplement.
Quant à ma mère... Au fond, il y avait chez elle une sorte de fatalisme teinté 
d'égoïsme tranquille : il advenait ce qui devait advenir. Elle était « animale 
», riche de contacts, de baisers, d'affection lorsqu'elle était là, mais comme 
je l'ai déjà dit on ne mélangeait pas le couple et les enfants. Or, le couple 
passait avant les enfants : elle était d'abord la femme de Jean-Marie Le Pen et 
après seulement la mère de Marie-Caroline, de Yann et de Marine. Aujourd'hui, 
je souris lorsqu'elle fait mine de le regretter. En fait, je crois qu'au fond 
d'elle-même elle ne le regrette pas du tout : elle a vécu vingt-cinq années 
extraordinaires aux côtés d'un homme qu'elle aimait passionnément. Les enfants 
furent la simple concrétisation de cette fusion, « un petit plus ». Je le dis 
sans acrimonie car s'il m'est arrivé d'en souffrir, la vision de ce couple si 
puissamment uni était aussi en soi une leçon.
Pour elle, Jean-Marie passait avant tout le monde, avant nous aussi.
Jean-Marie était malade, de mauvaise humeur, avait un souci, voulait l'emmener 
quelque part ? Ni
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une ni deux, sans s'interroger un tant soit peu sur ses obligations à notre 
égard, elle plaquait tout pour le veiller, le soulager, le suivre, quels que 
soient les sacrifices à faire pour cela.
Issue de la petite bourgeoisie du Sud-Ouest qui ne la prédisposait pas 
particulièrement à ce destin, ma mère fut, il faut l'admettre, de tous les 
coups durs ; face aux dangers, aux insultes, aux diffamations, son plus solide 
soutien, son « repos du guerrier » comme elle aimait à le dire. Je l'ai vue 
pleurer mais du mal qu'on faisait à Jean-Marie, jamais sur elle-même ou sur la 
vie paisible qu'elle aurait pu vivre. Jamais sur nous non plus, d'ailleurs...
Ce couple ultrafusionnel était une chose incompréhensible pour la petite fille 
que j'étais, il paraît inaccessible à la femme que je suis aujourd'hui.
C'était au fond pour nous une école de la vie un peu rude, un chemin forcé vers 
l'indépendance, mais il fallait bien faire avec. Nous avons donc repris une 
existence en apparence normale après l'attentat, cela dans un contexte qui lui, 
était tout sauf normal. Avant toute chose, nos parents considéraient que nous 
n'avions pas à être protégées de la vie. La philosophie de mon père, que je 
peux comprendre mais qui se révèle tout de même à terme non dénuée de risques, 
était de dire : « Vous êtes des filles Le Pen pour la vie,
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ça ne va pas être facile, alors autant vous y mettre tout de suite. »
Il faut être extrêmement fort pour résister à cela. Chez ma soeur Yann, plus 
sensible et plus fragile, cela a fait pas mal de dégâts. Sincèrement, nous en 
avons longtemps voulu à notre père de nous imposer ce mode de fonctionnement. 
Les épouses des hommes politiques disent que la politique est une maîtresse 
terriblement envahissante, mais ce qui est vrai pour les épouses l'est 
également pour les enfants. Mes soeurs et moi nous sommes toujours plaintes, et 
à juste titre, de ce que notre père ne se passionnait pas pour notre vie, nos 
amis, notre scolarité. Mais pour autant, je peux comprendre avec le recul. Je 
dirais même que, plus j'avance dans la vie, comme dans le combat politique, et 
mieux je comprends ce qu'on a pu, à tort, prendre chez lui pour de 
l'indifférence.
Jean-Marie Le Pen est avant toute chose un homme politique et la politique 
nécessite un certain nombre de sacrifices. La vie familiale en fait partie. La 
phrase qui a été la sienne pendant longtemps et dont on oublie toujours la fin 
? « Je préfère mes filles à mes cousines, mes cousines à mes voisines... et la 
France par-dessus tout ! » ? n'est pas un simple slogan, encore moins une 
boutade.
C'est sa réalité profonde, une construction, un mode de vie. La question n'est 
pas la profondeur
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de l'amour pour ses enfants. Mon père adore ses enfants. Le problème, c'est que 
lorsqu'on fait de la politique au niveau national et surtout dans les 
conditions extrêmement dures qui lui furent imposées, cela nécessite hélas de 
ne pas trop regarder sur les côtés.
Il ne faut pas trop regarder s'il y a des victimes collatérales parce 
qu'alors... on s'arrête.
Or la douleur, les dommages provoqués jour après jour aux proches en 
choisissant cette voie de la politique provoquent naturellement des remords 
chez celui qui en est la cause. Mais c'est une douleur sur laquelle on ne peut 
pas s'éterniser. Si l'on accepte de s'en avouer à soi-même le coût familial, 
alors on ne fait plus de politique. C'est tout.
Et j'insiste : le contexte particulier, globalement hostile dans le cas de mon 
père, en dit long sur son caractère. Car faire de la politique dans les 
conditions éminemment difficiles qui sont et ont toujours été les siennes, 
c'est autre chose que de faire de la politique sur les chemins balisés qui vont 
de l'ENA aux cabinets ministériels, en passant par les copains et les cercles, 
comme d'autres passaient jadis par les alcôves. Faire de la politique dans les 
conditions de combat qui ont été celles de Le Pen, c'est âpre. S'il avait 
commencé à l'époque à se poser la question de savoir si ses enfants n'allaient 
pas souffrir, ou s'ils
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n'allaient pas être marqués sur plusieurs générations par le combat politique 
qu'il menait ? un combat qui est allé jusqu'à mettre nos vies en péril ? il 
aurait probablement cessé.
Il est certain que cette dualité entre l'amour paternel et l'idéal politique a 
été l'occasion de violents conflits intérieurs chez lui. Bien entendu je 
comprends, même si ça fait mal, que certains le détestent. Mais ? croyez-le ou 
non ? Le Pen est un patriote viscéral pour qui la France est au-dessus de tout 
et en cela, il est à mes yeux un homme d'État.
Une chose m'a beaucoup marquée dans l'éducation qu'il nous a donnée, qui 
n'était pas à proprement parler une éducation politique mais plutôt une 
éducation éthique, morale.
C'était une parabole sur la responsabilité et l'exercice du pouvoir. Il disait 
: « Je suis le capitaine du bateau, j'ai cent cinquante hommes d'équipage et 
j'ai une partie du bateau qui prend l'eau. Il faut fermer la porte étanche, 
mais il y en a douze qui sont à l'intérieur de la partie inondée. Qu'est-ce 
qu'on fait ? Voilà la difficulté du pouvoir, elle est là et uniquement là, nous 
disait-il. Est-ce que, par humanité pour les douze qui sont condamnés, on 
condamne à la noyade l'ensemble de l'équipage, ou est-ce que, la mort dans 
l'âme et le coeur déchiré, on ferme la porte pour sauver les cent trente-huit 
qui restent ? »
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Voilà la problématique du pouvoir telle qu'elle m'a été expliquée dès mon plus 
jeune âge par mon père. C'est le sens de son engagement, de son combat 
politique et aujourd'hui du mien. Un questionnement éternel et plus crucial que 
jamais, dans la mesure où personne dans la classe politique actuelle ne semble 
plus assumer aujourd'hui ce devoir. Or le rôle essentiel, et le plus difficile 
d'un politique, c'est justement de faire des choix en assumant les conséquences 
de ceux-ci.
Le général Mac Arthur disait que deux mots expliquaient tous les échecs : « 
trop tard ».
Avoir su trop tard, avoir compris trop tard, avoir agi trop tard...
41
APA
Chapitre III
À l'école laïque... mais pas neutre
En janvier 1977, nous faisons notre rentrée à l'école publique de Saint-Cloud. 
J'aimerais pouvoir dire « comme tout le monde », mais ça ne sera pas comme tout 
le monde.
En apparence, nous avons repris une vie normale et du haut de mes huit ans je 
me rends en effet à l'école comme toutes les petites filles. J'y vais seule, je 
rentre seule. Aucune protection particuliére ne nous a été affectée, aucune 
mesure de sécurité n'a été prise.
Il faut dire que Le Pen est un Breton assez bretonnant et qu'il nous a élevées, 
formées et forgées dans l'idée qu'on doit affronter la vie de face et l'assumer 
coûte que coûte.
Pour résumer en une phrase sa position : « Je ne veux pas de gilet pare-balles, 
ça attire les balles. S'il
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". 4k. 4t,_
doit m'arriver quelque chose, il m'arrivera quelque chose, et quoi que je 
puisse faire ça n'y changera rien. » Il est de ceux qui pensent que ce qui doit 
arriver arrive ; donc ce n'est pas la peine de changer ses habitudes. On peut 
prendre cela pour un fatalisme aveugle ou pour une foi extraordinaire en la 
Providence.
Il a raison d'y croire d'ailleurs, car jusqu'ici les faits ont démontré qu'il 
avait un ange gardien particulièrement efficace. Une seule fois mon père et 
nous serons protégés : au moment de l'affaire de Carpentras, et c'est l'État 
qui le lui imposera (ce qui ne manque pas de sel lorsqu'on sait que François 
Mitterrand avait défilé à l'époque en tête du cortège qui promenait l'effigie 
de mon père au bout d'une pique !).
Donc à huit ans, rescapée d'un attentat, je vais à la communale de Saint-Cloud 
seule et je rentre à la maison, seule. Voilà pour l'apparence. Dans le fond, la 
réalité est moins simple. La réalité, c'est que j'ai quitté mon école du XVe 
arrondissement, quitté les copines, ma meilleure amie Isabelle que j'adorais... 
Bref, j'avais, nous avions laissé au loin notre passé, abandonné notre quartier 
pour atterrir dans un endroit que nous ne connaissions pas, dans une maison 
vieille et sombre au fond d'un parc.
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En cela c'était un choc.
Dans cette affaire ma soeur Yann a été la plus touchée. Pendant une longue 
période elle a fait des cauchemars, revivant chaque nuit l'attentat. Je dois 
dire que c'est un traumatisme dont nos parents ne se sont : pas rendu compte 
malgré leur amour pour nous. Extrêmement sensible sur le plan affectif, Yann a 
été terriblement marquée par cet événement puis par son départ forcé, la perte 
de tous ses amis et de son cadre de vie.
Elle avait douze ans à l'époque, l'âge de l'entrée dans l'adolescence, et ce 
drame a été sans conteste la grande raison de son décrochage scolaire. Ma soeur 
était en effet une très bonne élève, je l'ai déjà dit, qui arrivée à 
Saint-Cloud a complètement perdu pied, cela, hélas, dans l'indifférence 
générale.
Le traumatisme majeur de l'irruption de la mort dans notre univers, au travers 
de cet attentat, n'a pas été réellement mesuré par nos parents. Il faut dire 
que leur jeunesse avait davantage été marquée par la guerre que par la lecture 
de Françoise Dolto.
Pourtant, à partir de cette date, les attentats vont se succéder, prélude à des 
campagnes d'une autre ampleur au fur et à mesure que le Front national 
s'imposera peu à peu dans le paysage politique français. Les locaux de la SERP, 
l'entreprise que dirige
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mon père rue de Beaune', vont être dynamités, tout comme, par la suite, de 
nombreuses permanences du Front national.
Mes deux soeurs et moi avons donc grandi avec cette conscience profondément 
ancrée que nous étions dans la ligne de mire, non seulement d'ennemis résolus, 
mais aussi dans l' oeil du cyclone de la presse, dont certains écrits peuvent 
blesser des enfants aussi grièvement qu'une balle.
Cette certitude d'être différents façonna notre mode de vie d'une manière 
particulière, nous imposant une responsabilité collective. C'est même plus 
complexe que cela à vrai dire : enfant, adolescente, je me sentais ? nous nous 
sentions, mes soeurs et moi ? responsables de notre père. Nous savions que tous 
nos comportements et ceux de nos amis ainsi que tous nos propos pouvaient être 
utilisés contre lui, avoir une incidence sur sa vie à lui.
De même, nous savions que d'aucuns n'hésiteraient pas à se servir de nous pour 
l'atteindre et l'idée d'avoir une responsabilité quelconque dans les blessures 
qui lui seraient infligées était insupportable.
1. La SERP, Société d'Études et de Relations Publiques, était une société d' 
éditions phonographiques créée par jean-Marie Le Pen en 1962.
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Face à cela deux attitudes sont possibles. On peut sombrer dans l'angoisse et 
la peur, jusqu'à la paranoïa, ou bien adopter la philosophie paternelle du « Si 
ça doit arriver, ça arrivera ». Ce choix vous étouffe ou vous fait mûrir très 
tôt. Mais hélas, on ne le sait qu'après.
Pour ma part, je pense que c'est ma nature foncièrement optimiste et heureuse 
qui m'a protégée sur la durée ; néanmoins, cette période a marqué, beaucoup 
trop tôt pour un enfant, la fin de l'insouciance et la nécessaire prise en 
compte du contexte social.
A partir de ce moment-là, être la fille Le Pen a signifié l'entrée dans un 
monde foncièrement injuste, un monde où j'allais devoir sans cesse me 
surveiller, me justifier et défendre mon père. Notamment dans l'univers 
scolaire.
C'est en effet à cette époque, et surtout à partir du collège, que je 
m'aperçois que Le Pen est quelqu'un de connu, en tout cas chez les enseignants. 
Au début je ne suis pas touchée : mes deux années et demie à l'école primaire 
de Saint-Cloud se déroulent sans encombre, mais mes soeurs, elles, qui sont au 
collège et au lycée, commencent déjà à connaître de sérieux problèmes, ceux que 
je vais rencontrer plus tard moi-même au CES.
Car être une fille de Le Pen ce n'est pas comme avoir un père pilote de course 
ou commerçant : c'est
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être perpétuellement comptable, non seulement de ses faits et gestes mais 
également de ses options politiques, que vous les partagiez ou non ! Mes 
premières années de collège sont celles du début de la campagne qui voit 
l'arrivée de Mitterrand au pouvoir. À douze ou treize ans je découvre avec 
stupéfaction qu'un certain nombre de professeurs ne peuvent pas m'encadrer, 
pour parler clairement, au seul titre que je suis la fille de mon père. Et ils 
me le font savoir.
Encore une fois, je tiens à le dire, j'ai eu l'occasion de rencontrer dans le 
monde enseignant des gens extrêmement corrects. Mais j'en ai aussi croisé 
beaucoup qui se moquaient éperdument de mon statut d'enfant et, faisant fi de 
la neutralité à laquelle ils prétendaient pourtant, et qui est leur honneur en 
théorie, m'ont largement fait sentir la détestation qu'ils éprouvaient 
vis-à-vis de mon père.
Cela a même parfois pris des proportions assez violentes, comme ce jour où je 
me suis blessée, au collège, et où, au lieu de me traiter comme n'importe 
quelle élève, on m'a intimé l'ordre de me taire en disant : « Mademoiselle Le 
Pen, arrêtez votre comédie ! » Une « comédie » qui s'est terminée à l'hôpital 
où ma mère m'a conduite ensuite au sortir de l'école, et qui m'a valu le port 
d'une minerve pendant un mois.
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Au nombre des brimades, je me souviens également de ce jour où l'un des 
responsables de l'école m'a prise à partie méchamment devant tout le monde pour 
me faire rentrer sous mon pull la médaille de la Vierge que je portais au cou, 
en disant d'un ton blessant : « Mademoiselle Le Pen, tout le monde n'a pas les 
mêmes opinions religieuses que vous ! »
C'était montrer là, plus de vingt ans avant la loi sur le foulard et les signes 
religieux « ostensibles », une conception de la laïcité particulièrement bornée 
et un traitement qui m'était bien sûr exclusivement réservé.
Devant cette hostilité manifeste, ces épisodes arrivant après une longue série, 
ma mère, qui pourtant n'intervenait jamais, prit la décision de me changer d' 
établissement.
C'était inédit car, de fait, je ne me souviens pas que mon père ou ma mère soit 
jamais intervenu d'une quelconque façon.
Peut-être n'avaient-ils pas conscience de ce que nous vivions au quotidien dans 
nos établissements respectifs, ou bien s'étaient-ils fait un principe de rester 
à distance ?
Et puis tout est relatif.
Ce sens de la distance, leitmotiv de mon père, a bercé notre enfance. Il nous 
le répétait à l'envi
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chaque fois que nous nous mettions en tête de nous plaindre : « Vous pourriez 
être nues dans la neige en temps de guerre ! » Combien de fois ai-je pu 
entendre cette phrase.
Politiquement, à plusieurs reprises, cette tendance à relativiser lui sera 
d'ailleurs reprochée.
Les enfants que nous étions souffrirent profondément de certaines situations, 
mais pour notre père, la souffrance était autre chose. Ce que nous vivions 
était selon lui un désagrément assez dérisoire face à la cause défendue, la 
France, et d'en appeler à Henri W: «L'amour immodéré que j'ai pour la France 
m'a toujours tout rendu facile. »
Évidemment je n'ai pas la moindre idée de ce qu'a pu ressentir mon père tout 
jeune, et qui fut sans commune mesure avec mon enfance protégée. Né en 1928, 
adolescent pendant la guerre, on lui apprit à quatorze ans la mort de son père, 
coulé par une mine allemande, et il connut les restrictions, les trente 
kilomètres à vélo pour se rendre, quel que soit le temps, au collège des 
jésuites, le froid souvent, la faim parfois, les vies de labeur des 
marins-pêcheurs de La Trinité-sur-Mer, des vies qui cassent le dos des hommes 
et endurcissent le coeur des femmes. Je suppose que nos blessures de gosses et 
d'adolescentes lui paraissaient assez anodines...
J'avoue que sur le coup la leçon est raide ; mais,
50
adulte, le cadeau est grand, celui qui consiste à ne jamais oublier qu'il y a 
toujours plus malheureux que soi ? parce que c'est foncièrement vrai et que 
cela ramène les choses à leur juste proportion.
Quoi qu'il en soit, nos parents ne se sont quasiment jamais manifestés auprès 
du corps enseignant.
À leur décharge, il faut dire que nous nous gardions bien d'aller leur raconter 
ce qui se passait, de peur que cela ne s'aggrave encore. C'est le problème 
majeur de tous les enfants qui sont en butte aux brimades ou même au racket : 
ils taisent ce qui leur arrive.
C'est d'autant plus net quand le mal est fait par un adulte qui incarne 
l'autorité. Que ma mère vienne mettre les choses fermement au point avec 
l'enseignant qui m'avait prise en grippe et j'imaginais aussitôt mon sort au 
cours suivant, seule face à lui et la classe... Il est donc évident que je n'ai 
pas toujours tout raconté, me contentant souvent de distiller un certain nombre 
de faits mineurs en espérant que mes parents comprendraient... C'est entre 
soeurs que nous évoquions les injustices qui nous étaient faites.
Et puis, je le redis, je crois que ni ma mère ni mon père ne sont intervenus 
pour la raison que j'évoquais plus haut : notre père considérait que nous 
n'avions pas à être protégées de la vie, qu'il ne fallait pas qu'on vive dans 
un cocon, et que, somme toute, la
51
condition humaine étant ce qu'elle est, il convenait de s'endurcir sans délais 
C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles il nous a envoyées dans le 
public et non dans le privé.
Les professeurs qui s'attaquent à une élève mineure ne sont pas par définition 
de grands courageux. Alors, les sous-entendus et les regards lourds de 
reproches m'étaient adressés au détour de tel ou tel sujet étudié. Bien avant 
le débat sur la façon dont il conviendrait d'enseigner la colonisation, j'avais 
eu à goûter de « ces salauds de colonisateurs », « ces soldats tortionnaires » 
et j'en passe. Je peux témoigner que la manière dont la question de la 
colonisation était abordée à l'époque, surtout en ma présence, ne manquait pas 
de repentir !
J'allais donc, la boule au ventre, en histoire, en économie, en instruction 
civique, tant je redoutais que le sujet ne serve d'occasion à des 
développements politiques qui stigmatisaient ouvertement Le Pen et ses idées, 
toujours caricaturées. L'abolition de la peine de mort, la Seconde Guerre 
mondiale, l'immigration et bien d'autres sujets furent pour moi, dans le cadre 
scolaire, un calvaire où l'on me faisait bien sentir quel monstre abject 
m'avait engendrée. Jusqu'en faculté de droit où, un jour, en travaux dirigés, 
l'enseignant trouva délicat de nous faire étudier un arrêt rendu en 73 ayant 
condamné
52
Le Pen pour « apologie de crime de guerre », à cause d'un disque publié par la 
SERP.
Encore aujourd'hui j'ai du mal à me défaire du malaise que provoquaient en moi 
ces comportements. Que ceux qui voudraient faire de même avec mes enfants 
sachent qu'ils devront compter sur ma vigilance et ma combativité, car je 
n'accepterai jamais qu'ils vivent la même chose que nous.
Cette confrontation à une hostilité permanente que personne ne songeait à 
dissimuler ? hostilité qui est même devenue, au fil des années, un gage de 
vertu républicaine et une médaille en chocolat ? s'est révélée pour nous, sur 
le plan personnel, une loterie.
Au jeu de l'inné et de l'acquis, ce fut pour nous quitte ou double : c'est 
passé ou ça a cassé.
En effet, face à un tel déluge qui jamais ne cesse, on peut se forger, comme je 
crois l'avoir fait, une forte personnalité. Encore une fois, quelle est 
là-dedans la part de l'inné et celle de l'acquis ? Mystère. C'est ça, la 
loterie.
Chez ma soeur Yann c'est allé jusqu'à sa déscolarisation, ce qui n'est pas un 
acte anodin. Elle a tout lâché l'année de son bac parce qu'elle n'en pouvait 
plus. Elle était confrontée à une telle hostilité au lycée, qu'une conseillère 
d'éducation kabyle, qui s'appelait Fatima et que je remercie ici, l'avait prise 
sous son aile. C'est cette femme qui est venue
53
trouver nos parents pour leur dire : « L'hostilité politique dont votre fille 
est victime est proprement inadmissible. Ce qu'elle vit est insupportable. Elle 
est confrontée à une dureté telle, que cette gamine est en train d'être 
vraiment détruite. »
Yann avait déjà décroché depuis longtemps, mais à bout, elle lâchera tout à 
quelques mois du bac et partira au loin.
Et il aura fallu que ce soit quelqu'un du lycée qui vienne le dire à mes 
parents. En vain, c'était trop tard. Quel qu'ait été le dévouement de cette 
femme, Yann conserve encore aujourd'hui à l'égard du système éducatif un 
ressentiment considérable.
Ma soeur est finalement partie travailler sous les tropiques l'année de sa 
terminale, quant à Marie-Caroline, après le bac qu'elle a passé à dix-sept ans, 
elle a suivi ses études supérieures aux États-Unis et en Angleterre. Du fait de 
notre différence d'âge, j'ai finalement assez peu de souvenirs d'enfance à 
partager avec mon aînée. En fait, nous n'appartenons pas à la même génération, 
et dans les années de ma petite enfance la distance était trop grande : les 
préoccupations d'une gamine de neuf ans ne sont pas celles d'une jeune fille de 
dix-huit ans. Néanmoins, Marie-Caroline reste ma grande soeur et j'ai donc eu 
l'occasion de l'entendre raconter sa vie de lycéenne. Je sais qu'elle fut, comme
54
Yann, en butte à des brimades inadmissibles : ainsi Fatima ? celle-là même qui 
avait défendu Yann ? retrouvera son dossier de bac sur la couverture duquel 
était marqué, au crayon, «père fasciste ».
De tels comportements amènent à se poser très objectivement la question de la 
laïcité. Parce que si l'on en parle beaucoup aujourd'hui, c'est exclusivement 
sous l'angle de la neutralité religieuse ; or, il ne faut jamais oublier que la 
laïcité c'est aussi, et peut-être avant tout, la neutralité tout court. Mais 
cet aspect de la laïcité, qui devrait être prioritaire dans l'esprit du corps 
enseignant, a été largement laissé de côté. Il est admis depuis des décennies 
que les professeurs ont le droit, et même le devoir d'être politisés. C'est non 
seulement toléré mais souvent encouragé par la hiérarchie, dans la mesure oû le 
militantisme est accueilli et favorisé dans la plupart des établissements. Or 
le fondement même de la laïcité c'est la neutralité, y compris politique.
Force est de reconnaître qu'au cours des trente dernières années, la politique 
s'est installée au sein de l'école et l'arrivée de Mitterrand au pouvoir en mai 
1981 n'a pas facilité notre scolarité. Incontestablement, Mitterrand et la 
gauche ont incarné un espoir pour un grand nombre de professeurs dans 
l'Education nationale de l'époque. Mais ces ensei-
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gnants ? dont on sait qu'ils constituaient le gros de son électorat ? se 
sentirent après 1981 libérés de toute obligation de réserve. A ce moment-là, 
beaucoup d'élèves ? et pas seulement à Paris ? ont subi en cours de véritables 
discours politiques. Qui plus est, des discours politiques doublés de 
sectarisme. Car il ne s'agissait pas seulement de dire : « Voilà ce que je 
pense », mais bien «Voilà ce que je pense et ceux qui ne pensent pas comme moi 
sont des fachos ». Ce fut particulièrement visible au moment du vote de la loi 
Badinter sur l'abolition de la peine de mort. Aucun avis divergent n'était 
toléré sur le sujet et tous ceux qui osaient argumenter en faveur du maintien 
de la peine capitale étaient considérés par un certain nombre d'enseignants 
dont j'ai eu à subir les cours comme des fascistes, ce qui signait du reste la 
fin de tout débat.
Je pense que le respect de la neutralité politique à l'école est une valeur 
précieuse, d'importance égale au respect de la laïcité, et ne doit faire 
l'objet d'aucune concession.
Aussi j'estime que cette dérive de l'Éducation nationale, qui n'a pas su porter 
la neutralité comme une valeur pérenne, porte une lourde responsabilité dans le 
climat délétère qui règne aujourd'hui en son sein. Or cette dérive n'est pas 
stoppée, loin de là. J'ai eu connaissance comme
56
femme politique, et j'ai eu à plaider comme avocate, de maintes violations de 
ce principe : des enfants de responsables du Front national ont ainsi été 
insultés, vilipendés, sans jamais aucune réaction de l'Éducation nationale. Ces 
enfants doivent-ils être punis en raison des opinions de leurs parents qui 
déplaisent ? Qui dit même, en outre, qu'ils partagent ou partageront dans le 
futur ces opinions ? Un enfant doit être protégé par le système éducatif, qui 
lui garantit a minima la sécurité et la tranquillité pour apprendre.
Il y a encore quelques jours, la secrétaire départementale du Limousin de mon 
parti m'a contactée car l'école de sa fille l'obligeait à acheter un livre dans 
lequel un Arabe se faisait tabasser par des crânes rasés qui défilaient au 
milieu d'une marée de drapeaux tricolores, le 1 er mai, devant la statue de 
Jeanne d'Arc (colossale allusion !).
Ainsi, les mêmes qui plaident pour aborder les religions de manière prudente 
(sauf la religion catholique, bien sûr, où là on peut se lâcher) pour ne pas 
blesser des parents dans leur foi, n'hésitent pas à laisser penser à une enfant 
que sa mère participe peu ou prou à des rassemblements où l'on se livre à des 
ratonnades, que son engagement politique est odieux, raciste, dangereux, 
violent.
57
Dans un livre paru en 19941 ? ça n'est pas hier ? Hervé Algalarrondo (alors 
journaliste politique au Nouvel Observateur) écrivait que « le péché mignon » 
des « beaufs de gauche », espèce disait-il surreprésentée dans les hautes 
sphères de l'Éducation nationale, est de « voir des fascistes partout sauf là 
où il y en a » et de « sonner le tocsin tous les quatre matins devant le retour 
supposé de la « bête immonde ». Il ajoutait à cela : « Le beauf de gauche est 
l'ami du genre humain, mais son idée de l'Autre est toute théorique. Lui ne 
voit pas plus loin que le boulevard Saint-Germain » et « tout ce qui 
contrevient à sa conception fantasmagorique de la République est~ frappé 
d'opprobre. »
Algalarrondo s'inquiétait de la cécité idéologique de tout ce petit monde alors 
focalisé sur la guerre contre le Front national, et renvoyait par son titre la 
gauche à ses caricatures, le « beauf de gauche » ami du genre humain étant le 
dangereux pendant de l'abruti raciste à front bas immortalisé par le 
dessinateur Cabu. Ainsi s'alarmait-il des conséquences de l'angélisme de la 
gauche sur l'immigration : «L'intelligentsia n'a pas un discours de gauche mais 
un discours de classe. Celui d'une bourgeoisie libérale,
1. Hervé Algalarrondo, Les a Beaufs de gauche » ? Ces adeptes du prêt-a-penser, 
J.-C. Lattés, 1994.
58
généreuse certes, mais ignorante des phénomènes engendrés par l'immigration 
dans les quartiers où elle est massive. »
Si Algalarrondo stigmatisait dans son livre cette gauche intello qu'il 
connaissait particulièrement, ses propos collaient tout aussi bien à la droite 
qui l'a rejointe pour former le « front républicain», cette improbable 
coalition réalisée non pour défendre la République lâ où elle est réellement 
menacée, mais pour combattre le Front national en ce qu'il la menace, elle, la 
classe politique.
Dans leur prétention à incarner le bien, renvoyant tout contradicteur au rôle 
de « salaud » (on se souvient des propos d'un Bernard Tapie, alors ministre de 
la ville, à propos des électeurs du FN) et de « collabo », la classe politique 
n'a pas voulu voir ce qui se tramait. Elle a laissé s'installer par lâcheté, 
par aveuglement volontaire, des comportements incompatibles avec le principe de 
la laïcité ? pourtant fondamental dans notre République.
Si l'on s'en tient à la définition du dictionnaire, et c'est celle qui vaut 
jusqu'à preuve du contraire, la laïcité est la « conception politique 
impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse, 
l'État n'exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir 
politique ». Or, si l'on
59
oppose cette définition à l'analyse objective de la situation actuelle dans 
notre pays, on ne peut que se demander si « la réputation de la France, pays 
laïc, ne tient pas de la légende ». Question que se posait la sociologue 
Michèle Tribalat, ancien membre du Haut Conseil à l'Intégration.
Il faut en effet regarder ce qu'est devenue sur ce plan l'école, durant toutes 
ces années oû, sous prétexte d'imposer un multiculturalisme salvateur contre le 
fascisme rampant, on a, via de nombreuses dérogations à la laïcité, laissé 
s'instaurer toutes les dérives.
Le « projet de loi relatif à l'application du principe de laïcité dans les 
écoles, collèges et lycées publics » (dit communément Loi sur le voile) a été 
déposé à l'Assemblée le 28 janvier 2004. Il faisait suite aux travaux de la 
commission Stasi et au rapport de la mission d'information sur la question du 
port des signes religieux à l'école.
Six mois plus tard, l'Inspection générale de l'Éducation nationale (Groupe 
Établissements et vie scolaire) rendait elle-même un rapport tout à fait 
inquiétant sur « les conditions de mise en oeuvre de la laïcité », relevant que 
les signes et tenues vestimentaires ne semblaient constituer « que l'arbre qui 
cache la forêt », la réalité étant que « les dérives les plus graves et les 
entorses les plus sensibles à la laïcité »
60
constituaient désormais une menace grave « à la cohésion sociale et à la 
concorde civile ».
En juin 2004 donc, soit dix ans après la publication du livre évoqué plus haut, 
force est de constater que si la République et la nation sont en danger, c'est 
principalement en raison de l'aveuglement et de la lâcheté de nos élites. Les 
rapporteurs insistent d'ailleurs sur « le déni généralisé de la part de 
beaucoup de personnels et de responsables » quant à la situation réelle dans 
leur établissement, les pires atteintes au principe de laïcité étant 
généralement tolérées au terme d'invraisemblables négociations.
On signale ainsi le contrôle de plus en plus violent exercé sur les filles au 
sein des établissements, le « refus de la mixité, dès l'école maternelle, par 
de petits garçons », « des cas de fillettes voilées et d'observance de jeûne 
dès le cours préparatoire », et des affrontements répétés avec les parents sur 
ces mêmes questions. Dans telle école, on a « dû organiser un sas sans fenêtre 
où la directrice peut, deux fois par jour, reconnaître les mères avant de leur 
rendre leur enfant » ; dans tel autre collège, « les classes ont été composées 
et les emplois du temps constitués en séparant les professeurs favorables et 
défavorables au voile ». On signale partout « le refus par un nombre croissant 
d'élèves de consommer toute viande non abattue selon le rituel religieux », si
61
bien que tel proviseur «jette la viande non consommée » quand tel autre « a 
institué une ségrégation entre "musulmans" et "non musulmans" ». Ailleurs, 
c'est «la surenchère entre familles juives et musulmanes » qui fait rage dans 
les cantines. Même chose pour les fêtes religieuses, certains proviseurs 
préférant alors «mettre toute activité en sommeil» voire « fermer en donnant 
congé aux personnels ». Quant au contenu même de l'enseignement, il est partout 
contesté (notamment dans les matières comme l'histoire, la littérature ou la 
philosophie), tout savoir y étant assimilé à une simple opinion et donc 
contestable au regard des dogmes religieux.
 ce stade, une évidence s'impose pour les rapporteurs : « Il est clair que les 
pratiques des établissements scolaires ne permettent pas aujourd'hui de 
protéger la liberté des choix spirituels des familles pour leurs enfants 
mineurs. » C'est dire que non seulement la laïcité est bafouée, mais le 
prosélytisme encouragé !
Hélas, il y a plus grave encore : c'est l'émergence sur notre sol d'une 
véritable nation musulmane.
En effet, concluent les rapporteurs, « un grand nombre d'élèves d'origine 
maghrébine, Français voire de parents français, la majorité sans doute dans 
certains établissements, se vivent comme étrangers à la communauté nationale ». 
Interrogés sur leur
62
nationalité, ils répondent «musulmane» et « si on les informe qu'ils sont 
Français, ils répliquent que c'est impossible puisqu'ils sont musulmans ». 
L'identité collective qui se référait hier à une communauté d'origine ? ce 
qu'on pourrait appeler l'ethnicisme ? « se transforme aujourd'hui en sentiment 
d'appartenance assez partagé à une nation musulmane universelle, distincte et 
opposée à la nation française ».
Mais ce qui vaut à l'école n'est, comme le disent les rapporteurs, que «la 
partie scolairement visible d'une dynamique plus vaste, souvent récente, 
parfois brutale » d'une montée en puissance du phénomène religieux dans notre 
société, phénomène assorti de revendications qui concernent « 
exceptionnellement le christianisme, parfois le judaïsme et très souvent la 
religion musulmane ».
Mais comment en serait-il autrement puisque, d'hésitations en compromis, l'État 
s'est mis à négocier sur tous les sujets, refusant manifestement de s'appuyer 
sur la laïcité, principe fondamental de la République. Comment a-t-on pu 
tolérer les propos de M. Breze, président de l'UOIF et ami de N. Sarkozy, 
assurant : « Le Coran est notre constitution»1, bref, d'abord la charia pour la 
communauté
1. In Le Parisien, 12 avril 2003.
63
musulmane, puis, lorsque c'est possible, c'est-à-dire s'il n'y a pas antinomie 
entre notre droit et le droit musulman, les lois françaises.
C'est très exactement ce qui est à l' oeuvre dans le système scolaire et que 
les signataires du rapport de l'Inspection générale de l'Éducation nationale 
nomment avec une extrême pudeur «des évolutions inquiétantes ».
Leur conclusion, émanant d'une institution qui persiste à jouer l'autruche, est 
pourtant fort explicite : « Dans certains quartiers, qui sont loin, 
répétons-le, de se cantonner aux banlieues des grandes villes, se sont déjà 
édifiées des contre-sociétés closes dont les normes sont le plus souvent en 
fort décalage voire en rupture avec celles de la société moderne et 
démocratique qui les entoure », écrivent-ils. Et de relever qu'« il ne s'agit 
nullement pour ces populations d'un repli identitaire des plus anciens, mais 
bien d'une identité de substitution qui se diffuse d'abord parmi les jeunes de 
la seconde ou troisième génération. »
Le verdict des rapporteurs est sans appel, dénonçant comme un fait aujourd'hui 
acquis ce que le Front national annonçait depuis vingt ans, à savoir que «le 
projet de ces groupes ouvertement ségrégationnistes et qui dénoncent 
l'intégration comme une apostasie ou une oppression, va encore plus loin. Il 
est aussi de rassembler ces populations sur le plan
64
politique en les dissociant de la nation française, en les agrégeant à une 
vaste "nation musulmane" . Projet qui est déjà en bonne voie d'avancement 
auprès des jeunes populations scolaires.
Hélas, si « cette vague de fond » travaille l'école, « elle n'en reçoit que 
l'écume », signe que le mal est infiniment plus profond et plus répandu hors 
des murs de celle-ci, évidence que la classe politique ? tout comme les 
responsables de maints lycées et collèges ? s'évertue à ne pas voir.
Il y a douze ans, Algalarrondo écrivait : « Chez les intellectuels français, 
l'irresponsabilité est de mise. Dans la dialectique entre éthique de la 
responsabilité et éthique de la conviction, le beauf de gauche n'hésite pas : 
il se moque du principe de réalité ? c'est bon pour la droite et les cons ? et 
défend les principes éternels sans jamais chercher à mesurer leurs effets sur 
le terrain. » Les faits étant têtus, il a bien fallu que la gauche se décide à 
y aller et le constat est sans appel, confirmant mot après mot, ce qui nous a 
valu toutes ces années d'opprobre. Le rapport de l'Éducation nationale conclut 
: « C'est là où l'on a transigé, où l'on a reculé, "passé des compromis" comme 
on l'entend dire souvent, que nous avons constaté les dérives les plus graves 
et les entorses les plus sensibles à la laïcité ».
Attirant l'attention du ministère sur « les consé-
65
quences désastreuses » de cette « stratégie de la paix et du silence à tout 
prix» et de « tous les reculs et toutes les hésitations des pouvoirs publics », 
les inspecteurs de l'Éducation nationale n'ont plus qu'une supplique : 
«rechercher, développer et promouvoir à tous les niveaux » les deux seules 
qualités qui permettraient d'enrayer le désastre : «la lucidité et le courage ».
Une définition qui, somme toute, sied particulièrement bien au mouvement auquel 
j'appartiens.
Le lecteur comprendra donc que, si j'ai abondamment cité ce rapport officiel, 
c'est que pareille description faite par mes soins m'aurait valu à coup sûr 
l'indignation générale et la réprobation, assorties des poursuites pénales 
habituelles.
66
Chapitre IV
Dieu... reconnaîtra les siens
J'ai été une petite fille très pieuse, essentiellement grâce à ma meilleure 
amie Dominique que j'ai rencontrée en arrivant à Saint-Cloud. C'est avec elle 
que je me suis inscrite au catéchisme, et ce sont ses parents, et non les 
miens, qui m'emmenaient à la messe le dimanche. Car contrairement à une image 
répandue, si mon père a la foi, il n'est pas un pratiquant assidu. J'ai certes 
reçu une éducation religieuse traditionnelle, la référence à Dieu étant vécue 
comme quelque chose de tout à fait naturel. Mais dans ce domaine comme dans 
d'autres, l'éducation de mes parents ne passait ni par de longs discours, ni 
par une instruction particulière. La foi était perçue comme un itinéraire 
personnel, le cercle le plus intime des êtres, qui requiert par conséquent la 
plus grande pudeur.
67
Pour comprendre il faut aller puiser dans la vie de mon père. En effet, un 
événement marquant de son adolescence a bouleversé ses rapports avec 
l'institution et l'a longtemps hanté.
Avec une mère catholique pratiquante, mais un père également ? ce qui était 
assez rare dans le. milieu des pêcheurs ? Le Pen a passé sa petite enfance à 
l'école des soeurs.
À la maison, on dit la prière du soir, on va aux Vêpres, à la messe du dimanche 
où il sert comme enfant de choeur ? toutes choses qui paraissent aujourd'hui 
antédiluviennes. C'est une amitié qui l'entraîne, une fois sa confirmation 
faite, vers l'école laïque où il découvre cette fois la morale et le civisme, 
version sociale et humaniste du catéchisme. Mais il demeure profondément 
attaché aux valeurs familiales et se rêve même, à l'adolescence, un destin de 
missionnaire en soutane blanche. La vie va en décider autrement : la mort de 
son père, en pleine guerre, est pour lui la sortie à marche forcée de l'enfance.
Hélas, les pères jésuites chez qui sa mère, par des sacrifices inouïs, a pu 
l'inscrire deux ans plus tard en internat, ne comprennent pas le bouleversement 
que ce deuil a produit dans son existence ; devenu malgré lui l'homme de la 
famille, mon père ne supporte pas qu'on veuille lui appliquer une discipline 
rigide desti-
68
née à des gamins. Et la direction n'a bientôt plus qu'une idée : se débarrasser 
du collégien Le Pen. Alors un matin, le Supérieur le convoque et lui dit : « 
Mon cher enfant, préparez-vous à être courageux. Appelez Dieu à votre secours 
car je suis obligé de vous donner la pire des nouvelles : votre maman est 
morte. » Le collège se trouve à Larmor-Baden et mon père n'a que son vélo pour 
retourner à La Trinité-sur-Mer. Il va pédaler comme un désespéré sur les trente 
kilomètres qui le ramènent vers une maison désormais vide. Or, qu'aperçoit-il 
en arrivant ? Sa mère, dans le jardin, occupée à étendre le linge. Les prêtres 
ont menti pour se débarrasser de lui ! Ils ont menti de la pire des manières, 
la plus odieuse et la plus liche. On pourrait penser que cela fut involontaire, 
croire à un épouvantable quiproquo, mais non, le surveillant dépêché par le 
collège assumera sans aucune gêne : « tuer sa mère » était le plus sûr moyen 
que ses maîtres avaient trouvé pour se séparer d'un élève encombrant !
Il faudra des années à mon père pour revenir, selon ses propres termes, « non 
pas à la religion, mais à Dieu ». Ce n'est pas sa foi qui avait été ici brisée, 
mais sa confiance dans ceux qui la professent, une confiance qui 'ne sera en 
réalité jamais tout à fait restaurée. Cette méfiance, je la vivrai moi-même 
plus tard.
69
Quoi qu'il en soit, c'est dans ce climat commun à beaucoup de catholiques que 
nous sommes élevées. Les bases sont tout à la fois minimales et solides : on va 
au catéchisme pour apprendre, on fait sa communion, sa confirmation, on fête 
Noël et Piques, et on va même à la messe en famille pour les grandes occasions. 
Aussi, je n'ai jamais douté. Et dans les épreuves, c'est spontanément vers Dieu 
que je puise le réconfort supplémentaire à celui que me transmettent les miens.
J'étais donc une fillette pratiquante, et même si c'était un peu sous 
l'influence de la famille de mon amie Dominique, très respectueuse des 
principes et des règles enseignés au catéchisme. Je faisais le carême, je 
m'appliquais à ne pas manger de bonbons avant d'aller à la messe pour pouvoir 
communier... Autant d'actions qui peuvent paraître dérisoires de nos jours, 
mais qui s'inscrivaient sous le signe du respect, de la fidélité à des règles 
de vie, qui procédaient du désir à devenir une personne estimable.
Et être une bonne chrétienne ou un bon chrétien, c'est témoigner par son 
comportement d'un ensemble de valeurs telles que la bonté, la charité, le 
pardon, toutes ces valeurs d'une importance considérable pour moi.
Ce que j'ai dit du monde de l'école, je peux hélas
70
le dire aussi de celui du clergé. J'aurais parfois aimé trouver un peu plus de 
neutralité, sinon de simple retenue chez les gens d'Église. Or, dès que j'ai 
été en âge de m'intéresser à ce qui se disait du Front national et de mon père, 
dès que j'ai commencé à décrypter les propos des uns et des autres, je me suis 
rendu compte avec effroi qu'un certain nombre de prêtres et d'évêques 
excluaient, sans autre forme de procès, les gens du Front national de la 
famille chrétienne.
Beaucoup nous interdisaient de salut, au motif qu'on ne pouvait être catholique 
et membre du Front national, l'un étant exclusif de l'autre, cela en des termes 
d'une très grande violence. C'était ? et c'est toujours, comme on a eu 
l'occasion de le constater en avril 2002 ? une véritable condamnation morale ; 
condamnation que j'ai ressentie, adolescente, comme une injustice et une 
douleur par rapport à mes convictions.
Comme l'archevêque de Reims, qui fit tout au long du dimanche fermer la célèbre 
cathédrale pour empêcher que les manifestants du FN, venus par milliers pour 
commémorer les mille cinq cents ans du baptême de Clovis, puissent assister à 
la messe.
Ces réactions de haine m'ont intimement blessée et coupée de l'Église. À partir 
du moment où le clergé n'acceptait pas les membres du Front, je
71
n'avais plus envie de croire en l'Église. Pire, j'ai perdu l'envie d'y croire. 
Par miracle, cela n'a jamais atteint ma foi et ma relation personnelle avec 
Dieu, même si pendant de longues années j'ai éprouvé un vif ressentiment 
vis-à-vis de l'institution.
Je ne parvenais pas à prendre en compte le facteur humain.
Pour moi, les prêtres étaient des représentants d'un Dieu charitable et 
miséricordieux, ils ne pouvaient avoir une démarche d'exclusion à l'égard de 
quiconque.
À quarante ans de distance, une partie du clergé a fait prendre au père et à la 
fille la même porte de sortie de l'Église, et pour les mêmes raisons. La pudeur 
de mon père, qui ne m'a raconté l'histoire de l'internat de Vannes que très 
tard, probablement pour ne pas m'influencer dans mes rapports avec l'Église, a 
été vaine.
Les années passant, je me suis un peu apaisée sur ce sujet, mais j'ai gardé 
intacte ma capacité d'indignation et de révolte, prête à ressurgir dès que les 
circonstances m'y ramènent par force.
Et je dois dire, à mon grand regret, qu'elles ne manquent pas.
Je me souviens ainsi du refus opposé à quelqu'un qui m'est proche de baptiser 
sa fille, parce que « ce bébé n'avait pas de papa». Je trouvais cela ignoble,
72
honteux. On m'avait pourtant appris que tous les enfants pouvaient être 
baptisés : il n'y a aucune raison objective de le leur refuser. Plus tard, je 
me suis rendu compte que ce refus avait en réalité plus à voir avec la 
politique qu'avec le statut de la mère et de son bébé ; c'était « l'enfant 
d'une intime de la fille du Président du Front national » que le curé refusait 
de baptiser, mais il n'avait même pas eu le courage de le dire. Plus récemment 
? en 1998 dans le Poitou ?, un curé affichera, lui, au moins ouvertement, son 
sectarisme en refusant de donner le baptême à un adulte, parce qu'il était 
adhérent du Front national.
Faut-il citer aussi le sort fait à mon neveu, élève dans une école catholique 
sous contrat, à qui l'on a dit : «Il n'y a pas de problème, tu peux faire ta 
communion, mais il ne faut pas que ton grand-père vienne. » Comment des soeurs, 
des religieuses, peuvent-elles asséner un tel choc à un enfant de huit ans ?
Voilà des comportements que je juge inadmissibles, tant sur le plan humain que 
sur le plan religieux. Car rien ne renvoie, là-dedans, aux préceptes 
fondamentaux de la religion catholique, rien de cela ne peut être justifié en 
son nom.
Bien au contraire. Tout catholique, a fortiori firtiori Un
prêtre ou une religieuse, est supposé entretenir sans cesse l'étincelle de la 
foi et non l'éteindre par
73
des comportements sectaires. Or, c'est une évidence que beaucoup de gens ont 
été écartés de la religion catholique en raison de ce type de comportement.
J'ai du mal encore à faire la part des choses. J'ai rencontré certains 
ecclésiastiques de qui, incontestablement, émanait l'amour de Dieu ? ceux qui 
ont baptisé mes enfants, par exemple ?, et les nouvelles générations de prêtres 
semblent avoir un regard critique sur certains de leurs prédécesseurs. Mais 
trop nombreux sont ceux dont les sermons me poussent à me tenir éloignée de la 
religion. J'ai vécu des messes où la moitié du discours était politique, avec 
des positions contestables et de surcroît incohérentes.
Quand j'entends aujourd'hui le clergé appeler, avec justesse, au respect et à 
la tolérance envers nos frères musulmans ; quand les prélats rappellent, avec 
justesse là encore, qu'il faut se garder des jugements hâtifs sur l'islam ? 
quand bien même on brûle des ambassades européennes et des églises dans les 
pays arabes, et que certaines contrées islamistes sont ouvertement intolérantes 
avec les chrétiens ? j'aimerais qu'on nous explique enfin ce qui nous vaut, à 
nous FN, un tel traitement ? Qu'avons-nous fait qui justifie une exclusion, 
fût-ce partielle, de notre propre famille religieuse ?
Hélas, je dois avouer aussi que j'éprouve autant d'amertume à l'égard de 
certains extrémistes catho-
74
ligues, lesquels suivent cette même démarche d'exclusion que je déplore, à 
l'autre bout de l'échiquier politique.
Divorcé ? Tu n'as rien à faire dans l'église ! Tu n'aimes pas la messe en latin 
? Tu n'as rien à y faire non plus, etc.
Voilà des gens qui se définissent non dans l'amour, la première des vertus 
parce que c'est le premier commandement du Décalogue, mais dans l'exclusion, le 
rejet.
En fait d'amour du prochain, ils pratiquent le décompte des défauts et des 
tares, ou de ce qu'ils jugent comme tel. Et disant cela, je ne réclame pas plus 
une absolution de principe qu'une tolérance débridée. Simplement, j'estime que 
la rigidité extrême de certains au nom de la vertu ne témoigne pas d'une foi 
rayonnante, que ce soit dans un sens ou dans l'autre.
De même, je trouve tout à fait détestable la croisade anti-pape, conduite 
d'ailleurs pour des motifs éminemment politiques. Le pape joue son rôle, il est 
là pour rappeler les préceptes de la religion catholique, même si ceux-ci sont 
extrêmement rigides, même s'ils paraissent très durs, même s'il est au fond 
très difficile de les appliquer dans la vie de tous les jours. Le pape n'est 
pas là pour dire : «I1 y a un grave problème de santé publique, mettez des
75
préservatifs parce que si vous ne vous protégez pas, vous allez attraper le 
sida. »
Il y a des gens qui ont pour fonction de dire cela, mais le pape n'en fait pas 
partie. Son rôle, parce qu'il est le garant des préceptes de la religion 
catholique, est d'appeler à la fidélité ou la chasteté. Après cela, chacun 
tente, en sa qualité de croyant, d'atteindre plus ou moins à cette perfection. 
Le pape est là pour rappeler la perfection du dogme catholique, or la 
perfection est un horizon.
Chaque croyant, dans sa vie personnelle, fait comme il peut pour tenter de se 
conformer aux préceptes de sa religion. Mais c'est son affaire, une histoire 
personnelle entre sa conscience et lui-même. Après tout, personne ne contraint 
quiconque à embrasser la religion catholique, ou à y rester fidèle si cela ne 
lui convient pas, et personne ne peut promettre sur terre des tickets d'entrée 
pour le paradis, il n'y a pour cela qu'un seul juge.
Le pape n'est pas, me semble-t-il, un vendeur à la criée qui fait des remises 
promotionnelles pour mieux placer son produit.
Soyons un peu réalistes : chez les deux millions de jeunes venus en France aux 
JMJ, il y en avait sûrement une proportion notable qui avait fait l'amour avant 
le mariage, qui prenait la pilule, ou même qui avait avorté. Quels que fussent 
leurs itinéraires anté-
76
rieurs, ils ont éprouvé pour le pape Jean-Paul H une ferveur réelle et 
indiscutable parce que, justement, ils attendaient de lui un cap à atteindre, 
et non une exclusion urbi et orbi pour leurs péchés.
C'est en revanche ce que se permettent de faire certains, lesquels ne se 
contentent pas de camper sur des positions dogmatiques fort rigides, ce que je 
pourrais à la rigueur comprendre (à ceci près qu'ils sont souvent plus sévères 
pour les autres que pour eux-mêmes) mais qui tirent du non-respect de ce dogme 
une justification divine à leurs comportements d'exclusion.
Ainsi, lorsque j'ai commencé à dire ce que je pensais de l'avortement ? et j'y 
reviendrai plus loin ? j'ai reçu plusieurs lettres très violentes. À la 
question « Est-ce que vous êtes catholique ? », posée publiquement, j'avais 
répondu « Oui je suis catholique, mais je ne suis pas pratiquante. »
Cela m'avait valu, entre autres, cette leçon : «Être catholique non-pratiquant 
ne veut rien dire, et si c'est le cas, votre foi ne vaut rien. » Comment un 
catholique convaincu peut-il dire à celui qui se revendique de sa famille « 
votre foi ne vaut rien » ?
Cette foi « sans valeur », ce dont personne ici-bas n'est juge, n'est pourtant 
pas absente de ma vie politique.
Et pourrait-il en être autrement ? La foi est
77
quelque chose qui construit une personnalité, c'est aussi un supplément de 
référence morale, un prisme particulier au travers duquel on réexamine les 
choses. Lorsqu'on naît dans la culture chrétienne, et que l'on est élevé dans 
la foi catholique, il y a des principes qui demeurent à jamais, comme la notion 
du bien et du mal, l'égalité entre les hommes, la fraternité et la liberté, la 
compassion aussi. Celles-là forment déjà un cadre minimum. On s'aperçoit alors 
que nos valeurs républicaines sont issues de notre culture chrétienne, ou du 
moins guère éloignées.
C'est vrai en particulier pour la notion d'égalité entre les hommes, dont on 
sait bien qu'elle n'est pas universellement partagée : il est des sociétés où 
perdurent des systèmes de caste. C'est le cas en Inde notamment, oû des 
décennies après qu'elles furent officiellement abolies elles continuent 
toujours de fixer les positions sociales. Quant à l'égalité des droits entre 
les hommes et les femmes, largement malmenée, on voit en certains endroits du 
monde les premiers avoir droit de vie ou de mort sur les secondes.
C'est donc bien notre culture judéo-chrétienne, qui a comme fondement l'égalité 
entre les hommes, qui a répandu dans le monde cette notion depuis plusieurs 
siècles. Aussi, lorsqu'on accuse nos idées d'être por-
78
teuses de racisme et d'exclusion, cela me heurte d'autant plus que c'est à 
l'encontre des principes qui sont les miens : les principes de la République 
bien sûr, mais corrélés aussi à ma foi et à ma culture, ce que Pierre Chaunu 
nomme «le Nouveau Testament laïcisé par le siècle des Lumières ».
Pour autant, faut-il dire que ma foi guide mon action politique ? Non, ce qui 
guide mon action politique, c'est d'abord la défense de mon pays. Et ce pays a 
un peuple qui possède une identité, une histoire, des us et coutumes qui me 
sont chers et dont j'estime qu'ils doivent aussi être défendus.
Je pense pourtant que la pratique religieuse d'un personnage politique doit 
demeurer de l'ordre du privé.
Les options religieuses n'ont pas à passer au premier plan, et c'est en cela 
que je suis profondément attachée à la laïcité, autant qu'aux traditions de mon 
pays.
Ce qui n'est pas incompatible.
79
Chapitre V
Adolescente en politique
Adoubement ?
Baptême du feu ?
Un peu des deux sans doute.
À quinze ans, je fais mon entrée sur le terrain au moment où la campagne des 
municipales bat son plein. En ce mois de mars 1983, Le Pen est candidat dans le 
XXe arrondissement de Paris, un quartier très populaire du nord-est de la 
capitale. C'est une campagne extrêmement militante et pour la première fois, 
très médiatisée. La mobilisation est importante et mon père, qui a compris que 
je m'intéresse déjà de façon sérieuse à tout cela, me dit : « Si tu veux, je 
t'autorise à manquer l'école et tu passes une semaine avec moi sur le terrain. »
Cette semaine fut, à bien des égards, un choc sans aucun doute déterminant pour 
la suite. Pour la pre-
81
r~~
mèère fois en effet, je découvrais le militantisme en politique, des gens 
dévoués à leur cause, qu'ils soutiennent dans un mélange de ferveur et de 
fraternité, lui consacrant beaucoup de leur énergie et de leur temps, et ce de 
façon désintéressée. Or, si j'avais très jeune participé aux grandes 
manifestations, je n'avais de l'engagement en politique qu'une vision 
partielle, au travers des cadres du mouvement qui venaient en rendez-vous à 
Saint-Cloud. Il me manquait l'autre facette, la connaissance du terrain, les 
mains dans le cambouis. N'ayant approché jusque-là que les têtes pensantes du 
parti que conduisait mon père, je posais un regard passionné sur cette « 
cellule ouvrière » qui charriait tous les soirs les seaux de colle et les 
affiches.
La politique, pourtant, je dois le dire, se confondait avec le quotidien de la 
famille. Je peux même affirmer qu'elle était notre famille, ...notamment parce 
que, en fait, nous n'en avions pas. Mon père était fils unique, il ne lui 
restait personne, sinon un cousin pas suffisamment présent pour qu'on 
l'accroche à notre caravane. Ma mère, fille unique elle aussi, avait encore son 
père habitant le Sud-Ouest et un demi-frère, dans le Sud lui aussi, que nous ne 
voyions que rarement.
La véritable proximité, la fraternité, la parenté intellectuelle et affective, 
c'est avec les amis politi-
82
ques qu'elle s'établissait, et c'est à ce titre que l'environnement politique 
de mon père devint aussi un environnement familial, ce qui a probablement 
influé sur la manière dont il a, et parfois avec des effets inattendus, fait 
interagir sa vie politique et sa vie personnelle.
Pour mieux comprendre ce maillage, il faut aussi préciser qu'au début 
l'appareil du Front national n'était pas un appareil politique classique. Il 
m'apparaissait en tout cas davantage comme l'agrégat d'un certain nombre 
d'amitiés, la réunion de personnes qui, ayant une vision politique commune, 
avaient décidé de faire quelque chose ensemble, ce, non sans un certain 
amateurisme.
Ainsi, dans les soirées qui rassemblaient à la maison les copains, on trouvait 
bien sûr des gens qui n'étaient pas politisés, mais en revanche, presque tous 
ceux qui formaient les rangs des cadres du Front national étaient présents.
Et cela ne m'a paru étrange que bien plus tard...
A ce moment-là de mon existence, n'ayant pas d'autre modèle pour soutenir la 
comparaison, ce fonctionnement en circuit fermé me paraissait des plus normaux.
Je côtoyais donc régulièrement ces copains de la politique en continuant 
d'ignorer le fonctionnement de base du parti et le visage de ses troupes ; et 
mises
83
â part les quelques manifestations que j'avais suivies, j'ignorais également 
tout de l'ambiance d'une campagne électorale.
Alors, ce qui va se passer là dans cette dernière semaine de parcours vers les 
municipales va être particulièrement fort à vivre.
D'abord, je découvre la politique « au corps à corps », celle de la 
confrontation à l'autre, qui se fait au contact des militants et des électeurs. 
Et puis, je suis ravie de sécher l'école !
Ma fascination est évidemment liée à ma fierté d'être aux côtés de mon père. Je 
suis fière, en vérité, de l'intérêt qu'il me témoigne à travers cette 
invitation à l'accompagner. Car, au-delà des fêtes fréquentes et de son absence 
de conformisme, Le Pen c'est, comme je l'ai déjà dit, un peu un père à 
l'ancienne : les enfants, tant qu'ils ne savent pas lire Victor Hugo, et 
éventuellement tenir une conversation philosophique ou politique, ça reste des 
enfants, c'est-à-dire des habitants d'un autre monde dans lequel il ne 
s'aventure guère. Non pas par manque d'affection, mais parce qu'il ne sait 
vraiment ni quoi y faire, ni comment se comporter.
C'est sans doute à ce moment, d'ailleurs, que j'ai réalisé ? même sans en avoir 
encore pleinement conscience ? que cette relation père-fille, c'était en 
réalité à moi de la construire. Je me suis rendu
84
compte que je n'arriverai jamais à faire venir mon père sur mon propre terrain, 
celui de mes activités, de ma scolarité, de mes amis, parce que ce terrain-là, 
comme celui de mes soeurs, était terra incognita, le pays des enfants. Donc, il 
fallait que je me rende sur le sien. Il n'avait sans doute pas la disposition, 
et encore moins le temps de se consacrer à la découverte de ses propres filles. 
Aussi le seul moyen de créer des liens autres qu'affectifs avec lui était 
d'aller à sa rencontre. C'est un peu comme cela que, au fur et à mesure, par 
intérêt personnel mais aussi pour le découvrir, je me suis aventurée de plus en 
plus loin sur son terrain, donc sur celui de la politique.
Est-ce aussi la raison pour laquelle j'ai fait comme lui des études de droit, 
puis suis devenue avocate ? Ce n'est pas impossible. Cette profession qu'il n'a 
pas exercée, mais pour laquelle il a beaucoup d'admiration, est celle du tribun 
qu'il a toujours été ? seule qualité, peut-être, que personne ne lui ait jamais 
contestée.
C'est un amoureux des mots, passionné de textes, de discours historiques, de 
chansons, de littérature en général, un homme du Verbe.
En fait, beaucoup plus qu'une relation père-fille classique, c'est vraiment une 
relation de personnalité à personnalité qui s'est peu à peu établie entre nous, 
engueulades comprises. Ce fut une sorte de recon-
85
        
        naissance tissée au fil des années, et cette invitation à 
        le suivre dans sa campagne électorale en fut la pre
        mière étape.
        C'est durant ce scrutin municipal qu'apparaîtront 
        les premiers résultats probants pour le Front natio
        nal, et la presse ne s'y trompe pas, qui colle au 
        candidat Le Pen en campagne.
        Des locaux ont été loués rue Le Bua ; ils devien
        nent la permanence du parti dans l'arrondissement, 
        les militants se relaient pour l'affichage. Quant à 
        Le Pen, il anime chaque soir une réunion de préau 
        et parcourt chaque matin les marchés.
        Au soir de clôture de la campagne, à l'avant-veille 
        du scrutin, un grand meeting est organisé à l'Élysée-
        Montmartre. Pendant que je découvre, aux premiè
        res loges cette fois, l'incroyable enthousiasme que 
        parvient à susciter mon père chez les militants, la 
        permanence de la rue Le Bua est incendiée.
        Au premier tour, la liste Le Pen obtient près de 
        12 % des suffrages. Ce résultat, qui est un formi
        dable coup d'accélérateur pour le Front national, est 
        jugé comme inquiétant pour de nombreux observa
        teurs de Saint-Germain-des-Prés. Il va d'ailleurs 
        marquer l'ouverture des grandes campagnes média
        tiques contre le FN.
        Pour moi, ce contact avec les militants, leur 
        enthousiasme, leur fraternité, a été une véritable
        86
révélation. Cette semaine de campagne m'a ouvert les yeux sur un univers 
inconnu et m'a aidé par la suite à aborder la période où tout s'est accéléré, 
où l'activité politique de mon père a commencé à se traduire dans les urnes. Je 
n'avais de la figure paternelle, jusque-là, guère plus que l'écho peu laudatif 
renvoyé par mes professeurs. Mais ce premier succès électoral, cet intérêt 
médiatique grandissant, fut vécu par nous comme une confirmation que la cause 
était juste. Ainsi, on n'avait pas supporté en vain l'attentat et le reste...
Car rien n'était anodin, rien n'était facile. On restait les filles Le Pen, on 
savait pourquoi on était les filles Le Pen et on nous le faisait sentir, 
toujours.
Avec les premiers succès électoraux, notre quotidien à nous les filles, se 
compliqua encore davantage. Dévorante pour celui qui la pratique, la politique 
l'est tout autant pour la famille. C'est une amante vorace qui fait place nette 
et ne tolère pas la concurrence. La gouvernance du parti en plein essor ne 
laissait pas une minute à mon père, et ma mère le suivant comme son ombre, je 
devais me débrouiller seule. Ma soeur aînée était partie depuis plusieurs 
années et Yann était devenue G.O. au Club Med à l'$e Maurice ! Je me retrouvais 
donc fréquemment livrée à mon sort, contrainte à une indépendance
87
qui, si je n'avais été raisonnable, aurait pu me coûter et leur coûter cher.
Je me souviens ainsi que, pour une campagne à La Trinité-sur-Mer, à l'occasion 
d'élections partielles, mes parents ont disparu pendant un mois et demi... 
J'avais à peine quinze ans, j'étais seule dans la grande bâtisse de Montretout, 
ruminant ma peine. L'adolescence est une période où l'on a du mal, déjà, à 
comprendre le monde, il est facile d'imaginer les pensées d'une ado qui n'est 
pas la priorité de ses parents.
Je me suis donc, moi aussi, posé la question fatidique : si je faisais en sorte 
de devenir un problème, peut-être serais-je enfin le centre d'intérêt de mes 
parents ?
Je n'ai rien fait en ce sens. L'occasion, si elle s'est présentée, n'était sans 
doute pas assez tentante. Mais surtout, je crois que, au fond, je savais que 
toute tentative de me poser en rivale de la politique serait vouée à l'échec. 
La compétition était perdue d'avance, et partant, la rébellion inutile.
Et puis, soyons honnête : je n'étais pas totalement seule, j'avais des amis 
assez présents pour m'entourer. Toutefois, je pense avec le recul que cette 
liberté qui me fut laissée trop tôt, comme d'ailleurs à mes soeurs, était une 
conseillère dangereuse ; je ne suis pas certaine que si je l'avais écoutée à 
mauvais
88
escient, mes parents auraient été capables de le voir. Ils s'en seraient 
probablement rendu compte trop tard.
Il se trouve, tant mieux pour eux et tant mieux pour moi, que je n'ai pas versé 
dans le côté obscur. Mais si je n'ai jamais pris de drogue, jamais même fumé de 
pétard ? un exploit dans ma génération ? et ne me suis jamais retrouvée dans 
des mauvais plans, c'est aussi parce que j'avais pris, dès l'enfance, la mesure 
de ma responsabilité.
Les médias utiliseraient contre mon père la moindre vétille et j'étais 
pleinement consciente des contraintes liées au fait d'être sa fille. Je 
respectais donc une sorte de contrat moral. Mais je dois avouer que j'aurais 
apprécié que mes parents m'accordent en retour un peu plus d'intérêt et 
d'attention, y compris sur le plan scolaire, car là aussi, j'étais seule à 
batailler.
Pour autant, et même si c'était un peu lourd à porter parfois, je n'ai jamais 
rué dans les brancards, ni remis en cause les engagements paternels. Il faut 
dire que je me positionnais moins face à ses options politiques qu'en réaction 
aux mensonges déments que j'entendais et lisais dans la presse. Car il fut, dès 
mon adolescence, flagrant pour moi que ce qu'on prétendait de lui ? raciste, 
antisémite, fasciste, etc. ? était faux.
89
J'ai sur cette question un raisonnement basique, celui de mon âge à l'époque : 
j'ai vu des gens racistes dans ma vie, je sais parfaitement à quoi ça 
ressemble. Donc si Le Pen, que je côtoie au quotidien, était raciste, moi à 
treize ans, à quinze ans, je suis capable de le voir. Or, pas une seule de ses 
réflexions, jamais, ou une seule de ses réactions, n'a fait que je pouvais le 
soupçonner de racisme. J'ai conscience qu'il y a là un décalage majeur entre ce 
que je lis tous les jours et ce que je sais. Cette injustice que je trouve 
flagrante, cette différence entre ce qu'on dit de lui et ce qu'il est en 
réalité me met en rage, aussi fort aujourd'hui qu'hier.
Très jeune, j'ai en effet été frappée par le gouffre qui m'apparaissait entre 
l'homme décrit et l'homme réel, que je côtoyais quotidiennement. On le 
présentait comme violent ? Il n'a jamais levé la main sur nous, à part un coup 
de pied aux fesses de Marie-Caroline, resté dans la mythologie familiale, au 
motif qu'elle refusait obstinément de mettre son casque pour faire de la 
mobylette... Et quelques colères liées à un tempérament indubitablement soupe 
au lait.
On l'accusait de népotisme ? Je l'ai toujours vu demander aux siens mille fois 
plus qu'il ne demandait aux autres, prêter mille fois plus facilement l'oreille
90
aux jérémiades d'inconnus qu'A, celles des siens, si d'aventure nous nous 
laissions aller à nous plaindre. De même, si un conflit nous opposait A, 
d'autres, c'est d'emblée à eux qu'il donnait raison. Nous, ses filles, avons dû 
sans cesse lui démontrer nos qualités, lui apporter chaque fois les preuves de 
nos compétences. Dieu sait que nous en avons assez souffert pour trouver 
ahurissante cette accusation de népotisme !
On le disait perclus de principes rigides, et chez nous c'était la bohème 
intégrale. On le disait sectaire, mais ma maison voyait passer des gens de 
toutes origines, de toutes conditions, les princes y étant traités comme des 
hommes et les hommes comme des princes. Une maison où il était fréquent, par 
pure culture musicale je le précise, d'entonner « l'Internationale » ? toutes 
les strophes, s'il vous plaît ! ? ou d'enchaîner le répertoire de Ferrat. Il 
pouvait, de la même manière, aligner les couplets de la Marseillaise, les 
cantiques ou les chansons de carabin.
On le disait raciste, antisémite ? Je lisais, racontée par d'autres, 
l'expédition de Suez où il se battit aux côtés de l'armée israélienne et 
enterra consciencieusement les cadavres musulmans la tête tournée vers La 
Mecque, s'attirant ainsi les félicitations de son état-major.
91
4
On le disait dur et je voyais cet homme étreindre longuement un arbre et 
raconter, l'émotion difficilement contenue, comment une petite vieille lui 
avait donné son alliance qui était «la seule chose qui lui restait de valeur 
pour qu'elle lui porte chance », alliance qu'il conserva au doigt durant toute 
la campagne présidentielle de 1995.
On le disait démagogue ? Je l'entendais dire des choses difficiles à prononcer 
pour certains et à entendre pour d'autres, refusant de plier malgré les risques 
ou les injures.
À un moment donné il faut choisir son camp, et mon camp alors, c'est simplement 
celui de la vérité. Une vérité éprouvée tous les jours auprès de quelqu'un qui 
ne ressemble en rien à la caricature véhiculée à l'extérieur.
C'est dans ce contexte que retentit six mois plus tard le coup de tonnerre de 
Dreux : Jean-Pierre Stirbois, alors secrétaire général du Front national, frôle 
la barre des 17 % et, après une alliance au second tour avec le RPR local, 
devient adjoint au maire de la ville. C'est l'explosion du jeune mouvement 
politique de Le Pen.
Ce qui me frappe alors, ce que j'en retiens depuis, c'est le climat extrêmement 
violent de cette campagne ; une violence physique et psychologique qui va 
longtemps rester, dans mon esprit, indissociable
92
de la politique. C'est une curieuse dualité : on est heureux de l'enthousiasme 
de ceux qui nous entourent, heureux des succès, et dans le même temps « on s'en 
prend plein la gueule » ? au propre comme au figuré ? parce qu'on a gagné des 
voix.
Dans notre parti, on sait pour l'avoir éprouvé que toute victoire remportée 
dans les urnes fait grimper d'un cran les provocations en tout genre. Ainsi, on 
manifeste ? un exemple parmi d'autres ? en surveillant les fenêtres des 
immeubles pour voir si on ne nous jette rien au passage. Tout le monde est aux 
aguets.
Alors Dreux, pour moi, restera d'abord cela : la violence, les mensonges, les 
insultes, l'inquiétude palpable. Dans le même temps, on me dit que le parti de 
mon père vient de remporter une victoire importante, que Jean-Pierrre Stirbois 
? que je connais bien pour le voir régulièrement à la maison ? a fait un score 
mémorable, mais tout cela est encore un peu à distance de moi-même.
Le combat de mon père étant depuis toujours le fait majeur de notre existence, 
ce qui la conditionne à tout point de vue, je ne mesure pas encore l'ampleur de 
ce succès. Je n'en saisirai réellement le poids qu'aux élections européennes 
l'année suivante.
Dans les mois qui vont suivre Dreux, l'histoire s'accélère et Le Pen va devenir 
une figure incontour-
93
nable de la vie politique française, ce qu'il n'était pas avant. Ce statut a 
besoin d'une consécration dont on sait qu'elle est offerte dans nos sociétés 
par la télévision.
Jeu double et pervers s'il en est, car si l'étrange lucarne offre à celui qui y 
passe une visibilité difficile à atteindre par un autre canal, elle peut aussi 
se révéler par la puissance des images, l'outil de toutes les manipulations.
Le 13 février 1984, Le Pen est donc l'invité de François-Henri de Virieu pour « 
L'heure de vérité ». C'est sa première grande émission politique qui remplira 
d'aise la chaîne car elle réalisera une formidable audience : quinze millions 
de spectateurs.
Nous étions présentes, ce soir-lâ, les trois filles et notre mère. C'était ma 
première sortie officielle, en quelque sorte, un bal des débutantes d'un genre 
un peu spécial... C'est la première fois que mon père passe à la télévision, 
que nous passons à la télévision, et j'en suis naturellement très fière. Je ne 
sais pas encore que c'est la fin de l'anonymat, un anonymat relatif d'ailleurs 
car si nous n'étions pas jusqu'alors reconnues dans la rue, nous l'étions en 
tout cas au lycée.
Au cours de cette émission, mon père, sommé d'aimer la terre entière, fait une 
réponse qui braque indirectement les caméras sur nous, réponse
94
qui va elle aussi entrer dans les annales. Il dit ceci, dont on ne retient 
toujours que la première proposition : «J'applique en quelque sorte une 
hiérarchie des sentiments et des dilections. J'aime mieux mes filles que mes 
cousines, mes cousines que mes voisines, mes voisines que les inconnus et les 
inconnus que les ennemis. J'aime mieux les Européens ensuite, et puis ensuite, 
j'aime mieux les Occidentaux, et puis j'aime mieux, dans les autres pays du 
monde, ceux qui sont des alliés et tous ceux qui aiment la France, ça me paraît 
être un bon critère. Et puis je trouve qu'avec ça, nous avons déjà beaucoup de 
responsabilités et que si nous assumons celles-là, ce sera déjà très bien. » 
Cette réponse sera la première pierre de l'édifice construit contre lui et le 
taxant de racisme primaire...
Cette « Heure de vérité », qui devait voir les grands journalistes du moment 
terrasser le fascisme en direct, signa le début de l'explosion médiatique de 
mon père.
Ce qui n'était pas prévu.
Sans doute est-ce d'ailleurs le succès tangible de sa prestation qui fit fuir 
Main Duhamel et Jean-Jacques Servan-Schreiber, lesquels quittèrent le plateau 
avec mépris en désertant le buffet habituel qui suit l'émission.
François-Henri de Virieu, lui, félicita Le Pen pour
95
sa performance. On'avait pourtant usé d'un stratagème peu glorieux pour le 
déstabiliser : tandis qu'il sortait du maquillage et se dirigeait vers le 
plateau pour le direct, le principe de l'émission étant de faire entrer 
l'invité en dernier alors que tout le monde est installé, une jeune femme de la 
production vint l'aborder et lui dit : « M. Le Pen, votre fille a eu un 
accident de voiture, elle est à l'hôpital, mais ils viennent d'appeler, ça va. »
Dieu merci, nous étions déjà installées sur le plateau avec ma mère. Il avait 
compris la nature de la manoeuvre en nous voyant...
À cette époque, le Front national ne disposait que d'un simple local rue 
Bernouilli, aujourd'hui siège de la Fédération de Paris.
Au lendemain de cette émission, les gens s'y bousculaient pour adhérer : la 
file d'attente remontait jusqu'à l'angle du lycée Chaptal !
Après le succès de Dreux, le mouvement fut réorganisé, ou pour être plus 
précis, organisé. Un Comité central se tint en janvier, et un premier 
organigramme fut mis en place à cette occasion. Le parti de Le Pen était en 
ordre de marche pour aborder les européennes du mois de juin.
Les deux mois de campagne furent épouvantables, le Front national devant 
affronter une violence telle
96
que mes parents préférèrent nous retirer du lycée et nous mettre à l'abri, ma 
soeur Yann et moi.
Durant les huit semaines qui précédèrent les élections, mon père fit une grande 
tournée des villes de France, tenant une trentaine de meetings. Chaque réunion 
fit l'objet d'attaques en règle, les troupes de l'ultra-gauche venant 
systématiquement au contact, jusqu'à l'affrontement physique.
Il y eut de graves incidents, des blessés sérieux, dont un CRS brûlé à Lille 
par le jet d'un cocktail Molotov.
C'est d'ailleurs à cette occasion qu'apparut la nécessité d'avoir un service 
d'ordre compétent pour repousser les provocations qui émaillaient dorénavant 
toutes nos réunions publiques.
Chacun ? la classe politique et le Front national ? sentait que cette échéance 
des européennes allait être décisive.
Si Le Pen remportait une vraie victoire, l'essor du mouvement devenait 
irréversible. Dès lors, les craintes des « démocrates » (avec casques et battes 
de base-ball) redoublaient et l'escalade de la violence de leurs « arguments » 
avec.
Au siège du FN, on était persuadé qu'il se passerait quelque chose pour abattre 
mon père. On s'attendait à tous les pièges, à toutes les provocations. Y 
compris d'ailleurs à un nouvel attentat contre lui,
97
ce que rien n'excluait dans le climat de folie de l'époque, dont on n'a pas 
gardé le souvenir aujourd'hui, maintenant que le FN fait à peu près partie du 
paysage politique ? même s'il reste hélas très en marge du système médiatique.
C'est à ce moment-là que Le Pen embaucha un garde du corps, Freddy, un ancien 
champion de catch. Cependant, le climat devint à ce point irrespirable que mes 
parents décidèrent de nous exfiltrer dans le Midi avant la fin de l'année 
scolaire. Yann et moi fûmes confiées à des amis, ma mère leur ayant recommandé 
de «prendre bien garde à ce que l'on ne sache pas que nous étions les filles Le 
Pen ».
)
Si la violence était devenue le lot commun, elle était compensée, je dois le 
dire, par de grands moments de ferveur. Ainsi vais-je vivre durant cette 
campagne, un moment extraordinaire qui m'émeut encore aux larmes tellement ce 
fut un choc pour moi. C'était le grand meeting à la Mutualité, à Paris. Ce 
soir-là, assise à côté de ma mère, je découvrais pour la première fois ce 
qu'est une assistance déchaînée : des centaines de personnes qui hurlent et 
scandent « Le Pen ! Le Pen ! ». Ils tapaient des pieds, ça faisait un bruit 
infernal. J'ai cru que le balcon allait s'effondrer.
J'étais submergée de fierté, je pleurais.
98
Il y avait donc plein de gens qui aimaient mon père !
Et dans le même temps, je me suis dit : «Rien que ça, ça efface tout. » J'étais 
tellement heureuse... Pas pour moi bien entendu : parce que Le Pen à 0,2 % ou 
Le Pen à 20 %, c'était le même bazar dans ma vie.
J'étais heureuse pour lui, heureuse pour ma mère, heureuse pour tous ceux qui 
en avaient bavé à leurs côtés, parce que si nous, la famille Le Pen, avions 
vécu dans notre chair l'attentat, beaucoup d'autres avaient eu eux aussi à 
payer, et parfois très cher, leur engagement au Front national.
Je me suis dit : « Voilà, c'est le résultat tangible de tous les sacrifices », 
et j'incluais là, évidemment, le sacrifice de notre vie de famille. Cette 
ferveur-là me consolait de tout.
Le 17 juin 1984, la liste emmenée par mon père récoltait 2 210 299 voix, soit 
11 % des suffrages exprimés.
Dix élus Front national entraient au Parlement européen, dont Jean-Pierre 
Stirbois qui figurera également dans le groupe des trente-cinq députés élus à 
l'Assemblée nationale en mars 1986.
Il est mort sur la route deux ans plus tard, le 5 novembre 1988, au retour 
d'une dernière réunion publique qu'il avait tenue à Dreux.
Mon père, bouleversé, m'a alors demandé de l'ac-
99
        compagner à la morgue. Allant rendre à Jean-Pierre 
        un dernier témoignage d'amitié, il m'a dit : « Viens 
        avec moi. Je ne veux pas que le premier mort que tu 
        voies, ce soit moi. »
100
Chapitre VI
L'année du malheur
Au soir des élections européennes, ma mère était radieuse. Trois mois plus 
tard, elle était partie. Je n'avais rien vu venir.
Ils étaient heureux pourtant ce dimanche soir, mon père et elle. Il faisait 
beau, elle était belle, ils venaient de gagner et les amis sablaient le 
champagne dans la gaieté. Tout allait bien. Du moins, c'est ce qu'il me 
semblait même si par moments je percevais un sentiment de malaise, mais sans 
plus.
J'avais surpris quelques bribes de conversation sans réelle signification pour 
moi, d'autant que je n'avais jamais vu mes parents se disputer. Cela leur 
arrivait sans doute, mais nous n'en étions pas témoins.
J'ai ainsi appris quasiment par hasard, à l'âge de quatorze ans, que ma mère 
avait été mariée une première fois ! Cela a été un vrai choc, notamment
101
parce que j'ai réalisé à ce moment-là que je ne connaissais au fond rien de 
leur vie, hormis ce que mon père nous racontait sur son enfance, sa famille, et 
les histoires fabuleuses de son père, patron pêcheur.
En fait, on ne savait rien d'autre, ils étaient tous deux très discrets sur 
leur vie privée.
J'étais donc une ado et j'accompagnais mon père au cimetière de La 
Trinité-sur-Mer après une visite familiale auprès de tantes éloignées, 
lorsqu'il me dit au fil de la conversation, sans y prêter la moindre attention 
: «Le premier mari de ta mère... » Je fais « Pardon ?» Et il répond : « Oui, le 
premier mari de ta mère. » Je m'arrête, interloquée : « Quoi, maman a été 
mariée ?»
Sur le plan factuel, c'était certes sans conséquence, cela ne changeait rien à 
ma vie ; mais découvrir tardivement un élément aussi important dans la vie de 
mes parents me laissa une impression très désagréable.
J'ai mis cela sur le compte de la pudeur. Sans doute considéraient-ils que ça 
ne regardait que leur couple et pas les enfants. Car je le redis, c'était 
vraiment un couple fort et uni, aux yeux de tous un couple idéal, sans 
problème, sans nuage, conservant des attentions amoureuses touchantes après 
vingt ans de mariage.
102
C'est en tout cas l'image que j'en avais.
Un midi pourtant, ma mère nous prend à déjeuner, Yann et moi. Elle me dit : « 
Tu comprends, ça ne va pas bien avec ton père », et elle commence à m'exposer 
ses récriminations.
Bien sûr, je l'entendais râler depuis un moment : « Il ne fait pas assez 
attention à moi, il y a toujours un tas de gens autour de lui. Quand on est 
dans les manifestations, ils n'ont aucun égard, tout le monde m'oublie. Les 
gardes du corps le protègent lui, et moi je passe derrière... » J'entendais 
tout cela depuis longtemps, mais dans la mesure où ces revendications n'étaient 
que l'écho des miennes, elles n'avaient pour moi aucune conséquence. Je ne vis 
là qu'une plainte assez banale. Comme me l'avait appris mon père, ô combien, je 
« relativisais ».
Quelques jours plus tard, un mercredi, Yann vient me chercher à l'école à midi 
et me dit :
?       Maman est partie.
?       Maman est partie, c'est-à-dire ?
?       Maman est partie.
?       Mais elle est partie où ?
?       On ne sait pas.
?       Mais elle est partie une semaine, quinze jours ?
?       Non, elle est partie. Elle a pris toutes ses affaires. Elle est partie, 
tu comprends, partie !
103
Là, c'est le monde qui s'écroule.
Il s'écroule parce que, dotée d'un tempérament optimiste, j'ai toujours connu, 
malgré le contexte compliqué imposé par l'extérieur, une vie très heureuse et 
pleine en famille. J'avais ma mère, j'avais mon père. Bien sûr, la politique me 
les prenait beaucoup, on ne se voyait pas autant que je l'aurais espéré, du 
moins avec mon père, mais quand ça arrivait enfin, j'étais tellement contente 
que cela me suffisait. Ma mère, elle, était plus présente à cette époque que 
dans ma petite enfance, puis j'avais mon cercle d'amis...
Et tout d'un coup, mon univers s'effondre.
Ce couple «parfait» non seulement se dissout sans signes avant-coureurs, mais 
ma mère disparaît, corps et biens. C'est la descente en enfer qui commence.
Pendant un jour, trois jours, dix jours, je me suis persuadée : « Elle va 
revenir, elle va m'appeler, c'est sûr, elle va passer un coup de téléphone », 
et rien.
Rien.
Je ne comprends pas, je ne peux pas comprendre. J'attends qu'elle me contacte. 
Je me raisonne : ils se sont engueulés, ils vont peut-être se séparer ? bien 
que je mette un temps fou à m'adapter ne serait-ce qu'à cette éventualité ?, 
mais j'attends le coup de fil.
Je me fais même peu à peu à l'idée qu'ils vont
104
divorcer, bien que cela ne soit pas si banal et fréquent à l'époque.
Je vais passer des semaines, des mois à attendre.
En vain.
Cela va durer quinze ans.
Dieu merci mes soeurs étaient là, collées à moi, petites mamans de substitution 
m'entourant de leur tendresse. Dany aussi, la meilleure amie de ma mère, la 
tante que je n'avais pas eue, qui sans état d'âme prit en main le quotidien, 
l'intendance, parce qu'il fallait bien faire tourner la maison.
Mais nous étions seules pour la première fois de notre vie avec mon père, face 
à face, dans une famille où ma mère, comme dans toutes les familles, était le 
point central. Ce n'était certes pas mon père qui gérait le quotidien, pas lui 
qui venait faire des courses quand on avait besoin de vêtements... Tout cela, 
la vie, les bobos au coeur, c'était elle bien sûr.
Et du jour au lendemain, il n'y avait plus personne.
Finis les rires, l'enthousiasme, la drôlerie, la complicité... Car elle était 
l'âme de cette maison. Bien sûr, elle n'a jamais été parfaite. Par exemple elle 
ne signait jamais les livrets scolaires quand il le fallait, ou elle oubliait 
toujours d'acheter la paire de ballerines et le jogging obligatoire, et on se 
faisait coller parce qu'au bout de la troisième séance de sport on n'avait 
toujours pas notre matériel.
105
?
Mais malgré son côté bohème, elle montrait une proximité, une chaleur, une joie 
de vivre, une insouciance avec ses enfants qui compensait tout. Son amour nous 
était nécessaire, vital.
C'est pourquoi j'ai terriblement souffert de cette absence, souffert du manque 
de contact physique avec ma mère, jusqu'à en devenir malade. Je ne comprenais 
pas comment elle, si « animale », pouvait supporter de ne plus voir ses 
enfants. Pendant un mois et demi j'ai vomi tous les jours, j'étais incapable de 
me nourrir.
Ma mère m'avait abandonnée.
Elle ne m'aimait plus.
Je n'étais plus rien pour elle. Je vivais le plus affreux, le plus cruel et 
cinglant des chagrins d'amour.
A cette souffrance-là s'ajoutait la publicité autour de la séparation. 
L'histoire de nos parents s'étalait dans tous les journaux. Et pour ajouter 
encore au sentiment de trahison, ma mère était partie avec le journaliste qui 
venait de publier une biographie de Le Pen. Pendant des semaines il avait 
séjourné à la maison, suivi mon père, observé notre famille. Venu en ami pour 
recueillir les confidences, il partait avec l'épouse. Un vrai vaudeville à 
l'ancienne en somme, dont la presse fit bien entendu des gorges chaudes.
Avec ce départ, c'est le chagrin à l'état brut qui est
106
tombé sur la maison vide. Nous étions tous pétrifiés. Je pleurais des heures 
entières, y compris à l'école. Mes notes chutèrent de façon spectaculaire. Tous 
les enseignants, tous mes camarades de lycée savaient ce qui s'était passé, 
puisque la France entière était au courant. Je passais mes journées à 
l'infirmerie parce que je ne tenais pas un quart d'heure de cours sans fondre 
en larmes ; je m'accrochais à l'infirmière comme à une bouée de secours, mais à 
de très rares exceptions prés, je ne recevais aucun soutien du monde scolaire, 
pas même un mot pour me dire de tenir bon. Les annotations sur mes bulletins se 
suivaient dans une totale inhumanité : « Trop d'absences pour pouvoir suivre 
régulièrement, manque de concentration en classe », « Beaucoup d'absences, 
travail personnel insuffisant », «Trop d'absences... même en classe ! »...
Le monde s'était écroulé autour de moi, toute l'histoire de ma famille 
s'étalait au grand jour, et l'on faisait comme s'il ne s'était rien passé dans 
ma vie. Seuls quelques amis proches, Sandrine et Axel, déploieront, et je ne 
les en remercierai jamais assez, des trésors de patience et d'affection pour 
adoucir ma peine.
Il me fallait pourtant apprendre à vivre sans ma mère.
Apprendre aussi à vivre avec mon père.
107
À seize ans, je n'avais pas particulièrement de complicité avec lui et il me 
semblait distant. Son extrême pudeur se transforma là, encore davantage, en un 
rempart entre nous, probablement ? du moins je l'imagine ? parce qu'il se 
disait que, devenu le pilier unique de notre famille, il n'avait pas le droit 
de se laisser aller.
Si bien qu'on vivait cette douleur commune sans jamais se la dire ou l'exprimer 
par des larmes, sans jamais la manifester. J'avais envie d'aller le voir, de 
pleurer dans ses bras, de lui dire combien j'étais malheureuse, mais il y avait 
une telle résistance de sa part que c'était impossible. Il était sans doute 
aussi malheureux que moi, mais il ne voulait surtout pas le montrer. Comme 
j'aurais aimé alors que simplement nous en parlions...
Au moment où s'ouvre le procès en divorce, j'attends toujours un signe de ma 
mère. Je ne peux pas me résigner, tout en moi s'y refuse. Je l'attends chaque 
jour à la sortie du lycée.
Je me dis qu'elle va venir et que, même si elle ne veut pas que ça se sache, je 
vais la croiser. Elle va être là, elle va m'attendre dans sa voiture. Je vais 
monter à côté d'elle, l'embrasser...
Mais les jours passent et rien, sinon l'horrible machine médiatique qui se met 
en branle.
Ma mère commence en effet à tenir des propos
108
dévastateurs pour nous dans la presse. Des déclarations hostiles dans 
lesquelles, par vengeance ? parce que je ne vois que cela comme explication ? 
elle va dire sur son mari des horreurs dont je sais bien qu'elles ne sont pas 
vraies, puisqu'il y a seize ans que je vis avec eux et que je les regarde vivre.
Toute à sa guérilla contre son mari, elle s'en prendra aussi hélas à nous en 
termes durs et en tenant des propos que je ressentirai comme assassins.
La procédure s'engage donc, et comme je suis mineure, mon père me demande un 
jour : « Avec qui tu veux aller, avec qui vas-tu vivre ?» Je n'ai pas réfléchi 
une seconde : il était évident que j'allais vivre avec lui. Comment aurais-je 
fait autrement d'ailleurs, puisque ma mère n'a jamais demandé ma garde ?
Je n'avais strictement aucune nouvelle d'elle, et quand bien même j'aurais 
voulu lui envoyer un courrier, je n'aurais pas pu : je ne connaissais pas son 
numéro de téléphone, j'ignorais où elle habitait, je ne savais rien.
Et puis il n'avait pas mérité cela. La décision de la séparation était 
l'affaire de leur couple, mais la façon dont elle s'était déroulée me 
paraissait cruelle, et pour lui et pour nous.
J'ai donc écrit une lettre au juge lui demandant de bien vouloir accorder le 
droit de garde à mon père.
109
Cela en plus de ce que nous avions déjà vécu a fini de nous souder, le père et 
ses trois filles, en un bloc.
J'ai du mal à faire remonter à la surface la douleur de cette période, tant 
elle est encore vive, et les mots me manquent toujours pour décrire cette 
sensation que l'on vous arrache le coeur de la poitrine.
D'autant qu'à la suite, et même imbriquée dans la procédure de divorce, démarra 
l'affaire Demarquet.
Celle-ci se résume d'une phrase : «Jean-Marie Le Pen est un assassin. » C'est 
ce que Jean-Maurice Demarquet déclare le 16 octobre 1985, un an juste après le 
départ de ma mère, dans une interview au journal Le Monde.
Au milieu d'accusations toutes plus ignominieuses les unes que les autres, il 
accuse mon père d'avoir poussé Hubert Lambert à boire jusqu'à ce qu'il devienne 
fou (sic), ce afin de pouvoir récupérer son héritage.
Cette interview parait curieusement la veille du second passage de Le Pen à 
«l'Heure de Vérité ». Le matin même de l'émission, la presse répercute ces 
élucubrations avec complaisance, allant jusqu'à titrer : « Jean-Marie Le Pen a 
assassiné Hubert Lambert. »
Demarquet, lui, est invité de bonne heure sur Europe 1. Complaisamment 
interrogé par Yvan Levaï, qui ne lui opposera aucun rappel à l'ordre au
110
moins sur les termes à défaut du fond, il réitère ses accusations et déclare 
avec élégance : « Le Pen est un gros tas de merde. »
Ce que Demarquet ne dit pas, et ce que nombre de journalistes se gardent bien 
de lui demander, c'est la raison pour laquelle, ayant eu connaissance de ce 
crime ignominieux, il a attendu si longtemps pour le révéler, lui qui était le 
médecin de la victime.
Avec le recul, l'explosion de l'affaire Demarquet me parait surgir à un moment 
qui n'est pas un hasard du calendrier. La campagne des législatives de 1986 se 
profilait à l'horizon, les élections se déroulaient à la proportionnelle, 
ouvrant à coup sûr au Front national le chemin de l'Assemblée nationale. Et 
d'ailleurs, pour la seule et unique fois en vingt ans, le parti envoya en effet 
trente-cinq députés à l'Assemblée. Depuis lors, à chaque élection les 
gouvernements successifs ont soigneusement bidouillé le mode de scrutin et 
torturé en tous sens les circonscriptions de façon à empêcher au troisième 
parti de France, en terme de voix ? ce qu'est le FN aujourd'hui, que cela 
plaise ou non ?, toute possibilité de représentation démocratique au Parlement.
La France est le seul pays où l'on peut arriver deuxième aux élections 
présidentielles et n'avoir aucun député, quand des partis qui culminent péni-
111
blement à 5 % dans les urnes (le PC, par exemple) ont un solide groupe 
parlementaire.
Si l'on offre ainsi une tribune au docteur Demarquet, c'est bien entendu parce 
qu'il est membre du Front national et prétendument très proche de Le Pen. C'est 
à l'usage un individu que nous, la famille, avions pris en détestation parce 
qu'il s'invitait en permanence et ne décollait plus de la maison, de préférence 
à l'heure des repas. C'était ? du moins c'est mon avis rétrospectivement ? un 
être envieux, accroché à Le Pen parce qu'il pensait en tirer une gloire 
quelconque et plus sûrement un mandat.
Car la réalité des faits, c'est que Demarquet espérait une place éligible dans 
les Bouches-du-Rhône. Il rêvait d'un mandat de député, mais mon père lui a 
refusé l'investiture. On peut raisonnablement conclure qu'il a voulu se venger, 
et de la pire des manières, en se déshonorant.
Certes, il sera par la suite lourdement condamné pour diffamation et même radié 
de l'Ordre des médecins, ce qui n'est pas si fréquent. Il n'empêche : au moment 
où il les profère, ses déclarations sont terribles parce qu'elles émanent d'un 
proche et parce qu'elles arrivent après celles déjà peu élogieuses de ma mère !
C'est pour moi beaucoup plus difficile à défendre vis-à-vis de l'extérieur, 
beaucoup plus difficile à
réfuter que les accusations d'adversaires politiques car la parole d'un intime 
est réputée vraie. Dans l'esprit du public, l'équation est simple : il 
fréquente donc il sait, il connaît, donc il dit la vérité.
Et plus on fait partie du cercle restreint, plus ce type de diffamation est 
fréquent, dés lors qu'on est répudié.
Ce qui s'est passé avec Demarquet se reproduira avec d'autres, toujours de 
manière violente, certains ? comme Lorrain de Sainte-Affrique, par exemple 
?devenant même « experts anti-Front national» sur les chaînes du service public.
Jeunes, nous en voulions déjà à notre père de sa trop grande bienveillance. 
Nous lui reprochions ? sans oser lui dire ? de ne pas veiller suffisamment sur 
ceux qui l'entouraient, de ne pas s'appuyer sur des personnes toujours fiables, 
d'ignorer que la trop grande proximité était source de danger. Nous nous 
demandions : pourquoi n'est-il pas plus prudent ? Pourquoi accorde-t-il sa 
confiance aux gens sans contrepartie ? Il donne son amitié, il ouvre sa maison, 
alors qu'il devrait se protéger...
Au fil des années, j'ai compris qu'il pouvait difficilement en être autrement. 
Compris aussi que j'étais moi-même guettée par ce genre de déconvenue, 
notamment parce que la forte charge affective
113
que l'on crée chez certaines personnes porte déjà en germe des trahisons 
violentes.
Car il ne s'agit pas là de trahisons d'intérêt : ce sont presque des amours 
déçues. Or, quand on est un homme politique charismatique, un homme qui 
fonctionne beaucoup sur le terrain affectif comme l'a fait mon père, les gens 
finissent par penser qu'ils ont établi avec vous un lien privilégié que la 
moindre déception transforme en aigreur, en amertume et à terme en haine.
La proximité dans le combat politique conduit souvent à l'amitié et veut être 
payée de retour.
Dés lors, les gens deviennent exigeants puis réclament de plus en plus. Le jour 
ail l'on ne peut ou ne veut accéder à ce qu'ils demandent ? et ce jour vient 
inévitablement ? le refus est vécu comme une blessure amoureuse. Cet engagement 
affectif rend les trahisons vipérines. La trahison est un cri d'abandon qui 
procède du désir de faire du mal à la personne que l'on a aimée.
Cela fait partie du jeu, c'est même je crois, l'un des corollaires de 
l'engagement politique.
Néanmoins, si chacun s'est senti un jour trahi par un ami, une femme, un mari, 
un voisin, chacun ne voit pas son nouvel ennemi le vomir en première page de 
tous les quotidiens, ou déverser sa bile sur toutes les ondes des radios ou à 
la télévision !
114
Ça, c'est le « privilège » de l'homme politique.
 l'évidence, Jean-Maurice Demarquet attendait beaucoup.
Mais à l'affaire Demarquet vient bientôt, dans un enchaînement infernal, 
s'ajouter l'affaire des tortures.
Mon père était un assassin, le voilà maintenant tortionnaire ! Un tortionnaire 
qui aurait passé des années à actionner la gégène en Algérie.
C'est le quotidien Libération qui cette fois sonne l'hallali et un matin, je 
découvre en arrivant au lycée l'affichage du libraire : sa devanture déborde de 
« Le Pen tortionnaire », « Le Pen a du sang sur les mains », « Le Pen a torturé 
».
C'est comme un rouleau compresseur qui avance inexorablement vers moi. Je suis 
glacée de peur sous le choc.
L'affaire de la torture en Algérie fut l'occasion pour mon père, et ce pour la 
première fois je crois, de prendre le temps de me parler seul à seul, de 
m'expliquer longuement ce qui s'était passé dans la réalité et pourquoi cette 
accusation était fausse.
Je pense qu'il se rendait enfin compte que nous, les enfants, étions en 
première ligne.
Les « copains » venaient nous dire : « Est-ce que c'est vrai que ton père a 
assassiné Hubert Lambert? Est-ce que c'est vrai qu'il a torturé des gens en 
Algérie ? » J'étais non seulement victime de question-
115
nements atroces, mais aussi de marques d'agressivité vis-à-vis desquelles je me 
sentais démunie.
Et là on n'était plus dans le domaine politique. La question classique « Le Pen 
est-il raciste ? », que je prenais régulièrement dans la figure, se 
transformait en « Ton père est-il un assassin ? »
Et face à cela, à seize ans, mieux vaut être solide et préparée.
Cette période reste un moment épouvantablement difficile de mon existence, 
d'autant que je n'avais toujours pas de nouvelles de ma mère, sinon par les 
attaques qu'elle proférait dans la presse.
Et puisqu'il faut bien en parler, c'est dans ce contexte qu'est survenue 
l'affaire Playboy.
Qu'on me comprenne bien : jusque-là, tout pouvait arriver puisque nous formions 
un bloc tous les cinq. Ma famille avait été une force, une certitude, une sorte 
de barrière magique contre l'hostilité ambiante.
Je me sentais en sécurité. Mais après le départ de ma mère, je me répétais sans 
cesse : « C'est donc cela, la vie ? On peut rester marié vingt-cinq ans et du 
jour au lendemain renier tout ce qui précède, faire souffrir ses proches de 
cette façon ?»
Le drame, c'est que plus grand-chose ne parait crédible après cela et surtout 
pas l'amour. Comment y croire, en effet, quand une mère est
116
capable un beau jour de disparaître et ne plus jamais donner de nouvelles ? 
Seize ans, c'est l'âge des certitudes, et celles que je m'étais forgées sur le 
couple, l'honnêteté, la vérité, l'amour, la solidarité, la fidélité, tout cela 
avait sauté.
Tout avait explosé.
Souvent à ce moment-là, et c'est terrible, je me disais qu'il aurait mieux valu 
que ma mère disparaisse pour de bon. J'aurais souffert, je l'aurais pleurée, 
mais au moins son image n'aurait pas été souillée. Or là, non seulement elle 
avait disparu et nous laissait sans nouvelles quand j'aurais tout donné pour 
avoir un simple signe d'elle, mais elle continuait à nous faire du mal de 
manière régulière. Ses déclarations récurrentes dans la presse contre mon père 
se transformèrent en effet en articles dans lesquels elle se mit à évoquer 
notre vie privée, à nous ses filles. Elle racontait dans les journaux nos 
secrets, citant même le nom de nos petits copains. C'était affreux.
On la voyait apparaître sur les plateaux de télévision, invitée d'émissions 
dans lesquelles elle venait affirmer des choses terribles. Des choses contre 
lesquelles il était quasiment impossible pour mon père de se défendre, sinon à 
coups de procédures, puisqu'elles émanaient de sa propre femme.
Ce bras de fer insensé a duré finalement des mois,
117
des années, jusqu'à ce que le divorce soit prononcé. Il le fut aux torts 
exclusifs de ma mère. Mais la diffamation, comme toujours, avait laissé des 
traces même si nous savions que toutes ces horreurs (dont elle reconnaît 
aujourd'hui qu'elles furent inventées par pure vengeance) n'avaient pas existé.
Mais le pire, donc, fut atteint avec la parution des photos dans Playboy en 
1987.
Playboy fut la réponse à ce que mon père avait dit dans le magazine Lui. A la 
question « Alors, il paraît que votre femme réclame une pension alimentaire ? 
», il avait répondu, excédé de cette intrusion dans sa vie personnelle : « Si 
elle n'a pas d'argent, elle peut toujours faire des ménages. »
Il est vrai que c'était brutal, vrai aussi que cette brusquerie était en fait 
la marque d'une vraie pudeur. Le Pen est quelqu'un qui peut être tranchant 
quand on l'oblige à dévoiler ses sentiments, comme un timide est souvent abrupt.
Je comprends tout à fait que ma mère en ait été vexée, mais la réponse qu'elle 
a cru devoir apporter à cette remarque a provoqué chez moi un véritable séisme.
J'ai alors dix-neuf ans.
Je suis en faculté de droit. Malgré la carapace derrière laquelle je me 
réfugie, je suis très fragile
,:
118
et sensible à tout ce qui se dit sur nous, malmenée par cet étalage permanent 
de notre vie intime.
Et voilà qu'un jour, arrivant à la maison, mes soeurs me disent : « Maman a 
posé nue dans Playboy. »
Je n'ai plus de voix. C'est pas possible.
Si, c'est possible.
Le magazine est sur la table. Ma soeur tente de s'interposer, elle ne veut pas 
que je voie cela. Il faut pourtant que je sache.
Je regarde, et comme ce n'est réellement pas supportable pour moi, je me dis 
que je vais disparaître. Je vais m'en aller au pôle Nord, construire un igloo 
et y rester jusqu'à ce que les gens aient oublié que ma mère a posé à poil dans 
Playboy avec un tablier de soubrette et un plumeau à la main.
J'ai séché les cours pendant deux semaines, incapable de me rendre à la fac, 
car le plus atroce c'était bien sûr les commentaires, les rires en douce et les 
réflexions graveleuses, comme celle-ci, entendue vingt-cinq fois : «Ah dis 
donc, elle est bien roulée ta mère. »
On avait même publié dans la presse les résultats d'un sondage ? et quel 
sondage ! ? d'où il ressortait que 87 % des gens trouvaient ça «marrant ». Moi, 
le côté rigolo m'avait totalement échappé... Découvrir ma mère dans Playboy, 
c'était aussi ahurissant que
119
d'aller me promener toute nue dans la rue. C'était quelque chose d'invivable, 
réellement invivable.
Tout cela m'est revenu récemment en mémoire, je dois dire, lorsque Paris Match 
a fait sa une sur Cécilia Sarkozy et Richard Attias. Bien que les choses 
n'aient rien de comparable, j'ai en effet eu à maintes reprises une pensée pour 
Louis, le petit garçon de neuf ans des Sarkozy, tant je sais que les paroles 
s'envolent mais que les écrits et les photos nous collent aux semelles toute 
notre existence. La cruauté des gens peut être parfois sans limite.
De ces photos dans Playboy, j'en ai énormément voulu à ma mère car ce fut une 
violence psychologique inouïe qu'elle nous infligea. Une violence multipliée 
par cent en raison de l'écho qu'elle rencontra, comme il fallait s'y attendre.
En 1987, mon père est député, il y a un groupe de trente-cinq élus Front 
national à l'Assemblée. Toute la presse se précipite pour interviewer les 
adversaires politiques qui sont dans la salle des colonnes, goguenards, à 
feuilleter le magazine et faire leurs commentaires machos.
C'était humiliant, avilissant, j'étais mortifiée.
Mais il faut bien continuer à vivre malgré les ricanements, et ça c'était 
vraiment insoutenable. Alors je l'ai exprimé.
Après la publication de ces photos, mes soeurs et
120
moi avons été interviewées dans Paris Match où j'ai eu, je le reconnais, un 
propos très dur, à la mesure de la honte dans laquelle ma mère nous avait tous 
plongés. J'ai dit : « Une mère, c'est un jardin secret, ce n'est pas une 
décharge publique. »
J'ai su plus tard qu'elle avait pris cela comme une gifle phénoménale, qui l'a 
sonnée et a sans doute aggravé les choses entre nous.
Quand je l'ai enfin revue, quinze ans plus tard, elle ne sut d'ailleurs pas 
m'expliquer comment elle avait pu en arriver là.
Je crois qu'en vérité elle ne se l'explique pas elle-même.
Je pense qu'elle avait été emportée dans une espèce de tourbillon, et que prise 
en main par l'homme qui l'avait séduite, elle s'était laissé entraîner et 
manipuler par lui. Au bout d'un moment, il a réussi à la convaincre, et elle a 
fini par se persuader elle-même que nous ne voulions plus la voir, oubliant 
presque que nous étions alors de jeunes filles. J'aurais pu concevoir que mes 
parents se séparent, et hormis le choc initial, cela n'aurait pas pris 
d'importance majeure à mes yeux avec le temps. Mais ce que je ne comprends pas, 
c'est comment elle a pu même supporter de ne pas nous voir.
Dans le cadre de ce procès en divorce, douloureux, tout le monde a été amené à 
témoigner et par
121
conséquent à se positionner autour de mon père, sachant que ce que ma mère 
racontait n'était pas vrai.
Ces témoignages, la lettre où je choisissais d'être à la garde de mon père, ont 
dû lui apparaître comme autant de preuves de rejet. Enfin, j'imagine qu'elle 
était en dépression profonde et que son nouveau compagnon en a tiré profit pour 
la couper de tout ce qui pouvait la rapprocher de son mari et donc en premier 
lieu de ses enfants.
Vingt ans après, ce sont des sujets encore très sensibles, mais je crois 
pouvoir dire avec le recul que cette séparation lui causa des blessures aussi 
vives que les nôtres.
Je suppose qu'à un moment donné elle s'est persuadée qu'elle ne pourrait plus 
faire marche arrière, tout simplement parce que le choix qu'elle avait fait 
n'était pas le bon. Elle aurait pu se séparer de son mari, en effet, divorcer 
de lui, avoir notre garde, toucher une pension alimentaire. On aurait revu 
notre père régulièrement, ils se seraient installés pas trop loin l'un de 
l'autre, et chacun d'entre nous aurait vécu un divorce conventionnel. Être 
allée si loin, si violemment et si cruellement, a fait que personne ne pouvait 
plus revenir en arrière à mesure que les liens se brisaient.
Face à cette brutalité qui lui fut imposée, mon père
122
a réagi par des procès, en poursuivant en diffamation, en défendant ce qu'il 
considérait comme étant son bon droit, son image, son honneur et celui des 
siens.
Elle s'est alors convaincue que nous étions ses ennemis et que nous la 
haïssions.
Ce n'était pas faux, hélas : à un moment donné s'installe cette ambivalence 
étrange entre la haine et l'amour ; la haine contre celui qui vous fait du mal, 
qui fait du mal à ceux que vous aimez, et l'amour profond qu'en même temps vous 
continuez à lui porter.
Ainsi, j'ai réagi à son égard de manière quasi schizophrénique, car je n'avais 
rien vu dans nos relations qui puisse justifier son abandon. On s'adorait, on 
faisait très souvent les courses ensemble, on était complices et je n'avais 
jamais connu tous les petits accrochages qui l'opposaient parfois à mes soeurs 
aînées. Ma vie s'est coupée en deux. Il y a eu ma mère avant son départ et ma 
mère après son départ.
Et autant j'adorais ma mère d'avant son départ, je l'aimais à mourir, autant 
j'ai développé un ressentiment terrible ensuite. Notamment parce que ses 
déclarations interdisaient toute possibilité d'apaisement. L'oubli et le pardon 
ne pouvaient jamais panser nos plaies parce qu'il y avait toujours les
123
piqûres de rappel, jusqu'à celle de Playboy qui fut la plus violente.
Je pense aujourd'hui que la raison de ce combat atroce est profondément ancrée 
dans la relation fusionnelle, très passionnelle, que mes parents ont vécue.
Toute à la destruction de ce lien affectif avec son mari, ma mère a oublié ses 
filles. Elle voulait détruire ce qui avait été et, dans ce combat-là, nous 
n'existions pas.
Elle a pris conscience des ravages qu'elle avait faits en lisant ce papier dans 
Paris Match, moyen pour nous de dire à la face du monde qu'on aimait notre père 
et qu'il n'avait rien fait qui puisse justifier un tel traitement.
Ma mère est partie en éclaboussant la terre entière, et ce qui est malhonnête, 
c'est qu'on en a largement profité pour se livrer à une exploitation politique 
éhontée.
Je regarde aujourd'hui avec amusement les débats autour du thème « Les hommes 
politiques ont-ils droit au respect de leur vie privée ? », car à l'époque, 
personne ne s'est posé la question de savoir s'il fallait oui ou non donner la 
parole à l'ex-femme de Jean-Marie Le Pen, ou s'il fallait faire de la publicité 
à Playboy. Tout le monde tomba d'accord pour le faire, puisque c'était Le Pen !
124
Force est de constater que dans cette tempête-d comme dans tant d'autres, le 
capitaine est resté à la barre sans vaciller. Sûrement très meurtri, bien qu'il 
ne s'en soit jamais plaint, il a fait face à la destruction publique de ses 
vingt-cinq ans de mariage exactement comme il avait tenu bon face aux campagnes 
de dénigrement les plus dures qui l'avaient précédée.
Il fut un roc sur lequel les petites berniques que nous étions restaient 
accrochées contre vents et marées pour se protéger du mauvais temps. Cela n'a 
pourtant pas dû être simple pour lui, dans la pratique, de se retrouver père 
célibataire de trois jeunes femmes dont une adolescente.
« quelle heure je l'autorise à rentrer d'une boum ? », « Combien ça coûte, une 
rentrée scolaire ? », « Est-ce qu'elle peut partir seule en vacances ? » sont 
des questions auxquelles il ne s'était jamais trouvé confronté jusque-là et 
qui, de surcroît, lui étaient posées dans un moment de bouleversement où il 
restait témoin de notre chagrin sans pouvoir le soulager.
Mon père s'est remarié. Son ange gardien, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire 
qu'il était particulièrement efficace, a mis sur son chemin Janny, une femme 
belle, gentille, dotée du courage nécessaire à une épouse d'homme politique.
125
Je n'ai revu ma mère que maman moi-même, quinze ans plus tard.
Élevée dans l'amour, je lui ai aujourd'hui pardonné sans réserve.
Elle avait été durant mes seize premières années une mère fantasque, 
désordonnée mais aimante, puis elle m'avait abandonnée comme un chaton durant 
quinze ans, mais mon amour pour elle, lui, n'avait étrangement pas changé d'un 
iota.
On en reparle peu et c'est mieux comme cela.
Elle a raté nos études, nos premiers pas professionnels, nos chagrins, nos 
joies, nos mariages, la naissance de beaucoup de ses petits-enfants. La 
punition qu'elle s'est elle-même infligée est suffisante. Elle est aujourd'hui 
une grand-mère admirable de dévouement et de gentillesse et nous rattrapons 
toutes deux, autant qu'il est possible, le temps perdu...
126
Chapitre VII
Du point de détail à Carpentras
En 1987 intervient l'affaire.
Quelques mots, extraits d'une phrase prononcée par Le Pen en fin d'émission, le 
13 septembre 19871, allaient en effet déclencher un tollé sans précédent et 
être à l'origine d'un procès, depuis resté célèbre.
Alors qu'il avait été lavé de toutes les accusations portées jusque là contre 
lui, cette affaire valut en effet à Le Pen d'être condamné par la Cour d'appel 
de Versailles, en 1991 au Civil, pour « banalisation de crimes contre 
l'humanité » et « consentement à l'horrible ». Entre-temps avait eu lieu la 
profanation de Carpentras, offrant au gouvernement de l'époque, l'opportunité 
d'une manipulation mise à jour depuis.
1. Le Grand Jury RTL/Le Monde.
127
Ces épisodes ont profondément marqué ma vie et la politique française jusqu'à 
aujourd'hui. Il m'a donc semblé juste d'y consacrer une place particulière.
L'émission arrivait à son terme.
Pris sous le feu roulant des questions, Le Pen avait été vif et efficace.
Au moment de conclure, Olivier Mazerolles le questionne sur la Seconde Guerre 
mondiale et plus précisément sur les chambres à gaz. La suspicion 
d'antisémitisme perçait à l'évidence sous le ton soudain inquisitorial. Mon 
père s'étonne de cette question, éloignée du débat politique qui vient de se 
dérouler à l'antenne. Le journaliste revient à la charge, lui demande s'il 
adhère aux thèses révisionnistes et le somme de répondre. Le Pen le fait en ces 
termes : « Je suis passionné par l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Je 
me pose un certain nombre de questions. Je ne dis pas que les chambres à gaz 
n'ont pas existé. Je n'ai pas pu moi-même en voir. Je n'ai pas étudié 
spécialement la question. Mais je crois que c'est un point de détail de 
l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. »
On a tout dit et tout écrit sur cette réponse, au travers du préjugé antisémite 
qu'on lui avait collé à la peau à des fins politiciennes.
128
J'ai ma propre grille de lecture à ce qui est apparu, au pire comme du 
révisionnisme, au mieux comme une blessante maladresse : sa stupéfiante 
capacité à tout relativiser.
J'ai eu l'occasion, au cours de ce livre, de raconter le nombre incalculable de 
fois où, face à une plainte, un événement même grave, il nous rétorquait : « 
Vous pourriez être nues dans la neige en temps de guerre. »
Il y a en lui cette conscience profondément ancrée que nous sommes peu de chose 
dans un monde immense, quelques années d'une histoire plurimillénaire où les 
drames ont succédé aux drames, les massacres aux massacres ? et il faut bien 
admettre que le sol de notre patrie est gorgé du sang de ceux qui, de guerre en 
révolution, les ont vécues.
Mon père, enfant de la guerre, relativise.
Il instaure dans son esprit une hiérarchie des faits et des événements qui, 
pour être éventuellement comprise, justifierait de longs développements. Faute 
de temps ou faute de goût pour le didactisme, ces développements, il ne les 
livre pas.
Or, nous sommes en des temps d'émotion, de ressenti, de compassion, d'absence 
de recul.
Pour beaucoup, enfants de la paix dont je fais partie, relativiser c'est nier, 
c'est minorer.
Le World Trade Center a fait 2 000 morts, le
129
premier jour de la Bataille de la Somme a fait 60 000 tués et blessés. Le dire, 
c'est relativiser. Sans minorer, sans nier.
Mille fois j'ai entendu mon père relativiser.
Maintes fois ce trait de caractère a été la cause de graves ambiguïtés. Maintes 
fois on a voulu y voir de la dureté quand il n'y avait peut-être que de la 
modestie face à la vie.
Cette fois-là, celle du «détail », il a blessé, il a choqué.
Certains, de mauvaise foi, y ont vu l'intérêt politique de se débarrasser d'un 
adversaire. D'autres ont sincèrement souffert de ce propos.
C'est à eux qu'il s'est adressé deux jours plus tard, lors d'une conférence de 
presse a laquelle un seul média, à l'époque, fit référence et la publia. 
C'était le journal de Philippe Tesson, Le quotidien de Paris.
Des propos qu'il avait tenus ce soir-là, mon père disait :
« Cette réponse était claire et, pour des gens de bonne foi, ne laissait planer 
aucun doute sur ce que je pense du martyre du peuple juif d'Europe par les 
nazis et sur la condamnation que je porte sur ce crime. Négligeant cela, mes 
ennemis, et avec quelle fureur, m'ont fait grief d'avoir dit que les chambres à 
gaz étaient "un détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale", feignant 
de croire que ce
130
mot était employé dans une acception péjorative. (...). J'ai perdu mon père 
"mort pour la France" pendant la guerre, je sais donc le prix du sang et des 
larmes, je compatis à la douleur de tous ceux qui ont vu disparaître des êtres 
chers dans la tourmente.
Je voudrais dire aux juifs français, mes compatriotes qu'on a tenté d'effrayer 
par cette campagne mensongère, que je ne les confonds pas avec ceux qui 
prétendent parler en leur nom. La France a le même amour pour tous ses fils, 
quelles que soient leur race ou leur religion. »
Ces paroles sont, je le pense, très claires.
Mais j'ajoute que j'ai parfois eu personnellement à souffrir de cette tendance 
à relativiser.
Ainsi un jour, interrogé sur sa succession et sur la pseudo compétition entre 
Bruno Gollnisch et moi-même, sur ce qu'il adviendrait lorsqu'il passerait la 
main, mon père a répondu : «Ma succession n'est pas ouverte, d'ailleurs... on 
peut mourir avant son père ou avant son président. »
Là encore ? et moi aussi, j'ai pris cela pour de la dureté ! ?, évoquer 
l'éventualité de la mort de son dauphin est raide, celle de sa propre fille 
incontestablement choquant. Or, il ne s'agissait pas de cela mais du constat 
évident que nous sommes peu de chose entre les mains du destin.
131
Une façon encore de relativiser... Lorsqu'on connaît ce trait profond de son 
caractère, et qu'on le connaît lui, on comprend qu'il n'y a pas derrière cela 
une volonté de blesser, mais un rappel permanent du nécessaire recul que l'on 
doit prendre sur toute chose.
Alors, oui, il a pensé et dit que les chambres à gaz étaient « un détail de 
l'histoire de la Seconde Guerre mondiale », que dans un conflit qui a fait 54 
millions de morts, dont son propre père, la manière dont les gens étaient morts 
était un détail, une partie d'un tout.
En cela, je sais qu'il n'a voulu blesser personne, mais je comprends que 
beaucoup de gens aient été blessés. Tout comme je conçois que certains aient pu 
être heurtés par ses propos sur l'occupation allemande qui n'aurait pas été en 
France « particulièrement inhumaine »... si l'on relativise par rapport à ce 
qu'elle fut en Yougoslavie, en Pologne ou en Russie.
Mais chacun développe sa sensibilité à l'aune de sa propre histoire.
Il y a quelques semaines, je discutais avec un ami vendéen. L'évocation des 
guerres de Vendée lui a mis les larmes aux yeux, ça ne date pourtant pas 
d'hier. Les pieds-noirs parlent du drame de l'Algérie et de l'arrachement à 
leur terre natale avec une boule dans
132
la gorge et toute la tristesse du monde dans le regard.
Il est donc normal que la sensibilité de nos compatriotes juifs soit encore à 
vif concernant le drame concentrationnaire.
Et je pense qu'effectivement il faut, sur ces sujets, faire preuve de beaucoup 
de délicatesse pour ne pas rouvrir d'anciennes mais encore vivaces blessures.
Le déferlement médiatique qui suivit cette « affaire du détail », laquelle a 
encore des répercussions aujourd'hui, a permis à d'aucuns de coller au Front 
national l'étiquette d'antisémite.
On nous a physiquement craché dessus, traité de nazis. Nous étions tous devenus 
des monstres puisque « le ventre de la bête (était) encore fécond ».
Cette accusation est une injustice.
Et lorsqu'on me traite de nazie, c'est pour moi l'incompréhension.
Je ne me suis jamais sentie et ne me sentirai jamais de point commun avec une 
idéologie au nom de laquelle on a envoyé des femmes et des enfants à une mort 
certaine, pas plus que je ne m'en sens avec ceux qui la défendent.
Je ne suis pas naïve. Je peux concevoir qu'on fasse des prisonniers de guerre : 
je peux concevoir qu'on prenne des hommes et les fasse travailler au bénéfice
133
de la force dont ils sont les prisonniers. Ce sont les aléas de la guerre. Mais 
déporter des femmes, des vieillards et des gosses dans le but de les exterminer 
ne peut avoir aucun début de justification et démontre, sans discussion aucune, 
la barbarie absolue de ce système politique.
C'est parce que ce totalitarisme nazi et les horreurs qui l'ont accompagné 
m'étaient insupportables que je suis devenue très jeune anticommuniste.
Je suis née en 68, et le nazisme était vaincu ; mais le communisme, pendant ma 
jeunesse, imposait encore sa terreur dans une immense partie du monde.
Les goulags, le sort de Soljenitsyne, des boat-people de Pol-Pot, les tortures 
et assassinats de populations civiles me révoltaient au plus haut point, comme 
me révoltaient tous ceux, politiques ou intellectuels, qui apportaient à ces 
régimes une aide quelconque ou les justifiaient ? ce que malgré les faits ils 
continuent encore à faire pour certains d'entre eux.
J'ai vécu la chute du Mur, à vingt et un ans, comme une fantastique victoire 
sur la barbarie et la disparition du deuxième grand totalitarisme assassin du 
XXe siècle.
134
Quand je revois tout cela, quand je dévide le fil de ces événements, je mesure 
toute la force de la diabolisation. Comment le Front national, comment mon 
père, comment nous, sa famille, avons-nous pu résister à toutes ces 
accusations, formulées quotidiennement ? Comment avons-nous pu survivre 
politiquement au nombre, à l'intensité, à la violence de toutes ces campagnes ?
Car c'est là où il est utile de revenir sur l'affaire de Carpentras, affaire 
que l'on justifia par celle du détail, et qui fut la plus grande manipulation 
d'état de ces dernières années.
Le 10 mai 1990, soit neuf ans jour pour jour après l'accession de la gauche au 
pouvoir, une nouvelle digne d'un film d'horreur fait la une : trente-quatre 
tombes ont été profanées dans le cimetière juif de Carpentras, et le corps d'un 
vieil homme inhumé depuis quinze jours, Félix Germon, a été déterré. L'émotion 
est immense, en France comme à l'étranger, le respect des morts étant une 
valeur universellement partagée, de tous temps, par tous les hommes de toutes 
les civilisations. Elle grandit encore lorsqu'on annonce que le cadavre a été 
empalé et que cette profanation a été perpétrée immédiatement après le passage 
de Le Pen à «l'Heure de vérité ».
135
Je n'oublierai jamais le choc lorsque, attablée devant mon petit-déjeuner, j'ai 
entendu à la radio : « Le Pen était à "l'Heure de vérité", puis il est allé 
dans le cimetière de Carpentras. » J'en ai vomi mon café.
Commençait déjà à se mettre en place la mécanique visant à établir un lien 
direct entre la prestation télévisuelle de mon père et la mise en scène atroce 
de Carpentras. Afin d'asseoir cette thèse, Pierre Joxe, alors ministre de 
l'Intérieur, se transporta dans le cimetière, et piétinant toutes les preuves 
éventuelles, prit une mine de circonstance et déclara au monde entier qu'il 
connaissait les coupables. C'était « la haine, l'intolérance, le racisme et 
l'antisémitisme ». Puis il déclara la guerre à leur incarnation sur terre. S'il 
ne nomma personne expressément, d'autres le firent à sa place, l'objectif étant 
de désigner clairement le Front national.
Suivant son regard, toute la presse, tous les médias, toute la classe 
politique, toutes les autorités morales, les intellectuels et même le show-biz 
entreprirent contre notre parti politique une campagne de haine et de 
dénigrement sans précédent. Des maires, et en particulier ceux de l'appel de 
Vizille, refusèrent au Front national des salles de réunion. On chassa ses 
représentants des plateaux de télévision oit, déjà, ils apparaissaient fort 
peu. La classe politique se
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demanda s'il ne fallait pas interdire le FN et les partis politiques de droite 
résolurent de l'exclure non seulement de toute alliance, mais de tout débat.
Nos militants furent pourchassés, agressés, vilipendés, certains jetés de leur 
travail, leurs enfants stigmatisés, harcelés, nos familles, nos amis, nos 
sympathisants, nos électeurs traités plus bas que terre.
Ce fut un cauchemar.
L'enquête, pour autant qu'elle fût menée, révéla pourtant que la profanation 
n'avait pas suivi le passage de Le Pen à la télévision, mais l'avait en réalité 
précédée. L'acte remontait au moins à la nuit du 8 au 9 mai. La dépouille 
mortelle de Félix Germon n'avait pas été empalée. Magistrats et policiers 
auraient dû le dire au plus vite. Ils attendirent plusieurs semaines pour le 
faire, sans fournir à cela d'explications convaincantes.
D'un point de vue politique, l'opposition de droite était engagée dans une 
lutte sans pitié pour reconquérir le pouvoir qu'elle avait partagé, puis perdu, 
durant les deux années de cohabitation (1986-1988) du premier mandat de 
Mitterrand. Qu'à cela ne tienne, tout le monde politique se retrouva au coude à 
coude dans la grande manifestation du 14 mai. Pour la première fois dans 
l'histoire de la République, un président en exercice conduisait le
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cortège, marchant devant l'effigie de Le Pen empalée sur une pique. La France 
déifiait aux cris de « Plus jamais ça ! ». Tout ce que le pays compte 
d'autorités morales élevait un mur de protestations contre le retour de la « 
bête immonde » désignée à la vindicte populaire.
Hélas pour la classe politique, malgré un coup de filet gigantesque lancé dans 
les milieux de l'extrême droite, et malgré des recherches orientées uniquement 
dans ce sens, l'enquête ne ramena pas le plus ? petit indice permettant 
d'étayer les certitudes infuses de M. Joxe. Qu'A cela ne tienne, une fois 
encore. Ce n'était pas Le Pen, mais ça « aurait pu» l'être, et c'était au fond 
le principal. Les politiques, Fabius en tête (il était alors président de 
l'Assemblée nationale), développèrent le concept éminemment pratique de « 
responsabilité morale ». Comme disait le slogan : « Le Pen les mots, Carpentras 
l'horreur », justifiant ainsi les appels au meurtre : « Le Pen une balle, le FN 
une rafale ».
Cinq ans plus tard, la piste bruyamment indiquée par Pierre Joxe était 
abandonnée de manière définitive. De nouvelles recherches mettaient en cause 
des jeunes du cru, confirmant les rumeurs dont bruissait Carpentras depuis le 
début de l'affaire. L'avocat de la famille Germon parla de « mensonge d'État ».
De fait, la conclusion de cette affaire fut pour le
138
moins étrange puisque l'auteur principal fut écrasé par un chauffard que l'on 
retrouva lui-même noyé dans le Rhône, un parpaing de ciment aux pieds.
Les accusations contre le Front national emplirent des milliers de pages, 
occupèrent des centaines d'heures d'antenne. La condamnation des véritables 
coupables et donc la mise hors de cause du Front national n'occupa, elle, en 
revanche, que quelques lignes dans les journaux. à quoi bon laver l'honneur du 
FN?
Dans l'esprit public, Carpentras = FN.
À jamais.
Quoique...
Je refuse de ressasser sans cesse ces injustices. Je veux me tourner résolument 
vers l'avenir.
L'avenir, c'est là que s'exerce notre responsabilité, là que j'inscris la 
mienne. Or, l'un des dangereux travers de la société française est sa 
propension suicidaire à vouloir mener aujourd'hui les batailles d'hier, ce qui 
a pour effet d'obérer totalement son avenir.
Quinze ans après, on peut affirmer que ce qui s'est joué avec Le Pen autour de 
l'affaire du détail, puis avec la manipulation de Carpentras, a été dramatique 
pour la France.
En se trompant d'ennemi, en agitant devant la
139
nation le fantasme du « nouvel Hitler », en stigmatisant Jean-Marie Le Pen et 
le parti qu'il a fondé, un certain nombre d'associations et d'hommes politiques 
ont voulu, et pour un temps réussi, à détourner les Français d'une réalité 
sociologique et économique désastreuse et autrement plus inquiétante pour leur 
avenir.
Ils portent en cela une immense responsabilité, celle d'avoir fait perdre à 
notre pays de nombreuses années à lutter, tel Don Quichotte, contre un ennemi 
imaginaire.
140
Chapitre VIII En robe noire
Mes années de fac furent des années de bachotage acharné. Suivant une maxime 
faite maison que je m'appliquais consciencieusement, « On peut se la couler 
douce mais on n'a pas le droit de rater ses examens ! »
L'idée de redoubler signifiait pour moi perdre du temps et je n'envisageais pas 
une seconde de dilapider une année dans le cadre d'études que je trouvais assez 
longues comme cela.
J'enviais mes copines qui, ayant choisi d'autres voies comme médecine, 
faisaient leurs études en étant salariées. Je dépendais quant à moi de l'argent 
de poche que me donnait mon père et qui couvrait au plus l'essence mensuelle de 
ma vieille R5 et ma consommation, sans modération, je le confesse, de 
cigarettes.
141
J'aurais pu travailler pendant mes études me direz-vous. Certes, mais malgré ma 
jeunesse, j'avais conscience que ces années de dilettantisme seraient 
probablement les dernières de mon existence, ce qui se révéla entièrement exact.
Ainsi, chaque session d'examens me voyait levée à 6 heures du matin et 
travaillant avec une rigueur militaire jusqu'à 18 heures durant les quelques 
semaines qui les précédaient. Le reste du temps je n'étais pas débordée et 
prenais plaisir à aller traîner dans les couloirs de l'Assemblée nationale où 
le Front national avait un groupe de trente-cinq députés et où, je l'admets 
aujourd'hui, mon activité préférée, par temps de neige, consistait à regarder 
par la fenêtre les députés se prendre des gamelles mémorables dans la cour 
pavée de cette vénérable institution.
Rien de très politique... !
Ce régime me permit de passer ma maîtrise avec une mention « assez bien », pas 
aussi glorieuse que son intitulé, mais dont j'étais à l'époque fière.
Les choses sérieuses, comme on dit aux enfants à tous les stades de leur vie 
scolaire puis universitaire, commençaient.
Il fallait à tout prix entrer au CFPA (Centre de formation professionnelle des 
avocats), l'école de formation des avocats qui, compte tenu de ce que
142
cette dernière coûte aux barreaux par an et par élève, était sanctionnée par un 
examen beaucoup plus difficile à l'entrée qu'A la sortie.
Affligée depuis ma plus tendre enfance de l'appréciation récurrente « meilleure 
à l'oral qu'A l'écrit», j'entrai à l'école d'avocats avec un écrit médiocre et 
un superbe 16/20 au «grand oral».
Je m'inscrivis cette année-là, et parallèlement A l'école d'avocat, en 3e 
cycle, en DEA de droit pénal.
Cette année 1991 rue de Charenton, près de la Bastille, fut riche en travail ? 
ce qui me changeait de la fac ?, en acquisition de savoir, en contraventions 
attrapées dans ce quartier ingarable, en amitiés aussi, de celles que l'on se 
forge pour la vie.
Toucher enfin du doigt le monde du travail, voir des « vrais avocats », des « 
vrais juges », aller dans un « vrai tribunal » me donnait passionnément envie 
d'en finir et de bosser dans la vie réelle.
C'est pourquoi lorsque plus tard, mon DEA et mon CAPA (Certificat d'aptitude A 
la profession d'avocat) en poche, mon père plaida pour que je m'inscrive en 
doctorat, je refusai net.
Il fut un peu interloqué de ce refus, mais c'était exactement comme s'il 
m'avait proposé de passer trois ans à la Santé ! L'idée de redevenir un rat de 
bibliothèque afin de présenter une thèse obscure pour obtenir un titre qui à 
mes yeux ne servait â
143
rien me révulsait. Je voulais travailler, gagner ma vie, devenir autonome.
Cette année de CFPA fut, comme je le disais, un bouleversement. J'y appris plus 
en un an qu'en trois ans de fac, dans une ambiance dont j'ai encore parfois la 
nostalgie.
L'emploi du temps y était très chargé et j'adorais cette sorte de vie en 
communauté, entourée d'une bande d'amis sympas, sincères, et il faut bien 
l'avouer, assez gais lurons. Les bandes d'amis, « celle des vacances », « celle 
du lycée », « celle du barreau » ou « celle du Front », seront d'ailleurs au 
cours de ma vie autant de remparts contre les regards ou les paroles hostiles, 
un cocon où j'adorais me fondre dans l'anonymat du groupe, protégée par 
l'invisible mur de l'amitié et la solidarité naturelle qui en découle. Les 
bandes, c'était une petite famille à côté de la mienne, où il était plus facile 
de se laisser aller à l'insouciance car mon identité y devenait anecdotique. 
Mes « bandes » d'amis m'auront au long de ma vie adouci bien des peines, 
consolé bien des chagrins, préservé bien des espaces de tranquillité et de 
bonheur. 1991 fut de surcroît une année sans élection, ce qui contribua aussi à 
mon bonheur, en minimisant les risques de médiatiques « carpet bombing », façon 
Carpentras.
144
Au titre des nombreux stages (chez un avocat, chez un huissier...) que nous 
devions effectuer durant cette année de formation, j'atterris à la 12e section 
du parquet pour quinze jours.
La 12e correspond au parquet des mineurs, mineurs victimes ou mineurs auteurs, 
en substance tout ce que notre société peut engendrer de malheur. Ce furent là 
quinze jours d'une grande émotion.
Prise sous l'aile d'une magistrate étonnante, fan de Lénine dont elle avait un 
buste sur son bureau ? ce qui n'avait aucune conséquence fâcheuse sur son 
travail, dénué d'a priori ? j'accédais grâce à elle au secret de dossiers plus 
sordides les uns que les autres, qui me voyaient rentrer à la maison le coeur 
en miettes.
Inceste, maltraitance, placement de foyer en foyer, gamins assis sur des 
plaques chauffantes, rien ne me fut épargné et tant mieux.
Quand on a eu accès à ces histoires, nos chagrins et nos problèmes paraissent 
dérisoires au regard de si dramatiques destins, engendrés par la bêtise et 
l'inhumanité.
Je n'arrive toujours pas à comprendre, encore aujourd'hui, par quelle idéologie 
criminelle qui privilégie à tout prix les liens du sang, on persiste à rendre 
ces enfants inadoptables sous prétexte que
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leurs parents alcooliques, tortionnaires ou drogués maltraitants, veulent les 
voir une fois par an !
On a beaucoup moins de mauvaise conscience lorsqu'il s'agit de retirer un 
animal à un mauvais maître.
L'enfant, lui, est laissé pour des énièmes tentatives à des bourreaux qui, à 
défaut de pouvoir à leur gré lui détruire le corps, ce qui est parfois le cas, 
lui détruisent à coup sûr le coeur et peut-être l'âme. Dans ce domaine, comme 
dans tant d'autres, le bon sens devrait prévaloir et la société protéger les 
plus faibles, à n'importe quel prix.
J'eus le privilège, grâce à l'équipe de la 12e section, très majoritairement de 
gauche et, je dois l'admettre, très majoritairement sympathique, de visiter le 
dépôt. Les avocats et a fortiori les stagiaires y sont bannis et peu ont dû 
avoir cette chance, si je peux m'exprimer ainsi. Ce que je vis là-bas me 
révolta et me révolte encore.
La souricière, comme on l'appelle au Palais de justice, porte bien son nom.
C'est immonde. Sale, noir, moche, dégradé, voilà une succession de cachots ? il 
n'y a pas d'autre terme ? noirâtres, où s'entassent les suspects de toutes 
sortes d'infractions, des délits les plus bénins aux crimes les plus fous, sans 
distinction aucune. C'est un cauchemar pour ceux qui y échouent mais
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aussi pour ceux qui y travaillent, condamnés à la crasse et au sordide des 
lieux.
Le cachot des mineurs laisse apparaître une vitre opaque tant elle est vétuste, 
dérisoire protection à la suite d'un suicide qui s'y produisit.
L'existence même de cet endroit et le stage d'une semaine que je fis ensuite la 
même année, à la Maison d'arrêt de Bois d'Arcy, reste pour moi beaucoup plus 
instructif qu'un long discours.
Notre courant de pensée incarnerait, dit-on, l'option du « tout répressif », 
vitupérant les prisons quatre étoiles oû les délinquants logés, nourris, 
blanchis, se prélasseraient devant Canal +...
N'en déplaise aux caricaturistes, la réalité est tout autre. Je n'ai certes pas 
fait l'expérience de la privation de liberté. Je garde néanmoins l'impression 
fugitive d'un stage de quelques jours où j'entrais dans la prison le matin et 
ressortais l'après-midi. La sensation que donnent les lourdes portes 
lorsqu'elles se verrouillent derrière vous est glaçante. L'horizon limité par 
des barreaux est une expérience bouleversante à laquelle devraient être soumis 
tous les élèves magistrats.
Je n'ai pas de compassion particulière à l'égard des délinquants et des 
criminels. J'en ai davantage et plus spontanément pour les victimes ; mais la 
privation de liberté est une peine en soi, bien plus éprouvante
147
qu'on ne le pense. Ce qui est inadmissible dans notre système carcéral, c'est 
que ce n'est pas la seule peine. On peut, on doit priver de sa liberté un homme 
ou une femme qui enfreint les lois de notre société et lui porte tort, mais on 
ne doit le condamner qu'A cette privation de liberté. Pas le condamner A vivre 
avec d'autres, entassés à six dans des cellules de deux ou quatre, pas lui 
imposer les maltraitances, l'absence d'hygiène et d'intimité qu'entraîne la 
surpopulation carcérale, pas le condamner à la peur, au viol, aux coups, au 
racket. C'est une question d'honneur.
Les gouvernements, en refusant de voir la réalité en face, en niant l'explosion 
de la délinquance et de la criminalité dans notre pays depuis plus de vingt 
ans, n'ont pas pris les mesures nécessaires. Ils n'ont pas construit de prisons 
supplémentaires, ont refusé d'entendre les appels au secours des personnels 
pénitentiaires. Ceux-ci, en sous -effectif permanent, doivent au prix de leur 
sécurité gérer des effectifs pléthoriques dans des conditions déshonorantes 
pour notre pays.
Aux États-Unis, il y a 2 millions de places en
prison pour 260 millions d'habitants ; en France, 55 000 pour 60 millions 
d'habitants. Nous en avons donc, proportionnellement, dix fois moins. Ceci a 
des conséquences en chaîne, pas uniquement
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liées aux conditions déplorables que je viens d'exposer. Une proportion 
inadmissible de peines de prison n'est jamais exécutée, faute de place. Les 
magistrats ne prononcent plus ces peines qui seraient pourtant justifiées, 
informés qu'ils sont de cette situation, dégradée d'année en année, et ce au 
grand dam des victimes qui subissent cela comme une agression supplémentaire. 
Quel crédit peut avoir une justice qui a le choix entre ne pas condamner, 
condamner et ne pas être appliquée, et condamner à plus qu'il n'est nécessaire 
parce que la privation de liberté n'est pas la seule peine qui attend les 
condamnés en prison ?
Une fois encore, pourquoi nos gouvernants sont-ils pathologiquement incapables 
de prévoir ? Pourquoi sont-ils si aptes à donner des leçons de « droits de 
l'homme » au monde entier en fermant les yeux sur des scandales aussi patents ? 
Pourquoi la paille est-elle ici si visible et la poutre si discrète ?
De fait, plus je m'en approche, plus j'aime à l'avance ce métier d'avocat. La 
cause est belle et juste, et en ne l'exerçant pas encore, je vis cette année 
d'apprentissage dans le rêve, l'héroïsme de la défense de la veuve et de 
l'orphelin. La réalité s'avérera un peu moins rose...
Je suis émue aux larmes un jour où, décidant de suivre en spectateur un procès 
aux assises, j'entends
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plaider Me Forster. C'est un grand avocat, et lorsqu'après deux heures de 
plaidoirie je le vois se rasseoir, les yeux clos de fatigue, en sueur, je sais 
que c'est là que je veux aller. Je veux plaider devant ce jury populaire au 
moins une fois.
Je lui laisserai à l'issue de cette audience un petit mot dans son casier qui 
disait, de mémoire « C'est grâce à des avocats comme vous que naissent les 
vocations... » Il aura la gentillesse de venir me féliciter quelques mois plus 
tard, à l'issue d'un concours d'éloquence. Un concours d'éloquence qui sera ma 
première frayeur professionnelle... Pas la dernière.
Nous étions six, choisis sur la base d'un texte que nous avions rédigé et qui 
devait répondre à la question : «Maître, comment pouvez-vous défendre d'aussi 
horribles assassins ? » Vaste question, en effet !
Le concours consistait donc en un procès factice, bien sûr, mais qui devait se 
dérouler comme un vrai, dans les locaux très impressionnants de la cour 
d'assises de Paris. Il s'agissait en l'occurrence de juger Charles IX pour deux 
chefs d'inculpation : crime contre l'humanité en raison, bien sûr, de la 
Saint-Barthélemy, et tapage nocturne pour avoir fait sonner nuitamment les 
cloches de Saint-Germain l'Auxerrois ? ce second motif étant évidemment un 
trait d'humour.
Pour l'occasion, nous devions plaider en public.
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On nous avait même prêté une robe d'avocat à chacun. Le jour venu, j'ai cru ne 
jamais parvenir à prononcer un mot tant j'avais le trac.
L'un de mes compagnons dans cette galère était Mario Stasi, fils du bâtonnier 
et aujourd'hui responsable UDF, avec qui j'ai partagé la deuxième place du 
concours derrière Pascale, une de mes amies qui l'avait bien méritée.
J'aime alors infiniment ce que je fais, je ne suis pas un mauvais élément, et 
c'est ainsi qu'en janvier 1992, entourée de mes copains et copines de promo, je 
prête serment à la cour d'appel de Paris. Toute ma famille est là et l'AFP me 
fait même la grâce d'une dépêche pour évoquer l'événement.
Inutile de dire que l'arrivée de la fille Le Pen au barreau ne passa pas 
inaperçue et que les avocats installés ne se pressèrent pas au portillon pour 
embaucher une stagiaire aussi voyante.
C'est donc chez Georges-Paul Wagner, un ami de mon père et accessoirement son 
défenseur, que je commençai ma carrière.
Cette famille d'avocats de père et mère, en fils, m'accueillit donc dans son 
vaste cabinet, avenue de la Grande Armée. J'avais somme toute beaucoup de 
chance. Georges-Paul, depuis à la retraite, était un homme d'une culture 
encyclopédique et en même
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temps d'une gentillesse rare. Il était de surcroît un ancien membre du Conseil 
de l'ordre, très respecté pour sa courtoisie et sa droiture et reconnu 
unanimement par ses pairs.
J'ai beaucoup appris auprès de lui et de son fils François, et en premier lieu 
hélas, que tous les avocats n'étaient pas à leur image et de leur trempe... Au 
barreau, on a coutume de dire, non sans raison : « La confraternité, cette 
haine vigilante. »
J'arrivais pourtant fraîche émoulue de l'école d'avocats, la tête farcie de 
grands principes sur la justice, la déontologie, sur le fait que, comme l'on 
dit, « sous la robe, il n'y a ni sexe ni âge », que le respect entre avocats 
est sacré, et tutti quanti.
Je commençai donc à plaider d'abord devant les tribunaux d'instance et puis 
rapidement, grâce à la confiance des Wagner, devant des juridictions plus 
importantes. Parallèlement, et comme j'adorais le droit pénal, je me plongeai 
dans les dossiers de droit de la presse de mon père et du FN que plaidait mon 
patron, et je m'inscrivis comme volontaire aux comparutions immédiates.
Les comparutions immédiates, de quoi s'agit-il au juste ? Les prévenus y sont 
jugés selon une procédure d'urgence et ont alors des avocats commis d'office, 
payés chichement par l'État. C'est une tâche épui-
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sante. On doit défendre parfois jusqu'à vingt prévenus et l'on finit souvent 
très tard dans la nuit. C'est une sévère école du droit, de la nature humaine, 
une école d'endurance. Y sont jugés, à quelques exceptions près, presque 
uniquement des immigrés en situation irrégulière.
Je n'y voyais, pour ma part, aucun caractère contradictoire avec les 
convictions politiques qui étaient les miennes. Je pensais, et je pense 
toujours, que si l'immigration doit être combattue à raison de ses conséquences 
néfastes en termes d'identité nationale et de son lourd retentissement sur le 
plan économique et social, les immigrés quant à eux doivent être correctement 
traités et ont, comme tout le monde, droit à un avocat pour les défendre.
Après tout, une fois encore, les responsables sont les politiques qui les ont 
fait venir ou les maintiennent par laxisme sur le territoire.
Je plaidais donc par devoir, par principe, avec honnêteté, et je crois que les 
juges ainsi que mes confrères présents aux audiences s'accordaient à dire que 
l'on ne pouvait me reprocher aucun manquement à mon serment.
Malgré cela, le bâtonnier reçut une délégation de jeunes avocats venus lui 
demander de m'interdire de plaider à la 23e chambre ? celle des comparutions
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immédiates ? parce qu'il était, disaient-ils, « honteux que la fille Le Pen 
défende des immigrés ».
C'était sans doute les mêmes qui, lorsque j'arrivais I la buvette du Palais, se 
levaient avec leur assiette pour s'installer plus loin, de peur probablement 
d'être atteints par je ne sais quelle contagion virale.
Le bâtonnier, pour ce que j'en sais, les envoya très confraternellement sur les 
roses.
À la suite d'un de ces procès où je défendais des immigrés, quelques voix 
s'élevèrent aussi au Front national pour regretter (déjà !) un tel manquement à 
«l'orthodoxie du parti »...
Non seulement mon père ne me le reprocha pas, mais il me félicita d'avoir su 
faire la différence entre le combat que l'on peut mener contre une politique 
imbécile et la défense légitime à laquelle a droit tout individu, quel qu'il 
soit.
J'aurais aimé qu'il soit défendu, lui aussi, par certains de ses amis, mais la 
pression les poussait souvent au reniement... Ainsi Jean-Edern Hallier, l'homme 
tellement « écouté » par Mitterrand. Voisin du cabinet où je travaillais, 
avenue de la Grande Armée, il m'arrivait régulièrement de boire un café avec 
lui au bar tabac du coin. Nous nous étions rencontrés à La Trinité où, en 
voisin breton cette fois, il était venu nous rendre visite.
J'aimais bien Jean-Edern et je crois qu'il me le
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rendait. Personnage talentueux et extravagant, il alternait les phases 
d'euphorie (où il pensait pouvoir changer le monde à lui tout seul) et les 
phases de profond désespoir où il se plaignait de sa situation d'écrivain 
maudit persécuté par le pouvoir. Comme on le sait aujourd'hui, au terme du 
procès des écoutes de l'Élysée, il y avait malheureusement du vrai dans ses 
soupçons.
Néanmoins, cela ne pouvait justifier à mes yeux l'interview qu'il avait 
accordée à Paris Match, et au sujet de laquelle nous avons eu un jour une 
violente mise au point.
Cette interview paraissait quelque temps après une période difficile pour lui. 
En raison d'une déclaration dont je n'ai plus le souvenir précis, tout le monde 
lui était tombé sur le dos. Mon père avait été l'un des seuls à l'accueillir 
encore à sa table et l'avait, au passage, dépanné financièrement. Bien entendu, 
son acte généreux, Le Pen ne le raconta jamais, n'ayant pas l'habitude de 
mettre son coeur en bandoulière.
Et voilà que quelques semaines plus tard, interrogé sur le fait de savoir si 
Jean-Marie Le Pen était un de ses amis, Jean-Edern répond : « Je ne le connais 
pas. »
Je ne m'habituerai jamais à cela !
J'avais donc écrit à Jean-Edern une lettre très dure où je lui rappelais que la 
droiture et la fidélité sont
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des qualités supérieures à toutes et que cette réponse fausse à Paris Match 
constituait le summum de la lâcheté. S'ensuivit une conversation téléphonique 
homérique que je regrette aujourd'hui.
Il était penaud. Il savait qu'il m'avait blessée, qu'il avait tort, mais il se 
justifiait par l'incroyable pression qui pesait sur lui et la diabolisation 
dont mon père faisait l'objet. J'étais mieux placée que quiconque pour savoir 
ce qu'il en était, mais sur le moment j'eus beaucoup de mal à lui pardonner. Je 
l'ai fait plus tard.
En forme de clin d'oeil, il avait dit un jour, sur une radio : « Marine Le Pen, 
elle est tellement bien qu'elle mériterait d'être de gauche ! » Dans son 
esprit, c'était un compliment... !
Sur le plan professionnel, j'eus l'occasion de connaître de grands dossiers, 
telle l'affaire du sang contaminé qui s'ouvrit au printemps 1992. Georges-Paul 
Wagner était en effet l'avocat de l'Association des Polytransfusés dirigée par 
M. Peron-Garvanoff.
Le cabinet allait, à ce titre, se porter partie civile dans ce procès prévu 
pour se dérouler sur sept semaines.
Georges-Paul me demanda donc, en qualité de collaboratrice, d'effectuer la 
permanence aux audiences.
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Celles-ci se tenaient tous les jours dans la petite salle de la 17e chambre, 
dans des conditions extrêmement pénibles. Il y régnait une chaleur épouvantable 
et les parties civiles, malades, souffraient non seulement de ce qu'elles 
entendaient mais aussi des conditions tout à fait déplorables dans lesquelles 
la justice avait organisé ce procès.
La dignité de ces parties face à l'horreur de la situation est une leçon que je 
retiendrai à jamais.
Comme souvent, le verdict ne fut pas à la hauteur du scandale qu'a représenté 
l'injection volontaire, pour des raisons strictement mercantiles, d'un produit 
que l'on savait contaminé par un virus mortel à plus ou moins longue échéance. 
Comme souvent, là encore, les politiques et les grands corps de l'État furent 
épargnés alors que tous portaient dans cette affaire une terrible et durable 
responsabilité.
 côté de ces moments difficiles, il y en eut d'autres aussi d'un total 
surréalisme, ma filiation semant le trouble d'une manière parfois inattendue.
Ainsi, un soir de février 1992 ? j'ai alors un mois d'exercice ? Georges-Paul 
m'envoie assister une jeune hôtesse de l'air. Elle avait mon âge et elle avait 
été violée à son domicile. J'étais pétrifiée. C'était le soir, il faisait nuit 
et surtout, c'était ma première instruction. Le juge était lui aussi gêné et
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confus. Manifestement, le test ADN effectué sur l'inculpé qu'elle avait 
formellement reconnu, ne permettait pas d'établir sa culpabilité.
L'ambiance était triste et lourde, ma cliente terrorisée ne comprenait pas ce 
que disait le juge et moi guère plus. Celui qui avait été arrêté était-il en 
fait innocent ? Les tests étaient-ils muets ?
Au milieu de son exposé, le juge s'arrête et me demande : « Vous êtes ? » Je 
lui réponds : « Maître Le Pen, je substitue Me Wagner. » Il reprend alors, 
s'adressant à ma cliente : « Bon, en résumé Mademoiselle, on ne peut pas dire 
que le sperme que l'on a retrouvé dans votre culotte est celui de... M. Le Pen. 
»
Aussitôt il rougit, bredouille « Oh, pardon ! », et nous partons alors, ma 
cliente et moi, d'un irrépressible fou rire, lié sûrement autant à la tension 
extrême qui régnait dans le cabinet du juge qu'à son incroyable lapsus. La 
greffière, elle aussi, pleurait de rire sur sa machine. Je réussis à reprendre 
mon souffle et glisse : « Je crois que pour une fois il n'y était pour rien », 
et nous voilà reparties à rire de plus belle. Il nous faudra d'ailleurs de 
longues minutes pour retrouver notre calme.
Au moment de partir, le juge d'instruction me dit seulement : « Maître, je 
voudrais vous voir dans mon bureau. »
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Je n'en mène pas large, me demandant quelle sottise j'ai pu commettre.
Il fait donc sortir ma cliente, ferme la porte et éclate à son tour de rire, me 
disant : « Je vous en supplie, ne racontez cela à personne ! Je suis navré, 
désolé. Je ne pensais pas du tout à votre cliente, j'étais en train de me dire 
: est-ce que ça n'est pas la fille de Jean-Marie Le Pen ? » Le lendemain, il 
m'adressait au cabinet un énorme bouquet de roses.
J'ai plaidé cette affaire de viol devant la cour d'assises et je garde un 
souvenir affectueux de cette jeune fille si courageuse. Le violeur, lui, a pris 
sept ans.
Après deux années passées au cabinet de Georges-Paul Wagner, j'éprouve alors 
une furieuse envie de partir, pour une raison simple : j'ai envie de devenir 
mon seul et unique patron. En cela, j'avais véritablement je crois, l'âme d'un 
avocat avec le désir d'être libre de choisir mes dossiers, de développer mes 
arguments, de décider des causes que j'entendais défendre.
C'est évidemment pure folie. Je ne possède qu'une toute petite clientèle 
personnelle et il va falloir que je paye toutes les charges liées à mon 
activité professionnelle : location des locaux, taxes diverses et variées, 
tenue d'un secrétariat, etc. Tant pis !
Je me lance dans le vide et dans l'aventure de
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l'installation, ignorante en partie des risques qui y étaient liés.
La première difficulté : trouver une association avec un ou une partenaire. 
Elle sera insurmontable.
Personne ne voulait s'associer avec Marine Le Pen : c'était tout bonnement 
envisagé comme un suicide professionnel.
Malgré l'amitié que me portaient certains et les compétences que d'autres me 
reconnaissaient, l'équation était mortifère.
Ceux qui faisaient du droit de la presse le faisaient pour des journaux dont 
aucun n'aurait voulu que leur avocat soit associé par un biais quelconque à Le 
Pen. Ceux qui faisaient du droit des affaires m'expliquaient que leurs clients 
? même proches de nos idées ? ne prendraient jamais le risque de perdre un 
procès d'affaire à raison de l'hostilité d'un magistrat envers les options 
politiques que je représentais.
Il en était de même, d'ailleurs, des baux commerciaux, du droit international 
et même de simple divorce, un ami m'ayant avoué un jour qu'il avait renoncé à 
me prendre comme avocat, de peur que sa femme ne s'en serve comme argument en 
plaidant qu'il était « un ignoble facho », pour mieux lui refuser un droit de 
visite sur ses enfants.
Je me retrouvais une fois encore confrontée à l'exclusion, professionnelle 
cette fois, générée par
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mon seul nom. J'avais déjà vécu cela au moment d'entreprendre des études. En 
effet, contrairement aux autres, la question n'était pas pour moi : « Qu'est-ce 
que je peux faire ?» mais : « Qu'est-ce qu'on va me laisser faire ? », « 
Qu'est-ce qui m'est autorisé ?»
Je savais très bien que je ne pourrais être ni journaliste, ni magistrat, ni 
commissaire de police, ni plein d'autres choses, l'eussé-je souhaité.
J'avais donc pris la voie du droit, mais elle représentait elle aussi un 
cul-de-sac dans la mesure où toute association s'avérait à l'usage impossible. 
J'étais donc contrainte de choisir l'option du cabinet groupé, où l'on 
sous-loue en quelque sorte un bureau en partageant les frais, mais sans 
partager les affaires et le nom de la structure.
Et même cela, ça n'était pas gagné !
Ma route me fit croiser celle de Sylvain Garant, avocat qui ne manquait certes 
pas d'originalité, mais ne manquait pas non plus de courage et qui, à ce titre, 
me loua une pièce rue Logelbach. J'y resterai deux ans.
Le plus drôle, c'est que mon confrère Garant ayant fréquenté assidûment les 
milieux RPR, je croisais régulièrement dans les couloirs tel ou tel député qui 
me regardait avec des yeux comme des soucoupes !
161
Je m'étais rapidement liée d'amitié avec ses collaborateurs, nous étions du 
même âge. Tant bien que mal je m'en sortais. J'avais un volant d'affaires assez 
éclectique qui me permettait de vivre, certes pas luxueusement, mais enfin 
j'avais compris, à l'époque, qu'il y a 10% d'avocats riches et 90% qui tirent 
le diable par la queue, surtout en région parisienne.
Je plaidais de temps en temps pour le Front national ou pour des militants qui 
venaient me trouver pour une affaire personnelle, mais je ne réussis jamais 
vraiment à vaincre la réticence que créait le risque de mon nom associé à des 
dossiers «rentables » dans l'esprit de mes clients potentiels.
Marine Le Pen avait la réputation, précédée aussi par celle de son père, d'être 
tenace, courageuse, combative. On avait donc tendance à me confier des dossiers 
soit déjà perdus devant d'autres juridictions, soit gagnables, mais au prix de 
combats judiciaires titanesques. Je les acceptais par principe mais aussi, on 
l'aura compris, par nécessité.
C'est à cette époque que je fis la connaissance d'Antoine Gaudino, un ami de 
Sylvain qui venait fréquemment au cabinet. Il s'était fait connaître lorsque, 
commissaire de police, il avait fait sortir à grands risques l'affaire 
Urba-Graco.
Antoine ne partageait pas mes idées politiques, mais il avait trouvé 
sympathique la jeune avocate que
162
j'étais, éprise comme lui de justice et scandalisée par la corruption qui 
gangrenait les différentes sphères du pouvoir. à cette époque, son nouveau 
cheval de bataille ? que j'enfourchais avec enthousiasme ? était la corruption 
dans les tribunaux de commerce. Bien avant que Montebourg ne s'y intéresse, 
nous fines sur ce sujet des conférences en commun et quelques procès aussi, 
étant devenue moi-même l'avocate d'un certain nombre de victimes.
Il n'est d'injustice plus ignoble que celle commise au nom de la justice. Or, 
un trop grand nombre de cas faisait apparaître des manoeuvres dans certains 
tribunaux de commerce où des magistrats, en cheville avec des mandataires 
liquidateurs, dépeçaient purement et simplement des petites ou moyennes 
entreprises à leur bénéfice personnel ou au bénéfice de leurs proches, femme, 
maîtresse, enfants ou amis.
Le désespoir de ces petits chefs d'entreprises qui voyaient détruit le travail 
d'une vie pour satisfaire l'avidité de ceux qui auraient dû les aider m'était 
insupportable.
C'était, dans ce cas comme dans tant d'autres, la bataille du pot de terre 
contre le pot de fer ; mais nous la menâmes avec persévérance. Cela pour 
s'apercevoir, hélas, que seule une modification profonde de ces institutions 
pourrait assainir ce domaine.
Nous avions en commun, Antoine et moi, notre
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détestation viscérale de l'injustice et un respect profond pour l'honnêteté. 
Nous n'avons pas eu l'occasion d'en reparler depuis cette époque, mais je pense 
que ces deux traits de caractère sont encore le moteur de sa nouvelle activité 
d'audit d'entreprise, comme ils sont le mien, je m'y applique en tout cas, dans 
mon combat politique.
Quant à mon père, loin de sauter sur l'occasion d'avoir une fille avocate pour 
lui transmettre les dossiers du Front national, il ne me les confiait au 
contraire qu'au compte-gouttes.
Il entendait juger sur pièces, bien loin là encore, de la caricature népotique 
à laquelle on veut trop souvent le réduire.
Il se trouve que je ne m'en sortais pas trop mal, et ayant déménagé mon cabinet 
dans de nouveaux locaux rue de la Neva, je plaidais de plus en plus souvent 
pour le FN et ses responsables. Dossiers de diffamation ou d'injures qui me 
faisaient côtoyer le gratin du barreau à la barre de la 17 chambre 
correctionnelle de Paris, mais aussi beaucoup d'autres affaires plus... 
sportives.
C'est ainsi que j'eus l'occasion de plaider l'affaire de ces jeunes militants 
du Front national qui avaient envahi les locaux de Fun Radio de manière 
pacifique et contre qui le procureur réclamait purement et simplement la mort 
civique sous la forme d'une
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privation des droits civiques pendant trois ans... Condamnation démesurée et 
cruelle à l'égard de jeunes qui avaient justement embrassé un engagement 
politique. Le réquisitoire fut d'autant plus aberrant que tout le monde sans 
exception pleure sur le taux affolant de l'abstention dans ces classes d'âge. 
Heureusement, les magistrats me donnèrent raison.
J'eus aussi à plaider dans l'affaire d'Auch où, lors d'une caravane du Front 
National de la Jeunesse, les militants s'étaient trouvés confrontés à une 
manifestation de lycéens qui les canardaient avec tout ce qui leur tombait sous 
la main. Les jeunes, emmenés par Samuel Maréchal, mon beau-frère patron du FNJ, 
s'étaient défendus non sans courage, ce qui me paraissait légitime.
J'étais donc descendue en catastrophe à Auch où le magistrat avait exigé leur 
passage en comparution immédiate, ayant manifestement en tête de placer Samuel 
en préventive. Le procès me sembla d'une partialité telle que j'eus vraiment 
peur à un moment de devoir appeler ma soeur pour lui dire de préparer les 
oranges. C'est de justesse, encore une fois, que nous échappâmes au sombre 
verdict et que je ramenai Samuel à la douceur de son foyer ! A la fin de 
l'année 1997, et sans m'en être rendu
165
compte, je finissais par passer l'essentiel de mon exercice à plaider pour le 
Front national.
La réalité est que mes velléités d'indépendance à l'égard de la politique 
s'affaiblissaient chaque jour.
La politique est un virus que l'on a dans l'organisme. Il se développe plus ou 
moins tard, nous laissant parfois des moments de rémission, mais il ne se fait 
jamais oublier, sauf à ne l'avoir jamais contracté.
Je l'avais quant à moi attrapé bébé.
J'étais, dit mon père, « tombée dedans quand j'étais petite », comme Obélix 
dans la potion magique. Et à mon grand désespoir... cela me plaisait.
De plus en plus, l'idée et l'envie de doter le Front national d'une vraie 
structure juridique performante en amont, et pas seulement en aval, étaient 
devenues pour moi évidentes.
166
Le Front national était, en 1997, un parti politique de plus de cent 
permanents, présent dans les cent départements français... sans aucun service 
juridique.
Cette carence commençait à se faire cruellement sentir et il m'apparaissait 
nécessaire, en amont, de coordonner sa politique en matière de réponse ou de 
défense tant pénale que civile.
C'est ainsi qu'un jour de 1997 je me retrouvai dossier en main devant le Bureau 
exécutif, instance dirigeante du Front national, pour proposer de créer ce 
service. Cette proposition fit l'unanimité (Bruno Mégret y compris) et je 
quittai la robe et le barreau de Paris le ler janvier 1998, avec la possibilité 
d'y revenir quand bon me semblerait, pour venir m'installer au Paquebot, à 
Saint-Cloud.
Au même moment, Carl Lang, alors secrétaire
Chapitre IX La scission
général, vint à nouveau me proposer d'être candidate aux élections régionales 
de mars 1998, l'échéance approchant. Il m'avait déjà fait cette proposition en 
1992, mais je l'avais alors déclinée. Je venais de prêter serment avec l'envie 
de me consacrer en priorité à mon métier d'avocat. J'avais soif d'apprendre, de 
plaider et j'étais consciente de la difficulté pour une jeune avocate de faire 
son trou, surtout avec le nom que je portais.
Apprenant que je quittais le barreau, Carl m'a donc reformulé sa proposition, 
plaidant auprès de moi le bénéfice que pourrait représenter un ticket Lang-Le 
Pen dans sa région Nord-Pas-de-Calais.
J'acceptai, non sans l'avoir informé que j'attendais un bébé qui devait naître 
fin mai. Il en a tenu compte et allégea beaucoup mes obligations de campagne, 
lesquelles nécessitaient des déplacements assez déconseillés en fin de 
grossesse.
Pendant ce temps, je montais le fameux service juridique, qui s'avérera fort 
utile quelques mois plus tard, lorsqu'éclatera la scission provoquée par Mégret.
Le 15 mars, la liste du FN dans le Nord-Pas-de-Calais voit élire de nombreux 
conseillers régionaux et le 20 mars 1998 je fais mon entrée en séance plénière 
pour l'élection du Président de région, enceinte de sept mois.
168
M'ennuyant ferme à la maison, je venais au bureau tous les jours, jusqu'à la 
veille de mon accouchement qui devait être déclenché le 26 mai. C'est donc le 
25, à la cantine du Paquebot, que d'étranges maux de reins me firent penser que 
le bébé n'attendrait pas le lendemain. L'esprit de contradiction (breton) déjà 
bien ancré, mon adorable Jehanne montra son museau le 25 mai à 23h58 !
Je débarque quelques semaines plus tard en Bretagne avec ma petite merveille et 
mon époux pour un été à pouponner... J'allais être servie ! Le 5 août, jour de 
mes trente ans, j'apprends avec stupéfaction que je suis à nouveau enceinte.
Ayant subi quelques jours après la naissance de Jehanne une ablation de la 
vésicule biliaire (nous avons cela en commun avec Raffarin) et inquiète de maux 
de dos persistants, je vais passer début septembre une échographie de ma 
défunte vésicule. Je prends bien sûr la précaution de prévenir l'écho-graphe 
que je suis enceinte. Il me propose alors tout naturellement de jeter un coup 
d'oeil à ce bébé et m'annonce, ravi, qu'il y en a... deux !
J'ai passé le reste de la journée entre le rire et les larmes, tantôt sensible 
à la bonne blague que la vie venait de me faire, tantôt effondrée, ma fille de 
trois mois dans les bras, me demandant comment j'allais réussir à gérer trois 
bébés ! Il fallait changer d'appar-
169
tement, changer de voiture, changer de vie, alors que trois mois plus tôt, je 
n'avais à m'occuper que de moi...
Cette année 1998 se révélait riche en bouleversements et ce n'était pas fini !
Je revins à Saint-Cloud en septembre, dans une atmosphère à couteaux tirés, 
l'ambiance entre les partisans de Mégret et ceux de Le Pen s'étant largement 
dégradée durant mon congé maternité.
J'avais, pour ma part, déjà été le bouc émissaire du délégué général Bruno 
Mégret. J'étais à l'époque une avocate régulière du Front national, et à ce 
titre, mon père m'avait proposé de me présenter au Comité central lors du 
congrès de mars 1997, en vertu du principe ? parfaitement défendable, 
d'ailleurs ? que j'y avais autant ma place que d'autres. Après tout, pourquoi 
pas ? Je m'y présentai donc sans imaginer un instant que j'allais (déjà !) 
faire les frais de la gué-guerre interne que Mégret menait contre Le Pen.
J'étais l'avocat du Front, j'avais déjà été candidate aux législatives, les 
militants et les cadres faisaient appel à moi fréquemment pour les défendre 
devant les tribunaux et je remplissais cette mission avec conviction. Je ne 
m'attendais donc pas du tout à faire l'objet d'un tir de barrage.
Je ne fus pas élue.
A l'évidence, on se moquait totalement de me voir
170
figurer ou non au Comité central. Je n'étais d'ailleurs pas personnellement en 
cause. L'objectif était de donner au président Le Pen un avertissement en bonne 
et due forme, et de démontrer la capacité de Mégret à infléchir le vote. 
C'était tombé sur moi parce que j'étais la fille, et plus la victime 
collatérale était proche, plus l'avertissement prenait de valeur. Autant dire 
que je n'en ai pas fait une jaunisse, mais mon arrivée dans l'appareil du Front 
se faisait donc au pire moment. J'étais comme un gamin parti faire ses classes, 
paquetage bouclé par maman, et qui se serait retrouvé le lendemain en pleine 
guerre et en première ligne. J'étais ignorante du fonctionnement interne du 
mouvement, de ses méandres, toutes choses auxquelles ne m'avaient pas préparée 
les militants de terrain, ni les responsables pour qui je plaidais et avec qui 
j'entretenais des relations individuelles.
Je débarquais sur le pont du Paquebot en pleine mutinerie, à un moment où une 
équipe passait déjà plus de temps à saboter les machines ou à fausser les 
cartes de navigation qu'à faire avancer le navire.
Je travaillais à cette période comme avocat à temps plein sur l'affaire de 
Mantes-la-Jolie.
L'audience s'ouvre le 28 septembre devant la cour d'appel, dans une ambiance 
interne totalement explosive.
figurer ou non au Comité central. Je n'étais d'ailleurs pas personnellement en 
cause. L'objectif était de donner au président Le Pen un avertissement en bonne 
et due forme, et de démontrer la capacité de Mégret à infléchir le vote. 
C'était tombé sur moi parce que j'étais la fille, et plus la victime 
collatérale était proche, plus l'avertissement prenait de valeur. Autant dire 
que je n'en ai pas fait une jaunisse, mais mon arrivée dans l'appareil du Front 
se faisait donc au pire moment. J'étais comme un gamin parti faire ses classes, 
paquetage bouclé par maman, et qui se serait retrouvé le lendemain en pleine 
guerre et en première ligne. J'étais ignorante du fonctionnement interne du 
mouvement, de ses méandres, toutes choses auxquelles ne m'avaient pas préparée 
les militants de terrain, ni les responsables pour qui je plaidais et avec qui 
j'entretenais des relations individuelles.
Je débarquais sur le pont du Paquebot en pleine mutinerie, à un moment où une 
équipe passait déjà plus de temps à saboter les machines ou à fausser les 
cartes de navigation qu'A faire avancer le navire.
Je travaillais à cette période comme avocat à temps plein sur l'affaire de 
Mantes-la-Jolie.
L'audience s'ouvre le 28 septembre devant la cour d'appel, dans une ambiance 
interne totalement explosive.
171
L'affaire de Mantes-la-Jolie mériterait à elle seule un livre, encore à écrire. 
Affaire en forme de guet-apens politico-judiciaire digne de figurer dans les 
annales et où, après des mois d'insanités, de diffamations, la cour d'appel 
admettra enfin que Jean-Marie Le Pen n'a en aucune façon touché et encore moins 
frappé Mme Peulvast-Bergal venue, « dans une chaude ambiance républicaine », 
l'empêcher physiquement de faire campagne.
Pour pouvoir condamner Le Pen à une inéligibilité (nous sommes juste avant les 
européennes), des magistrats tordront le droit, le dénatureront, et 
considéreront que Mme Peulvast-Vergal était présente en qualité de maire dans 
l'exercice de ses fonctions. Or, si Mme Peulvast-Bergal était bien maire, 
c'était de Mantes-la-Ville et non de Mantes-la-Jolie. En outre, on ne voit pas 
bien en quoi il entre dans l'exercice des fonctions officielles d'un maire 
d'empêcher par une manifestation violente un adversaire de faire campagne. La 
Cour condamnera Le Pen pour « avoir invectivé avec véhémence (Mme Peul-vast) », 
cette invective, qui n'était même pas une injure, étant assimilée à une 
violence... Si les enseignants de banlieue pouvaient se voir appliquer cette 
jurisprudence, ils passeraient leur existence devant les tribunaux en qualité 
de plaignants !
Certes, excédé ? et on le serait à moins ? et
172
avisant son écharpe, mon père s'était tourné vers elle pour lui crier « on en a 
marre ! »
C'est pourtant vrai, je dois le dire ici, qu'on en a marre de se faire donner 
des leçons de démocratie et de morale républicaine par les agitateurs gueulards 
qui nous persécutent à chaque élection et terrorisent nos électeurs et nos 
militants. La question qui reste en suspens et à laquelle Mme Peulvast n'a 
jamais cru bon de répondre, est de savoir qui était responsable de ces 
griffures très féminines qu'elle portait sur son décolleté alors que celui-ci 
était protégé par son chemisier et son écharpe d'élue.
Dieu seul le sait... et Mme Peulvast-Bergal.
Nous sommes donc à cette époque dans les prémices de ce qu'on appellera « la 
crise », « la scission », ou encore « le pu-putch » .
Les phrases assassines, les coups bas, les manoeuvres tordues se succèdent, les 
amis d'hier se muent en ennemis féroces et virulents. Bref, l'implosion paraît 
déjà inéluctable.
En qualité de directrice du service juridique, on me demande d'effectuer un 
certain nombre de vérifications dans les comptes de plusieurs structures ou 
associations dirigées par Mégret et, je m'en rends vite compte, travaillant au 
principal « pour » Mégret. J'hériterai à ce titre du surnom peu amène de « poli-
173
ciére du Paquebot» que me collent aimablement ses amis. Ce sera le premier 
d'une longue série...
Le Pen n'a à leurs yeux plus aucune qualité.
Le « chef naturel» est devenu un « despote totalitaire », « le moteur de la 
droite nationale » s'est transformé en « boulet », et tel responsable alsacien 
qui, hier encore, avec une obséquiosité dégoulinante, s'exclamait «Regarde, 
Jean-Marie, même les cigognes t'applaudissent » en avisant deux volatiles 
battant des ailes, vient expliquer doctement qu'un ami d'un ami médecin lui a 
confirmé que Le Pen était... sénile !
Que voulait donc Mégret ?
Il faut d'abord se souvenir qu'avec Le Gallou, Blot et certains autres, ils 
provenaient du RPR. Certains aujourd'hui critiquent l'existence de « 
sensibilités » au sein du Front national, mais en réalité, les sensibilités ont 
toujours existé et même coexisté.
La victoire de 1986 et l'arrivée de trente-cinq députés FN avaient mis ces 
sensibilités en sourdine. Mais déjà à l'époque, celles-ci s'affrontaient à 
fleurets plus ou moins mouchetés. La sensibilité nationale-catholique du 
secrétaire général Bruno Gollnisch agaçait le libéralisme à la Fini, mâtiné de 
paganisme, de Bruno Mégret. L'un craignait et, je pense, craint toujours, que 
le pouvoir corrompt, qu'il oblige à abandonner une certaine orthodoxie
174
politique ; Gollnisch envisage la politique à l'aune de ses fortes convictions 
religieuses. L'autre plaidait pour la modernisation du Front national, 
regrettait l'influence qu'il jugeait néfaste des catholiques militants et 
entendait arriver au pouvoir à la manière italienne, par un jeu d'alliances 
avec le RPR. Mégret c'est une sorte de Sarkozy, en somme, avec un discours plus 
musclé sur les valeurs. Cette divergence de vue sur le moyen terme a servi de 
terreau, puis nourri l'ambition et l'impatience de Bruno Mégret.
Il voulait forcer Le Pen à choisir, d'où ses sollicitations réitérées pour être 
désigné numéro deux, donc son futur successeur.
C'était très mal connaître le président du Front National que de lui réclamer, 
à lui qui a toujours rassemblé les différents courants du mouvement, de choisir 
et donc d'exclure l'un au bénéfice de l'autre. C'était aussi mal connaître 
l'homme politique dont le corpus idéologique ne se reconnaissait pas dans 
l'ultralibéralisme de Mégret, intellectuellement proche du pouvoir en place.
Bruno Mégret fut assez habile pour faire croire à certains militants et cadres 
que Le Pen lui en voulait personnellement parce qu'il ne supportait pas la 
concurrence.
Mais lorsqu'on a compris le fond de cette scission,
175
on ne doit pas s' étonner que Villiers récupère aujourd'hui une partie des 
déçus du «mégretisme» qui voient en ce flotteur droit de la majorité le bon 
moyen, par des alliances avec l'UMP, d'entrer enfin au Palais-Bourbon.
Il n'en demeure pas moins que l'argument essentiel de la scission s'est vite 
transformé en « pousse-toi de là que je m'y mette ». Cette guéguerre eut du 
reste une constante : dans la bataille menée contre Le Pen, nous, ses filles, 
étions une fois encore une cible idéale.
Tout fut dit de mon père par les amis d'hier, mais un axe était d'atteindre son 
image auprès des militants et des adhérents.
Mégret et ses camarades développèrent donc à l'envi le thème du népotisme, 
comme quoi les hommes changent mais pas les armes...
Comme au bowling, le but consista alors à dégommer non seulement la quille du 
milieu mais aussi toutes celles qui se trouvaient autour. Partant de là, amis, 
soutiens, gendres, femme et a fortiori filles, se devaient d'être salis, 
décrédibilisés.
Ainsi ? Marie-Caroline ayant été épargnée grâce à son compagnon, bras droit de 
Mégret ? Yann et moi étions devenues des gourdasses surpayées, blondes sans 
cervelle qui se faisaient les ongles toute la journée, n'avaient jamais milité 
et étaient scandaleu-
176
sement imposées par leur père. L'accusation ? elle reviendra plus tard dans 
d'autres bouches, preuve d'un manque certain d'imagination ? était lancée : 
nous assistions à une « dérive monégasque » !
La réalité était bien entendu toute autre.
Yann travaillait depuis dix ans au service de presse du Front, puis aux grandes 
manifestations où elle avait toujours, avec discrétion, fait la démonstration 
de ses compétences, de son sérieux et de ses talents. Elle avait juste eu 
l'audace d'épouser Samuel Maréchal, déjà directeur national du FNJ ? le Front 
national de la jeunesse ? qui était donc devenu, suprême menace, « le gendre ».
Quant à moi qui avais, à la différence d'autres, exercé une profession 
libérale, je ne comptais pas la paresse parmi mes multiples défauts et j'eus 
l'occasion, grâce à la crise, de le démontrer.
Les mois de 1999 furent difficiles.
La scission entérinée après le fameux conseil national du 5 décembre 1998, 
lequel avait vu une partie des cadres conspuer Le Pen, nous vécûmes de longues 
semaines de querelles politiques.
Chaque jour apportait son lot de mauvaises nouvelles, telle fédération passée à 
l'ennemi, telles permanences du FN fermées aux «légalistes» (soutien de Le 
Pen), les comptes en banque du Front national bloqués et jusqu'à Mégret qui, 
s'étant attribué le
177
logo et le nom, se déclare à la suite du Congrès de Marignane, « président du 
Front national » !
Ayant en charge le service juridique, mon adjoint et moi n'avons pas chômé et 
avons eu à gérer rien de moins qu'une centaine de procès. Paradoxalement, cette 
épreuve nous a unis, ce combat côte à côte dans le bastion qu'était devenu le 
Paquebot a été une leçon d'amitié et de courage politique. Plus personne 
n'était chef de ceci ou responsable de cela. Nous étions tous des soldats, ne 
rechignant à aucune tâche tant il y avait à faire.
Le Paquebot gardait les lumières allumées dans ses coursives jusque tard dans 
la nuit. Nous répondions aux sympathisants inquiets, déboussolés et menions la 
contre-offensive contre ce qui nous apparaissait comme une trahison atroce.
Beaucoup, dans cette guerre fratricide, ont perdu des amis ; des familles se 
sont retrouvées éclatées, le père chez Le Pen, la mère chez Mégret.
Même notre propre famille n'en sortit pas indemne. Marie-Caroline, ma soeur 
aînée, s'éloigna de nous et choisit l'autre camp.
Mais cette crise permit aussi à certains de sortir du lot, de faire remarquer 
leur talent et leur ténacité. Ce fut le cas par exemple de Louis Aliot qui 
devint, à cette époque, directeur de cabinet de Jean-Marie
178
Le Pen, pour être nommé il y a quelques mois, secrétaire général du Front 
national.
Nous avons tous eu très peur.
D'un coup, notre parti s'est trouvé en grand danger. C'est le combat d'une vie 
entière qui, pour certains, était menacé. Tous les sacrifices que nous avions 
consentis auraient donc été vains, car si nous n'avions pas remporté cette 
bataille de la scission, comme l'a démontré la suite, le Front national serait 
mort.
 ceux qui sont des découragés perpétuels, des fatigués de naissance, des 
pessimistes' congénitaux, mon père donna là encore une belle leçon de ténacité 
et de persévérance, ne cédant pas un pouce de terrain au cours de ces longues 
semaines où la classe politique et journalistique nous avait déjà enterrés.
Et à vrai dire s'il n'y avait pas cru, nous n'y aurions pas cru non plus.
J'ai la chance d'avoir une santé insolente, car tout au long de ces mois de 
janvier, février et mars 1999, au plus fort de la crise, ma grossesse suivait 
logiquement son cours et mon ventre prenait des proportions inquiétantes.
Je priais tous les jours pour que ce que l'on raconte sur les émotions que l'on 
transmet au foetus soit faux. Car alors mes jumeaux naîtraient avec une dose de 
stress historique !
Jehanne n'avait que huit mois et, de surcroît, refusait obstinément de faire 
ses nuits, ce qui réduisait encore mon temps de sommeil. Quelques jours avant 
l'accouchement, il fallut bien que je renonce à venir au bureau, le volume de 
mon ventre rendant mon équilibre précaire. Par sécurité pour les bébés, il 
avait été prévu de les mettre au monde à huit mois, le risque de mortalité pour 
les jumeaux montant en flèche le dernier mois de grossesse. Hélas, probablement 
secoués par mon activité forcenée pendant la grossesse, les jumeaux refusaient 
de mettre la tête en bas !
C'est donc par césarienne que Louis et Mathilde viennent au monde le 7 avril 
1999. Leur soeur aînée a dix mois et demi et elle ne marche pas encore.
Nous sommes d'ailleurs passés à côté d'un drame : si Louis a déjà une carrure 
de rugbyman, ma fille Mathilde avait cessé de s'alimenter et ne pesait que 1,6 
kg.
Emmenée dès la naissance par le Samu pédiatrique dans un service de néonatalité 
situé dans un autre hôpital, elle ne prendra la route qu'après un bisou de son 
grand-père qui a insisté pour la voir dans l'ambulance avant son départ. Je 
ferai l'aller-retour tous les jours avant qu'on ne me la rende deux semaines 
plus tard : je jubile, elle pèse enfin deux kilos.
180
Des semaines qui suivirent la naissance des jumeaux, je n'ai que des souvenirs 
fragmentaires.
Je me revois étourdie d'amour pour mes tout-petits, mais hagarde et épuisée. 
Jehanne se réveille trois fois par nuit, les jumeaux toutes les trois heures, 
et jamais au même moment... Je suis noyée dans les couches et les biberons, à 
raison d'au moins neuf par nuit. Je ne dors au début que par tranche de vingt 
minutes, j'ai l'impression d'être un automate.
Mon père m'a gentiment offert une dizaine de nuits de baby-sitting que je 
consomme à la cadence de deux par semaine, les jours où je n'en peux plus. 
Huguette Fatna, mon amie martiniquaise responsable au FN des Dom Tom, et avec 
qui j'ai fait dès dix-neuf ans mes premières campagnes électorales, marraine de 
Mathilde, vient m'aider tous les soirs.
Si elle n'avait pas été là, j'aurais très sûrement plongé.
Ma soeur Yann, qui a toujours été à mes côtés, est évidemment très présente en 
ces moments difficiles. Et mon couple va mal...
Je n'en oublie pas pour autant que la date du procès « au fond », nous opposant 
à Mégret, arrive à grands pas. Si nous perdons nous sommes perdus ! Le Front 
est dans une situation financière dramatique car Mégret a fait suspendre le 
versement de la subvention. Nous ne pouvons plus payer les permanents
et parons au plus pressé, au prix d'acrobaties inimaginables. Et si nous 
perdons le procès, nous devrons abandonner le nom Front national, le logo, 
tout...
Je tente de me rassurer en me disant qu'il est juridiquement impossible de 
perdre, tant les violations du droit commises par Mégret sont nombreuses. Mais 
au fond de moi, je suis bien placée pour savoir que la justice que l'on 
applique à Le Pen n'est pas toujours celle que l'on applique aux quidams ; les 
enjeux politiques sont si grands que nous ne sommes pas à l'abri d'un coup de 
Jarnac.
Le 11 mai, aux aurores, je suis au Paquebot et l'attente commence, interminable.
A l'heure dite, coup de fil : « On a gagné ! » J'appelle immédiatement mon père 
qui est en Haute-Savoie, chez mon copain Dominique Martin, en train de faire un 
déjeuner-débat. «On a gagné!» lui dis-je.
Il répercute, soulagé, à l'assemblée, et j'entends alors les cris de joie des 
militants qui me parviennent par le combiné... Je pleure.
Je pleure de soulagement, de ces mois de tension accumulée, de fatigue, de 
joie. Je pleure pour cette justice qu'on nous a si souvent refusée et que l'on 
nous accorde peut-être au moment oit nous l'attendions le moins.
Je songe à l'une des plus célèbres répliques d'Au-
182
diard : « La justice, c'est comme la Sainte Vierge. Pour y croire, il faut la 
voir de temps en temps. » J'ai à nouveau envie d'y croire.
Tous les permanents sont partis en voiture klaxonner sous les fenêtres du siège 
de Mégret.
Je suis restée au Paquebot pour répondre à la presse. Quelques ronchons ont 
critiqué cette initiative bruyante de nos amis, mais moi je les comprenais : 
nous en avions tellement bavé...
Ce jour-lâ, par dizaines, nous sommes allés chercher Le Pen à l'aéroport, 
drapeaux au vent et dans un tonnerre d'applaudissements, nous avons débouché le 
champagne dans l'aéroport, sous les yeux ahuris des voyageurs.
Nous avons fini cette belle journée par un dîner sur une péniche, avec tous les 
militants qui nous avaient spontanément rejoints. C'est-à-dire... en famille !
Ayant sauvé juridiquement la maison, il s'agissait maintenant de la sauver 
politiquement.
Les élections européennes de 1999 seraient le test : il fallait à tout prix non 
seulement battre la liste MNR conduite par Mégret, mais aussi passer la barre 
de 5 % des suffrages qui nous permettraient d'être représentés et remboursés.
Ces considérations financières peuvent paraître mineures ou vénales mais elles 
sont le nerf de la
183
guerre. Or, le Front national est inégalement traité puisque, interdit de 
députés à l'Assemblée par des modes de scrutin iniques, il se voit par là 
supprimer la moitié de sa subvention d'État.
Un autre souci, et non des moindres, est que Mégret a surfé sur l'ambiguïté 
durant des mois, en appelant son mouvement FN-MN, puis MNR. Beaucoup de nos 
électeurs ne voient pas encore bien la différence entre les deux.
Cette élection européenne est donc à haut risque. En juin 1999, les résultats 
tombent : FN 5,70 %, MNR 3,28 %.
C'est gagné. Nous avons eu chaud. Un résultat inverse aurait probablement 
enterré durablement le Front national.
Dès lors, tout reste à reconstruire mais au moins les fondations de la maison 
tiennent encore debout.
Il faut se retrousser les manches. Nous avons perdu pas mal de cadres et de 
militants et nous mettrons de longs mois à consolider une structure 
incontestablement affaiblie.
On ne peut, in fine, que pleurer sur le temps précieux que nous aura fait 
perdre cette opération Mégret.
184
Chapitre X
Mère célibataire
Août 1999. Je suis à La Trinité avec mes trois bébés. Jehanne a quinze mois et 
marche enfin ; les jumeaux, âgés de quatre mois, font à peu près leurs nuits.
Mon mariage va de plus en plus mal.
De retour à Paris en septembre, leur père et moi nous séparons. Les 
circonstances extrêmement pénibles qui présideront à cette décision 
n'appartiennent qu'à lui et moi. Le divorce est inéluctable et il ne se passe 
pas bien. C'est un terrible constat d' échec.
Je voudrais toutefois dire ici qu'il n'était évidemment pas facile d'être le 
petit ami, puis le mari de Marine Le Pen. De cela je suis tout à fait 
consciente. En règle générale, il faut même bien admettre que mon statut de 
fille Le Pen a pesé d'un énorme poids
185
sur les hommes qui ont traversé ma vie. Car partager ma vie, c'était assumer 
tout ce dans quoi je baignais avec plus ou moins d'aisance, ou de souffrance, 
depuis l'enfance : l'attentat, le détail, les campagnes électorales, 
Carpentras, les tortures, la mère à poil dans Playboy et tutti quanti. Alors, 
sortir avec la fille Le Pen, l'emmener chez des amis, la présenter à son cercle 
familial... cela requiert un tempérament d'acier.
De mon côté, loin de choisir la voie apparemment la plus simple qui aurait été 
de puiser mes relations dans le milieu du Front national, je m'évertuais, au 
contraire, à aller les chercher ailleurs. Façon sans doute de me rassurer en 
compliquant les choses : ce n'est pas parce que j'étais la fille de... que 
j'attirais l'intérêt ou la sympathie.
C'était terriblement pesant pour ceux ? amis ou amours ? qui disaient « Marine, 
je l'aime beaucoup, mais le reste, non merci, c'est trop lourd à porter ! » 
C'est, de fait, un poids que mes soeurs et moi avons toujours traîné. Cela nous 
a forgées différemment des autres, avec un risque toutefois : celui de trop 
s'endurcir. Car tout le problème est là : s'endurcir à la douleur, c'est 
s'endurcir aussi à la douceur. L'armure ne laisse pas passer la lance, mais 
elle ne laisse pas passer la caresse non plus.
Dieu merci, le temps effaçant les blessures, nous
186
avons retrouvé depuis des relations apaisées et amicales, toutes tournées vers 
l'intérêt supérieur de nos «triplés ».
En attendant, me voilà mère célibataire avec les inquiétudes inhérentes à cette 
situation, dont je sais par avance qu'elle est très difficile.
Vais-je réussir à élever correctement mes enfants ? Ai-je le droit de les 
priver d'un équilibre organisé autour d'un papa et d'une maman ? Est-ce que je 
leur donne assez d'amour ? Assez de temps ? Et tout simplement : suis-je à la 
hauteur ?
Je continue de travailler, bien sûr. Je ne peux pas faire autrement, et, âgés 
maintenant de six mois et un an et demi, mes enfants ne sont de toute manière 
pas près d'aller à l'école...
Je vivrai ainsi dix-huit mois, jonglant en permanence entre le boulot, les 
courses, les enfants et ce fichu sentiment de culpabilité planté dans le coeur 
de toute mère qui chaque matin doit résoudre l'équation : « Pour les élever, il 
faut que je gagne ma vie ? pour gagner ma vie, il faut que je travaille ? si je 
travaille, c'est quelqu'un d'autre que moi qui va les élever. »
C'est encore très difficile, les petits ne sont pas du tout autonomes mais déjà 
extrêmement exigeants, chacun usant de mille stratagèmes pour attirer mon 
attention et monopoliser câlins et tendresse.
187
Mes proches sont toujours très présents, mais le soir, quand chacun rentre chez 
soi, la pesanteur de la situation s'impose parfois à moi de manière cruelle.
C'est au cours de cette période que je vais rencontrer mon second mari qui, 
malgré la réticence initiale des enfants, prendra au fil des mois toute sa 
place dans ma famille décomposée et recomposée.
Ce n'est donc plus trois mais quatre enfants qu'il faudra caser dans la 
voiture, Éric ayant, d'un premier mariage, une petite fille de dix mois plus 
âgée que Jehanne.
La naissance des petits, mon divorce, cette période seule avec eux me rendit 
quasi « féministe », tant il est vrai que les femmes ont vraiment du courage, 
que leur situation est souvent et objectivement bien plus difficile que celle 
des hommes.
Les femmes sont en effet soumises à la « double peine » : un travail souvent 
prenant et une vie de famille à mener, le tout avec le sourire s'il vous plaît !
Quand on est une femme, les trente-cinq heures on ne connaît pas.
Les nuits entrecoupées par telle ou telle gastro (quand ils sont trois à être 
malades en même temps, croyez-moi, c'est sportif !). Il n'y a pas une minute 
pour soi ; levée tôt le matin, couchée tard le soir, et l'immense 
responsabilité de donner à ces
188
petits non seulement de quoi manger, mais encore de leur cheviller au coeur 
jour après jour les valeurs, les règles, les qualités qui en feront des adultes 
équilibrés, heureux et bons...
Quand on connaît cette difficulté, on ne peut qu'être ahuri à l'écoute des 
divers hommes politiques qui, chaque jour avec condescendance, viennent pérorer 
sur la liberté des femmes à travailler. Ont-elles encore le choix de ne pas le 
faire ?
Parmi les innombrables caricatures faites du Front national, il en est une qui 
m'irrite au plus haut point. C'est celle qui consiste à faire croire que le FN 
voudrait renvoyer les femmes à la cuisine et aux enfants, leur interdisant en 
quelque sorte de travailler.
Or, toute ma jeunesse mon père nous a dit, à mes soeurs et à moi : « Travaillez 
! Ne dépendez de personne ! Soyez autonomes. »
Orphelin à 14 ans, il n'a dû la possibilité de monter à Paris pour faire des 
études qu'à sa condition de pupille de la nation et au travail acharné de sa 
mère qui, à la disparition de son époux, s'était installée comme couturière 
pour continuer à les faire vivre décemment, elle et lui.
Il en a gardé l'idée qu'une femme peut se retrouver seule quelles que soient 
les circonstances qui le provoquent, et qu'il faut qu'elle puisse s'en sortir 
sans dépendre d'un mari.
189
La proposition faite par le Front national d'un salaire parental qui 
permettrait à la femme ou au mari de toucher durant plusieurs années 
l'équivalent du SMIC à partir de trois enfants n'a en aucune manière pour 
objectif d'empêcher les femmes de travailler, mais bien de leur donner la 
possibilité de ne pas le faire.
Or aujourd'hui, il est rare qu'un seul salaire suffise à faire vivre une 
famille nombreuse, et j'ai connu maintes jeunes femmes qui auraient bien voulu 
se consacrer à eux pendant quelques années plutôt que d'être obligées de 
travailler pour payer, de surcroît, les frais de garde.
Aujourd'hui, la question que de nombreuses femmes se posent n'est donc pas : « 
Ai-je la liberté de travailler ? », mais bien « Ai-je la possibilité financière 
de ne pas le faire pour rester avec mes enfants ?»
Ceux qui n'ont pas vu ni compris cela sont totalement déconnectés de la réalité 
économique et sociologique de notre pays.
De plus, la surcharge objective de travail et de responsabilités entraîne 
aujourd'hui pour beaucoup de femmes un véritable isolement affectif.
Le temps étant souvent consacré exclusivement au travail et aux enfants, où 
caser une activité artistique, une passion, du sport, une soirée entre amis 
même,
190
lorsque faire garder les enfants coûte entre 6 et 15 euros de l'heure ?
Lorsque mes enfants étaient plus petits, souvent les journalistes me posaient 
la question : « Avez-vous des hobbies?»
Je les regardais avec des yeux ronds !
Quand et comment aurais-je pu exercer mes loisirs, alors que mon métier, la 
politique et mes enfants, me prenaient à l'époque l'ensemble de mon temps ? 
Pour moi, trouver une demi-heure pour se prélasser dans un bain moussant tenait 
déjà de l'exploit ! Et cela alors même que ma situation matérielle était 
largement plus reluisante que celle de beaucoup d'autres mères de famille.
Lorsqu'on a fait ce constat, on a beaucoup plus de tolérance et de 
compréhension à l'égard du développement exponentiel de sites de rencontres 
comme Meetic, tant il révèle souvent beaucoup plus la difficulté de la solitude 
que l'envie de la gaudriole.
On peut maintenant se poser la question : n'en est-il pas de même pour 
l'avortement, présenté dans les années soixante-dix comme le summum de la 
liberté ?
Celle de disposer de son corps s'appuyait, elle, sur l'affirmation suivante : 
les femmes doivent pouvoir avoir le choix d'avorter.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
191
La réalité, c'est que beaucoup n'ont plus le choix de ne pas le faire.
L'avortement est un drame, la très grande majorité des femmes le sait. C'est un 
drame personnel, loin d'être l'acte anodin que l'État a prétendu en faire 
depuis trente ans. Et même si, incontestablement, il existe des femmes qui se 
servent de l'avortement comme d'un mode de contraception, une facilité 
remboursée par la Sécurité sociale et qui n'ont pas une once de conscience de 
leur geste, c'est une part infime de celles qui y ont recours.
Pas une femme n'en connaît une autre qui, passée par là, n'en soit sortie le 
coeur et parfois même encore le corps brisé. Celles-ci, vous remarquerez, n'en 
parlent jamais, la simple évocation en étant douloureuse et l'oubli préférable. 
Et lorsqu'elles en parlent, c'est pour dire : « Mon enfant aurait cinq, quinze, 
trente-cinq ans... »
On m'a tant de fois posé la question : «Êtes-vous pour l'avortement ? », et 
j'ai maintes fois répondu : « Qui est "pour" l'avortement ?»
En effet, qui peut se réjouir que trente ans après la promulgation de la loi 
Veil, deux cent mille femmes se fassent encore avorter chaque année dans notre 
pays ? Qui ne voit pas la somme de souffrances et les décisions cornéliennes 
qui président souvent à ce drame ?
192
~
J'ai dit qu'il fallait tout mettre en oeuvre pour réduire au maximum le nombre 
des avortements et qu'il m'apparaissait inefficace et cruel de le faire par des 
mesures coercitives, ce à quoi tendrait la suppression autoritaire de la loi 
Veil. Je pense que c'est par des mesures incitatives, évidemment doublées d'une 
vraie politique d'information et de prévention auprès des adolescentes, qu'il 
faut lutter contre l'avortement.
Et l'on en revient là encore à la question du choix.
J'affirme que beaucoup de femmes n'ont simplement pas le choix, qu'elles n'ont 
pas la possibilité de garder leur bébé. Or, elles voudraient avoir ce choix.
Des études ont démontré que plus de la moitié des femmes françaises aimeraient 
un enfant supplémentaire. Les dirigeants politiques, par leur aveuglement et 
leur incompétence, ont rendu ce choix impossible.
Je suis convaincue que le cas de « la jeune fille mineure victime de son 
premier rapport non protégé et qui recourt à l'avortement » est une image 
d'Épinal. Je sais, tout le monde sait, qu'une majorité de femmes doit se 
résoudre à ce choix terrible pour des raisons économiques et qu'il concerne 
beaucoup plus souvent le deuxième, le troisième ou le quatrième enfant que le 
premier.
L'inquiétude face à l'avenir, le risque de chômage, la précarité, les logements 
sociaux impossibles à
193
obtenir, représentent autant de fléaux qui poussent à la peur du lendemain et 
donc à l'avortement. Car pour nombre de mères, l'inquiétude est vive de savoir 
dans quel monde nous allons élever nos enfants et si nous pourrons toujours 
leur offrir le meilleur.
C'est en quoi la responsabilité des gouvernants est immense d'avoir refusé 
pendant des années de tenir compte de cette réalité, sans donner à ces femmes 
un quelconque choix, c'est-à-dire la possibilité éventuelle de refuser 
l'avortement en leur accordant les moyens d'assurer à leur enfant un avenir 
correct.
Le respect de la vie est une donnée fondamentale des sociétés humaines mais ce 
constat fait, on laisse le soin aux femmes de se débrouiller avec le quotidien.
Les hommes aussi d'ailleurs devraient se sentir un peu plus concernés, car les 
exemples oit ils tournent les talons à l'annonce de la grossesse sont encore 
fréquents, trop fréquents.
Quid, dans ces conditions, de la liberté du choix ?
Ne doit-on pas s'interroger en priorité sur celle des femmes qui sont obligées 
d'avorter, ou qui pensent l'être ? N'est-ce pas à leurs côtés et pour leur 
redonner la chance de garder leur enfant, qu'il faut aujourd'hui mener le 
combat ?
194
Chapitre XI
Les escrocs de l'espérance
Bien sûr, la vie m'a réservé des épreuves affectives, plus que d'autres, moins 
que beaucoup, mais à l'évidence je suis matériellement une privilégiée.
En arrivant comme élue dans le Nord-Pas-de-Calais, la pauvreté, la vraie, je 
l'ai touchée du doigt.
Nord-Pas-de-Calais, terre sinistrée.
Cette puissance industrielle brisée, ces plaines désertées par l'activité, 
laissant derrière elles la vraie misère et quelques terrils... Pas la misère 
des banlieues en difficulté sous la loupe et les pleurnicheries permanentes de 
la classe politique. Non, la misère épaisse et muette des corons.
Ce département a pris de plein fouet tous les fléaux : déscolarisation, 
alcoolisme, chômage, obésité, pauvreté, délocalisations... Les centaines de 
petites maisons dans des ruelles aujourd'hui désertes
195
qui voyaient hier rentrer les hommes de la mine. J'y ai vu des vieilles veuves 
de mineurs dans des maisons délabrées, les toilettes dehors, l'électricité pas 
toujours, l'humidité qui suinte des murs, les jours sous les fenêtres 
vermoulues qui laissent passer le froid mordant.
Et ces petites vieilles qui, fatalistes, expliquent que les maisons ont été 
payées par le sang et la sueur de leur défunt mais que les autorités attendent 
de les récupérer après leur mort pour les réhabiliter et les revendre ou 
relouer à de jeunes couples.
Et les élus de gauche, nouveaux roitelets pérorant sur le danger du Front 
national en ces terres ravagées !
Bien sûr, dans ces circonscriptions détenues par les socialo-communistes depuis 
soixante ans, l'échec de cette gauche moralisatrice saute au visage.
Bien sûr, le peuple est en train de leur tourner le dos, et il a bien raison de 
le faire.
Bien sûr, le roi socialiste est nu et seuls les imbéciles et les « gamellards » 
s'extasient encore sur la pourpre et l'or de son habit.
Pas de stades ici, ni de cinémas, pas de médiathèque, de « projets citoyens » 
pour ces Français qui ne réclament rien. Pas de discrimination positive pour 
les anciens bassins industriels, qu'ils soient du Pas-de-Calais ou de Lorraine, 
ni pour les anciennes
196
régions agricoles de Bretagne... Pas de colonie de vacances payée par les 
contribuables, pas de croisière de réinsertion et pas de « politique de la 
ville » dispendieuse et ruineuse pour ces campagnes.
Pas assez de plaintes, pas de réclamation de ces gens du Nord si chaleureux et 
hospitaliers, si pudiques, trop pudiques, sur leurs difficultés.
La gauche, en se substituant aux catholiques sociaux, a pendant longtemps 
représenté un espoir sincère pour les plus modestes, les travailleurs, les 
ouvriers, ceux qui n'avaient plus aucun privilège, ni de naissance ni de 
fortune.
Les grands principes sur l'égalité sociale, la solidarité, la défense des 
femmes, l'école, les valeurs de la République, la gauche les a tous trahis et a 
trahi en cela le peuple chez lequel elle avait fait naître l'espérance.
Alors qu'elle avait fait croire qu'elle voulait élever l'homme par 
l'intermédiaire, notamment, de ses instituteurs (qui « mettent l'homme debout 
»), elle a, en détruisant l'école, mis des générations entières à genoux. En 
refusant à tout prix la promotion au mérite qui était l'un des grands espoirs 
des pauvres pour s'élever dans l'échelle sociale face à ceux plus aisés qui, 
grâce à leur fortune, avaient d'autres moyens pour y parvenir, elle a trahi la 
véritable égalité des chances : celle offerte au travail et au
197
talent. En cassant un fantastique ascenseur social, elle a laissé les moins 
aisés au rez-de-chaussée sans espoir de jamais y grimper.
En soutenant aveuglément une immigration sauvage et débridée, elle s'est fait 
la complice de ce grand capital qu'elle fait mine de dénoncer. Le grand capital 
qui, dés les années 70, avait vu dans la venue en masse de travailleurs peu 
qualifiés, un fantastique moyen de faire pression à la baisse sur le travail 
manuel des Français. Déjà, la mise en concurrence sauvage profitait aux patrons.
La mondialisation, enfant chérie de la gauche internationaliste, est évidemment 
la mort des classes populaires.
Le nouvel esclavagisme, c'est l'immigration, y compris en provenance des pays 
de l'Est.
Que valent les discours et les promesses de revalorisation des salaires au 
moment où le SMIC français représente dix fois le salaire que peut espérer un 
Polonais, et cent ou deux cents fois plus que celui d'un Malien ou d'un Chinois 
? Qui peut croire que l'arrivée sur le marché de travailleurs étrangers pour 
qui le SMIC est une petite fortune va contribuer à la hausse des salaires ? Qui 
ne voit pas qu'en continuant ainsi, le salaire minimum va devenir un salaire 
maximum ?
Comment les syndicats peuvent-ils encore plas-
198
tronner alors qu'ils trahissent ceux qu'ils sont censés défendre ? Qui ne se 
rend compte qu'en réclamant toujours plus de privilèges exorbitants pour 
toujours moins de travail, ils ont assassiné peu à peu les services publics, et 
se sont faits les complices objectifs des privatisations, issue naturelle du 
gouffre qui finit par se creuser entre service public et privé en terme de 
compétitivité.
Qui ne voit pas qu'en Corse, par exemple, la disparition de la SNCM (Société 
Nationale Corse- Méditerranée) et donc la rupture de continuité territoriale et 
les licenciements qui ont suivi, sont de la responsabilité exclusive des 
syndicats et la conséquence inéluctable de leurs excès et de leur surenchère, 
les 30 millions d'euros de pertes qu'accusait l'entreprise étant la conséquence 
directe des conflits sociaux qu'ils avaient déclenchés ?
Comment ne pas se rendre compte qu'en imposant les 35 heures ou la retraite de 
plus en plus tôt, la gauche fait un chèque en bois à nos compatriotes et 
interdit aux plus démunis qui le souhaiteraient de travailler plus pour gagner 
plus, les maintenant ainsi inexorablement la tête sous l'eau, leur interdisant 
de ce fait de construire pour leurs enfants un avenir meilleur que le leur ?
La gauche est devenue le défenseur des nantis, de ceux qui peuvent envoyer 
leurs enfants dans des
199
écoles privées, là où ils pourront échapper aux ravages de la massification et 
au nivellement par le bas ; défenseur aussi de ceux qui peuvent échapper à une 
fiscalité confiscatoire en délocalisant leurs capitaux pendant que les plus 
démunis sont, eux, condamnés à rester.
Son électorat n'est plus constitué que de diplômés, de bourgeois-bohèmes, ceux 
qui ont squatté les quartiers populaires pour y aménager des duplex dans des 
bâtiments d'usines ou d'anciens ateliers, choix hautement symbolique quand on 
prétend « faire peuple » tout en nageant dans le luxe, comme si cela pouvait 
racheter leur responsabilité dans la disparition des emplois industriels ! 
L'habit de prolétaire est aujourd'hui une défroque qu'on enfile pour faire 
mode, et les usines ne sont plus que des « lieux de vie » branchés pour ceux 
qui n'ont jamais mis les mains dans le cambouis.
La gauche a trahi la cause des femmes en se faisant la complice d'une 
immigration qui a importé, aussi, l'islamisme avec elle, et les renvoie à une 
condition de soumission inconnue jusque-là en Occident. Qui peut croire à ses 
promesses de promouvoir la parité, de lutter contre les différences de salaire 
entre hommes et femmes quand, dans certains quartiers, disparaît jusqu'à la 
liberté de marcher tête nue ou de porter une jupe ? Quand il faut aux femmes un 
cha-
200
peron pour sortir ? Quand, dans l'indifférence générale, on apprend que sont 
célébrés 70 000 mariages forcés par an, ou pire encore, quand on commence à se 
livrer aux « crimes d'honneur » en France ?
La gauche, enfin, a trahi tous les principes de la République française, 
transformant l'égalité entre citoyens français en une chimérique et utopique 
égalité entre les hommes du monde entier ; en sacrifiant la laïcité sur l'autel 
d'un communautarisme démagogique et électoraliste.
Elle a même trahi Keynes dont les principes ne se justifiaient que dans un 
espace économique fermé par des frontières.
En combattant de toutes ses forces toute notion d'ordre, en se faisant le 
promoteur du chaos, de la désobéissance, en justifiant inlassablement la 
délinquance au nom de la misère sociale, elle a créé des armées de victimes, y 
compris dans les rangs de l'Éducation nationale où nombre d'enseignants ne 
recueillent plus aujourd'hui dans leurs classes que le mépris et de plus en 
plus souvent les coups, traités qu'ils sont à l'instar de la petite vieille 
avec son sac, c'est-à-dire comme une proie.
La gauche est le complice objectif des délocalisations qui laissent nos 
ouvriers sur le tapis, du libéralisme le plus cynique, de l'immigration qui 
ruine notre système de protection sociale, de la transfor-
201
mation des citoyens en consommateurs, de la disparition, enfin, de la Nation 
qui, comme le disait Jaurès, « est le seul bien de ceux qui n'en ont pas ».
Cette même Nation que la droite a aussi trahie de toutes les manières, elle qui 
pourtant se présentait, digne héritière de de Gaulle, comme son défenseur. 
Cette droite qui, depuis la mort du Général, n'a eu de cesse de trembler devant 
l'idéologie de gauche, tétanisée comme un lapin dans les phares d'une voiture.
Incapable de défendre les valeurs des hommes ? honnêteté, éthique, courage, 
justice, responsabilité individuelle ? mais incapable aussi de défendre les 
valeurs de notre pays : droit du peuple à disposer de lui-même, gouvernement du 
peuple par le peuple et pour le peuple, liberté d'entreprendre, liberté tout 
court, fierté de notre histoire, de notre grandeur, de notre destin.
Droite qui, en un demi-siècle, est passée de l'Appel du 18 juin à une mauvaise 
publicité pour le Kârcher®.
Cette droite qui a laissé tous les attributs de notre
Nation, son hymne, ses symboles, sa langue, son
drapeau, sa monnaie tomber dans le caniveau, repro-
chant après au Front national de les y avoir ramassés !
Cette droite qui n'en peut plus de s'excuser d'une
histoire de France pourtant glorieuse, battant sa
202
coulpe à la moindre occasion, avançant de repentance en repentance, et qui a le 
culot de verser aujourd'hui des larmes de crocodile sur cette «jeunesse qui 
n'aimerait plus la France » !
Cette droite qui a abandonné, avec le dernier souffle du Général, le grand 
souffle de la France éternelle, pour limiter ses ambitions à ne pas perdre les 
élections. Qui ne sait plus où elle va, ni pourquoi elle y va ; qui, de scrutin 
en scrutin, n'a plus rien à proposer sinon battre le Front national et qui, 
lorsque par hasard elle est au pouvoir, passe son temps à faire des réformettes 
qu'elle s'empresse le plus souvent de retirer sous la pression de l'extrême 
gauche.
Une droite qui envoie une délégation en Grande-Bretagne le jour-anniversaire de 
la défaite de Trafalgar et refuse d'organiser la moindre commémoration pour la 
victoire d'Austerlitz !
Comment les Français peuvent-ils lui accorder ne serait-ce qu'une once de 
crédit alors qu'elle a tant et tant de fois démontré son incompétence ? Comment 
peut-elle encore oser dire qu'elle peut changer les choses alors qu'elle en a, 
jusqu'à aujourd'hui, été strictement incapable ?
Comment est-il possible que les Français ne se rendent pas compte qu'ils sont « 
des lions dirigés par des ânes » ?
Le peuple français, qu'il vote à droite ou à gauche,
203
ne voit-il pas le fantastique paradoxe auquel conduit une analyse globale du 
système économique mondial ?
Jusque dans les années 1980, alors que les théories marxistes dominaient en 
grande partie la réflexion économique et intellectuelle et s'incarnaient dans 
des États socialistes, il suffisait d'un simple constat de la réalité pour 
démontrer l'absurdité des prévisions de Marx.
Contrairement à celles-ci, qui tenaient pour certaine une paupérisation 
constante des travailleurs, le développement économique produisait au contraire 
l'enrichissement général des populations, une extension massive de la classe 
moyenne assortie d'une élévation du niveau de l'éducation. À cela s'ajoutait 
l'expansion continue de petites entreprises créatrices d'emplois et réellement 
pourvoyeuses de progrès techniques et technologiques.
Malgré une exploitation forcenée des richesses de la planète, certes dans un 
réel mépris de l'écologie ? mais elle n'existait pas alors en tant que « valeur 
» ?, on pouvait néanmoins affirmer que l'économie était bien « au service de 
l'homme ».
La décennie 1990 vit s'opérer un renversement total de la situation, 
renversement dont les effets avalisent aujourd'hui de manière surprenante les 
thèses marxistes.
En effet, une concentration de plus en plus forte
204
des entreprises, par le biais des regroupements et des fusions, a entraîné une 
importante diminution des postes de travail et a créé une concurrence 
insupportable pour les PME-PMI ; lesquelles, écrasées de charges, créent moins 
d'emplois et, faute de pouvoir investir dans la recherche, créent aussi moins 
de brevets. Quand elle ne sont pas rachetées, si d'aventure elles en produisent 
encore.
On assiste à la création de monopoles mondiaux totalement détachés des États 
nationaux, détruisant ceux-ci et les cultures qui leur sont associées au profit 
d'un marché universel où le consommateur, isolé et sans protection, remplace le 
citoyen enraciné dans son pays et en principe protégé dans ses intérêts 
essentiels par son État-Nation.
C'est cette forme de mondialisation qui, par de multiples aspects, ressemble à 
z< l'impérialisme, stade suprême du capitalisme » dont Marx projetait 
l'avènement.
Se construit alors un système économique dirigé par des gestionnaires qui ? à 
l'inverse des petits patrons ? n'engagent pas leur fortune personnelle et 
n'assument aucune responsabilité pécuniaire de leurs erreurs de gestion, alors 
que leurs performances sont bien inférieures à celles des gérants-propriétaires 
des entreprises (± 20 % de différentiel de croissance !).
On est ainsi passé d'une économie d'entrepre-
205
neurs à une économie de fonctionnaires de la gestion, entraînant un 
renversement qui ne met plus l'économie au service de l'homme, mais place au 
contraire l'homme au service d'une économie qui, de surcroît, ne produit plus 
d'emplois et crée donc moins de richesses pour la classe moyenne. Celle-ci se 
paupérise chaque jour davantage sous l'effet conjugué des délocalisations, de 
la concurrence internationale et de la révolution technologique. Cette 
dernière, qui a pour conséquence la rationalisation et la modernisation de la 
production, produit aussi ses effets pervers, entraînant notamment la mise au 
rancart des seniors et l'inadaptation d'une part croissante de la population, 
insuffisamment ou mal formée pour affronter les défis du futur.
En Europe et plus particulièrement en France, les classes dirigeantes, arguant 
de leur prétendue compétence, se sont arrogé pendant des années le bénéfice de 
la croissance qui, en réalité, s'effectuait malgré elles pendant «les Trente 
glorieuses ».
Mêlant une fausse gauche qui a trahi les idéaux de défense des exclus, idéaux 
qui faisaient son honneur, à une droite qui, elle, a depuis longtemps abandonné 
la défense des valeurs et des principes qui faisaient son armature, les 
dirigeants politiques sont devenus
206
de simples auxiliaires d'un système économique qui leur échappe.
Il est grand temps de s'apercevoir que la politique n'est plus l'art de 
défendre les intérêts supérieurs des peuples, mais un moyen technique de placer 
les hommes en situation de consommateurs captifs d'un « Marché » incontrôlé, 
nouveau Léviathan des temps modernes qui révèle la perte de sens de nos 
sociétés.
Je suis convaincue qu'anesthésié pourtant depuis des décennies par une classe 
politique incompétente masquant son incapacité à infléchir ces tendances sous 
un déferlement de mensonges, transformant ses échecs en succès, ses 
renoncements successifs en victoires, notre pays est prêt, est mûr pour 
renaître de ce qu'il faut bien appeler « ses cendres économiques ».
Dette publique, déficit de l'État, balance commerciale, chômage : tous les 
voyants sont au rouge !
La seule erreur d'analyse que nous avons faite en l'espèce, c'est de penser que 
la France toucherait le fond plus vite. Il faut croire qu'elle était plus riche 
qu'on ne le supposait pour survivre encore à une situation aussi dégradée.
207
Face à cela, le Premier ministre actuel ne trouve rien à faire ni à dire, sauf 
à s'en prendre aux « déclinologues », c'est-à-dire à ceux qui osent dire la 
vérité sur le déclin français !
On a toujours accusé le Front national de surfer sur les peurs, ce qui est à 
peu près aussi absurde que d'accuser le médecin de surfer sur la maladie ou le 
plombier sur la fuite d'eau. Quand il y a une épizootie de grippe aviaire, on 
ne commence pas par trancher la tête des vétérinaires !
Puisque nous parlons de chiffres, il en est deux plus révélateurs encore que 
tous les autres : 75 % des actifs assimilent leur travail à une obligation 
subie, et seuls 20 % des salariés français jugent effectuer un travail utile à 
leur pays.
Les sociétés humaines se sont construites sur la conscience aiguë de l'utilité 
de tous à leur fonctionnement, à leur développement, chacun apportant sa pierre 
à l'édifice. Pourtant, sous l'influence évidente d'une certaine gauche, le 
travail a été petit à petit assimilé à un esclavage, une obligation, une 
exploitation dont il fallait à tout prix se dégager.
Ainsi, au fil du temps, l'effort n'a plus porté sur la recherche d'un 
épanouissement personnel par le travail, mais s'est totalement orienté vers la 
lutte contre l'oppression qu'il était supposé incarner. Et comme l'idéologie 
qui sous-tendait cette théorie de
208
l'aliénation est profondément totalitaire, elle s'est exprimée par des mesures 
de plus en plus coercitives et contraignantes.
L'objectif imposé de travailler moins, à un moment où il est vrai que certaines 
conditions de travail étaient extrêmement pénibles, s'est transformé en 
interdiction de travailler plus.
Pas le droit de travailler au-delà de 60 ans, pas le droit de travailler plus 
de 35 heures ? même si on le désire, même si on veut travailler plus pour 
gagner plus, même si pour certains, la retraite c'était la mort, même si ces 
évictions d'office entraînaient une perte évidente de compétences et une 
impossibilité à transmettre un savoir-faire, cela au détriment des jeunes 
générations.
Il est encore plus paradoxal de constater que c'est, aujourd'hui, cette absence 
même de liberté qui constitue l'argument principal des ultralibéraux pour 
justifier les délocalisations !
Or, après avoir martelé cette idée folle du travail-repoussoir pendant des 
années, on s'aperçoit soudainement que l'absence de travail est éminemment 
déstructurante pour l'homme ! Que sans travail, beaucoup ont évidemment 
l'impression de n'être utile à rien et à personne, ni à la société ni à leur 
famille.
Sans jamais répondre au fond à cette angoissante
209
question, tout a été parallèlement mis en oeuvre pour détruire la Nation, donc 
l'économie nationale, au bénéfice d'un mondialisme sans foi ni loi, ouvrant 
notre pays à tous les vents d'une concurrence sauvage et cruelle.
Combien de fois n'a-t-on pas ridiculisé le Front national lorsqu'il parlait de 
patriotisme économique et de préférence nationale alors que, sans complexe 
aucun, M. de Villepin faisait mine, il y a quelques semaines, de se scandaliser 
de la tentative d'OPA hostile de Mittal sur Arcelor, en appelant de ses voeux à 
un sursaut national pour défendre les entreprises françaises ! Il s'oppose 
aujourd'hui au rachat de Suez par l'entreprise italienne Enel, justifiant une 
fois de plus les analyses du FN.
Sans verser un centime de droit d'auteur ! Comme si avoir raison trop tôt, 
c'était une autre façon d'avoir tort.
Or, la conclusion de ce double phénomène de l'abandon de la valeur travail ? 
assorti de ses conséquences désastreuses ? et de l'organisation de la 
mondialisation, a engendré sur notre sol l'économie la plus soviétisée du 
monde, à l'exception notable de la Corée du Nord !
Notre système est profondément perverti.
Ces phénomènes ayant rendu impossible la croissance, le chômage augmente, le 
PIB par habitant
210
chute, la demande de protection sociale s'accroît et la gestion financière de 
la précarité s'alourdit. Pour financer cette augmentation, on assiste à une 
explosion de la fiscalité qui pèse lourdement sur les PME-PMI, lesquelles, dès 
lors, ne peuvent plus investir. Donc plus créer d'emplois.
Victimes de cette pression fiscale, les entreprises cherchent alors à faire des 
marges là où elles le peuvent encore, c'est-à-dire sur les salaires. Ceux-ci 
n'augmentent plus, et même baissent à cause de l'arrivée sur le marché d'une 
main-d'oeuvre étrangère à bas coût. Cela quand les entreprises ne licencient 
pas ou ne se délocalisent pas, purement et simplement.
La croissance ne peut pas être au rendez-vous. Or sans croissance, pas 
d'emplois, et une jeunesse qui déclare à 80 % vouloir être plus tard 
fonctionnaire !
La peur de l'avenir est ancrée et bride l'ensemble des énergies et des rêves de 
nos compatriotes : la peur du chômage, la peur de faire des enfants, la peur 
d'investir, la peur de se projeter dans le futur... Ce n'est pas le FN qui est 
à l'origine de toutes ces peurs, mais c'est lui qui est à l'origine d'une 
nouvelle espérance.
Pour autant, briser ce cercle vicieux nécessite une véritable révolution 
intellectuelle, culturelle et économique, soit un profond bouleversement des 
men-
211
talités. Cela ne peut évidemment être le fait de ceux qui sont tout à la fois 
les créateurs et les enfants de cette spirale mortelle.
Alors que 65 % des Français pensent que l'on vivait mieux il y a trente ans, 
les seules innovations des gouvernements successifs, depuis lors, ont consisté 
à mettre en place le CPE après le CNE, le RMI, l'APL, l'ALS, la CMU et pour 
chaque veille d'élection, le DORG (demain on rase gratis...).
Offrir une espérance à notre jeunesse, rebâtir un avenir pour notre peuple, 
reconstruire une économie en balayant les carcans administratifs et fiscaux qui 
brident nos forces productives, voilà notre volonté.
Tous ces escrocs de l'espérance, tous ces charlatans de la fausse science 
économique, si loin de la vie réelle, si éloignés de l'entreprise, si 
incompétents que s'ils se faisaient croque-morts on cesserait de mourir, nous 
ont entraînés dans une voie sans issue.
L'économie, ce n'est pas des courbes ou des chiffres abstraits. Un taux de 
croissance ne se décrète pas. C'est le reflet de la vie !
Il n'y a pas d'économie sans optimisme, sans confiance dans l'avenir, sans 
idéal.
Investir, c'est croire, c'est espérer que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. 
Or, dans ce monde de plus en plus complexe, l'application de solutions techno-
212
cratiques, forcément parcellaires, donc aboutissant in fine au contraire du 
résultat espéré, a démontré amplement son échec.
C'est donc à la révolution du choix et de la liberté que j'appelle notre pays.
Croire en l'avenir, c'est rendre aux Français la liberté de se constituer un 
patrimoine, fruit de leur travail. C'est leur permettre de le transmettre en 
héritage à leurs enfants pour leur offrir une vie meilleure, ce à quoi les 
hommes se sont de tout temps attachés.
Redonner à chacun la possibilité de vivre de son travail, de faire vivre sa 
famille en réduisant les impôts, tous les impôts, pour que la solidarité 
nationale ne se décline pas en un assistanat indigne de la qualité de citoyen, 
c'est rendre un destin à nos compatriotes.
Restaurer l'économie, c'est libérer le travail de toutes ces contraintes en 
redonnant à chacun, femmes, jeunes, seniors, la maîtrise de la durée de son 
travail, de l'étendue de sa vie professionnelle.
C'est redonner aux femmes le choix de travailler ou pas. C'est aussi rendre 
possible la création d'entreprises pour qui le souhaite, salariés, chômeurs, 
jeunes, retraités, et surtout d'en permettre la survie et la transmission.
C'est encore fournir à chacun une formation
213
adaptée au marché du travail, garante d'un emploi et d'un revenu stable.
C'est enfin relancer l'ascenseur social bloqué par l'alliance des nantis de 
droite et de gauche, tous d'accord en cette période de crise pour conserver 
leurs privilèges en maintenant les pauvres, les obscurs, les sans-grade dans 
leur fonction subalterne.
Salauds de pauvres !
Telle est aujourd'hui la devise des escrocs de l'espérance.
Je n'y consentirai jamais !
214
Chapitre XII
2002
Je suis dans le jardin de Montretout.
J'appelle mon père.
Mon mari Eric a fait le tour de quelques copains secrétaires départementaux et 
les nouvelles paraissent très inquiétantes.
« Papa, c'est moi. Le taux de confirmation des signatures de maires est 
mauvais. Très mauvais. »
 notre dernier Bureau politique, les nouvelles données par Martine Lehideux, 
chargée de la prospection des maires, étaient pourtant rassurantes.
Mon père m'interroge : « C'est-à-dire ? ? Je pense qu'il en manque... près de 
200 ! »
Il tranche : « Ça n'est pas possible ! »
Les quarante-huit heures qui suivront nous donneront hélas raison. Le bilan 
tourne à la catastrophe. La
215
moitié des maires qui s'étaient engagés à signer n'ont pas donné suite.
Carl Lang est aussitôt chargé d'une cellule d'urgence. Il nous reste trois 
semaines avant la date fatidique du dépôt au Conseil constitutionnel. La donne 
est simple : si l'on échoue, Le Pen ne sera pas candidat aux présidentielles.
Cette perspective, véritable épée de Damoclès, est d'autant plus insupportable 
et cruelle que la campagne se déroule cette fois sous d'excellents auspices.
Le Pen est bon. Très bon, même.
Les journaux évoquent d'ailleurs le « nouveau Le Pen », plus mesuré, serein, 
charmant, qui ressemble tant à celui que je connais depuis toutes ces années.
Nous sommes convaincus qu'il se passe quelque chose. La rue, le peuple est en 
adéquation avec nous et, à la cellule Idées-Images que dirige Jean-François 
Touzé 1 et dans laquelle je me suis insérée, nous mettons les bouchées doubles 
pendant cette campagne pour faire preuve d'imagination et de dynamisme. Cette 
cellule est en effet chargée de donner un ton nouveau à cette campagne, 
notamment en « relookant », comme l'ont dit les journalistes, le candidat Le 
Pen.
1. Créateur, dix ans plus tôt, des Comités Espace Nouveau.
216
Et nous nous attendions à tout, sauf à cette douche froide !
Il manque 200 signatures, nous sommes déjà le 12 mars et la clôture au Conseil 
constitutionnel est fixée au 4 avril. Il reste vingt-cinq jours !
L'abattement est palpable.
Carl, qui s'était déjà chargé de cette collecte en 1995, sait que la 
résignation et l'accablement qui ne vont pas manquer de frapper nos militants à 
l'annonce de ce chiffre, sont nos pires ennemis dans ce challenge : il prend 
alors la décision de mentir. Pieux mensonge...
Le mouvement sonne le branle-bas de combat et annonce qu'il manque... 100 
signatures !
Un grand tableau est installé dans le couloir du Secrétariat général et la 
décision, entre quelques initiés, est prise : chaque fois qu'on recevra deux 
signatures, on se contentera d'en indiquer une. Le décompte commence...
Il était impératif que ceux qui étaient informés de l'enjeu véritable gardent 
ce secret : j'eus moi-même à jurer que seules 100 signatures manquaient (Dieu 
me le pardonnera!) devant les quelques militants qui avaient eu écho de fuites 
sur la terrible réalité.
D'aucuns m'ont avoué plus tard que, s'ils avaient su ce qu'il en était 
réellement, jamais ils ne seraient allés chercher ces maudites signatures, tant 
ils
217
auraient alors été persuadés de l'impossibilité de réunir autant de paraphes en 
si peu de temps.
Dans les jours suivants, Le Pen prend la bonne décision en cassant le morceau 
devant la presse.
Il organise une conférence et expose la situation : nous n'avons pas à ce jour 
les signatures.
Peu le croiront, et seuls les journalistes qui nous suivaient au quotidien 
s'apercevront rapidement qu'il disait lâ la stricte vérité.
Il ne fait plus aucun doute aujourd'hui que les manoeuvres destinées à nous 
empêcher de recueillir ces signatures émanaient de l'UMP, par l'intermédiaire, 
notamment, de l'Association des Maires de France. Des consignes avaient en 
effet été diffusées, enjoignant les maires de refuser leur signature à Le Pen 
et de... les accorder à Mégret, adversaire bien moins dangereux qui, très 
probablement, aurait été à Canossa en apportant son obole à Chirac au second 
tour.
Ces trois semaines furent un cauchemar et, dans le même temps, une fantastique 
leçon de courage et de dévouement de la part de nos adhérents, sympathisants et 
même électeurs.
Tout le monde s'y est mis, des grands-mères jusqu'aux petites-filles.
Nous avons arpenté des milliers de kilomètres, parcourant les campagnes carte 
en main, poussant
218
1
jusqu'au coeur de villages parfois minuscules dans l'espoir de permettre à nos 
idées, à notre candidat d'être présents dans cette bataille.
Chaque jour apportait son lot de bonnes ou de mauvaises nouvelles.
Le Paquebot s'était transformé en plate-forme téléphonique géante. C'était une 
véritable ruche. Pas un seul bureau, une seule chaise qui ne soit occupée par 
des militants qui, inlassablement, douze heures par jour, appelaient aux quatre 
coins de la France pour parlementer avec les maires et les convaincre, parfois 
grâce à des trésors de persuasion et d'imagination.
Pas une seule de nos pensées qui ne fut, durant ces trois semaines, tournée 
vers eux.
Le Pen téléphonait en personne aux indécis que nous indiquaient nos amis sur le 
terrain.
J'ai moi aussi, avec Eric, sillonné durant des jours les routes du 
Pas-de-Calais pour trouver ces signatures.
La réponse des maires était toujours la même : « Moi, j'ai trop peur pour vous 
la donner, mais vous allez les avoir ! Ne vous inquiétez pas ! D'ailleurs, je 
vote moi-même Le Pen. »
Et nous leur répondions inlassablement : « Mais vous ne pourrez pas voter Le 
Pen. Il ne pourra pas se présenter si vous ne donnez pas votre parrainage ! »
219
Je n'ai pas compté les crises de rage et de désespoir qui m'ont réguliérement 
submergée pendant ces trois semaines.
L'idée que tant d'années de combat risquaient à nouveau de se trouver réduites 
à néant m'était tout simplement insupportable.
J'ai, au fond, encore plus mal vécu cette recherche de signatures que la 
scission avec Mégret, et je rends ici hommage à l'abnégation de ces centaines 
de cadres, responsables, simples adhérents ou militants qui ont su tout oublier 
? hiérarchie, préoccupations et soucis personnels ? pour se consacrer 
exclusivement et avec passion à cette tâche.
Le 4 avril, nous déposions 532 signatures au Conseil constitutionnel.
On avait vraiment senti souffler le vent du boulet !
Les trois petites semaines qui nous séparaient encore du premier tour des 
élections présidentielles nous laissaient évidemment assez peu de temps pour 
respirer.
Un parfum de victoire flottait sur les derniers meetings. La ferveur qu'on y 
ressentait me faisait étrangement penser à l'ambiance des quelques jours 
précédant l'élection présidentielle de 1988, dont on se souvient qu'elle 
s'était conclue par un séisme politique (un de plus, pas le dernier !) avec un 
Le Pen à 14,5 % des suffrages exprimés.
220
Mon père était cette fois convaincu qu'il accéderait au second tour, mais il 
faut bien admettre que plusieurs des plus illustres dirigeants du Front 
national affichaient ouvertement leur scepticisme quant à la fiabilité de ce 
diagnostic.
Arrive enfin ce 21 avril 2002. Je passe la journée dans un état second.
J'y crois ? je n'y crois pas ? je ne peux pas y croire ? j'aimerais tellement y 
croire ? c'est évident ? ça ne peut pas se passer autrement...
Plus on approchait de la barre fatidique du 20 h, plus mes certitudes 
vacillaient.
Ayant hérité de surcroît du caractère superstitieux des Bretons, je cherchais 
partout des signes du destin qui, hélas, n'en finissaient pas d'être 
contradictoires. Et même lorsque, à 19 h, je suis rentrée dans le bureau de mon 
père et qu'avec un sourire, il m'a fait un grand clin d'oeil, je n'ai voulu y 
voir qu'un signe de complicité... avant de comprendre, médusée, qu'il 
s'agissait bien de cela : il était au second tour !
Je me suis jetée dans ses bras en pleurant. D'ailleurs, je vais pleurer de joie 
toute la soirée, comme une gosse.
Pourtant, j'ai encore peur que cela change, pour je ne sais quelle raison 
rationnelle ou irrationnelle : un
221
mauvais décompte, les résultats des DOM-TOM qui changeraient la donne. Je ne 
sais...
Lorsque PPDA apparaît à l'écran quelques minutes avant 20 h pour annoncer, avec 
sa tête d'enterrement, que les résultats sont «une grosse surprise », je sens 
que c'est vraiment gagné.
A 20 h, les photos de Le Pen et de Chirac s'affichent et une vague d'émotion 
pure déferle sur la salle. Tout le monde pleure, hurle, s'embrasse. Une si 
belle victoire, enfin, en récompense des années de sacrifices, de blessures, 
d'un combat mené jour après jour depuis de si longues années !
Mon père est dans son bureau, enchaînant les interviews. Il fera ce soir-là une 
de ses plus belles interventions sur la cohésion nationale.
Après avoir exprimé sa gratitude à l'égard de tous ceux qui l'ont soutenu, il 
leur dit :
«N'ayez pas peur. Rentrez dans l'espérance. L'événement, c'est le 5 mai. N'ayez 
pas peur de rêver, vous les petits, les sans-grade, les exclus. Ne vous laissez 
pas enfermer dans les vieilles divisions de la gauche et de la droite. Vous, 
qui avez supporté depuis vingt ans toutes les erreurs et les malversations des 
politiciens. Vous, les mineurs, les métallos, les ouvrières et les ouvriers de 
toutes ces industries ruinées par l'euro-mondialisme de Maastricht. Vous, les 
agriculteurs aux retraites de misère et acculés à la
222
ruine et à la disparition. Vous, qui êtes les premières victimes de 
l'insécurité, dans les banlieues, les villes et les villages.
J'appelle les Françaises et les Français, quelles que soient leur race, leur 
religion ou leur condition sociale, à se rallier à cette chance historique de 
redressement national.
Sachez que, homme du peuple, je serai toujours du côté de ceux qui souffrent, 
parce que j'ai connu le froid, la faim, la pauvreté. Je veux reconstruire la 
cohérence de notre grand peuple français, l'unité de la République, 
l'indépendance de la France, notre patrie, rétablir la sécurité sur l'ensemble 
du territoire national et libérer nos compatriotes du fiscalisme et de la 
bureaucratie. (...) »
Mais ce n'est pas le moment de se reposer sur ses lauriers : la profession de 
foi du second tour, tirée à près de 40 millions d'exemplaires, doit être chez 
l'imprimeur le lendemain matin, lundi, à 10 heures. Il faut la rédiger et la 
maquetter. Nous y passerons, entre amis, le reste de la nuit, dans un minuscule 
bureau et dans une ambiance fantastique, mélange de ferveur et d'émotion. Il y 
avait là Samuel, Jean-François, Stéphane, Éric, Milou, Louis et Olivier, ceux 
que nos amis du Front appelleront plus tard «les night-clubbers » parce qu'ils 
sont jeunes, talen-
223
tueux, heureux de vivre, et qu'ils savent même travailler la nuit en gardant 
enthousiasme et sourire !
« La France retrouvée » sera le slogan de ce deuxième tour, un slogan récupéré 
quelques années plus tard par Sarkozy... Décidément !
Au Front, on n'a pas de pétrole, de boîte de com, de boîte de pubs, ni des 
centaines de salariés, mais on a des idées si bonnes, semble-t-il, que tout le 
monde cherche à les copier.
Cette équipe de trentenaires et de jeunes quadras, qui constituera plus tard 
l'ossature de « Générations Le Pen », était très présente durant la préparation 
du premier tour, travaillant d'ailleurs en bonne intelligence avec Bruno 
Gollnisch et ses adjoints.
Mon père trouvait auprès de nous, je pense, un dynamisme, une foi et une 
énergie précieuses. Je regrette pourtant que, durant ce deuxième tour, nous 
ayons un peu perdu le contact...
A sa demande, nous nous étions réunis avant le premier tour pour l'envisager, 
ce fameux second tour. Or, je dois admettre aujourd'hui que rien ne s'est 
déroulé comme nous l'avions prévu.
Nous pensions par exemple avoir les pires soucis pour diffuser nos documents 
par la poste ? comme cela avait été le cas quelques années auparavant où 
certains postiers refusaient de distribuer notre matériel électoral ? et pour 
tenir nos meetings.
224
Ce ne fut pas particulièrement le cas.
Bien sûr, nous savions que toutes les autorités morales, immorales et amorales 
du pays iraient de leur couplet sur le danger fasciste et autres âneries de la 
même farine.
Mais pas à ce point...
Pas ce déferlement irrationnel où l'on a fini par entendre et lire n'importe 
quoi ! Pas les enfants retirés des écoles pour les entraîner en rang par deux 
dans des manifestations anti Le Pen ! Pas les bureaux de vote du second tour où 
l'on menaçait les électeurs qui osaient prendre les deux bulletins avant 
d'aller dans l'isoloir, et encore moins les bureaux de vote où il valait 
carrément mieux ne pas passer par l'isoloir ! Pas que l'adversaire du second 
tour refuserait le débat télévisé traditionnel. Pas cette caricature de 
démocratie où toutes les règles les plus élémentaires ? égalité de temps de 
parole entre les candidats, respect du scrutin, neutralité du service public et 
de l'école, confidentialité du vote ? ont toutes été bafouées et foulées au 
pied.
Ce que beaucoup de gens ignorent, c'est que les centaines de médias étrangers 
qui ont suivi ce deuxième tour ont eu des mots d'une grande dureté devant le 
spectacle de république bananière auquel la France les a conviés entre les deux 
tours.
Les autorités, qu'elles soient politiques, journalis-
225
Ce ne fut pas particulièrement le cas.
Bien sûr, nous savions que toutes les autorités morales, immorales et amorales 
du pays iraient de leur couplet sur le danger fasciste et autres âneries de la 
même farine.
Mais pas à ce point...
Pas ce déferlement irrationnel où l'on a fini par entendre et lire n'importe 
quoi ! Pas les enfants retirés des écoles pour les entraîner en rang par deux 
dans des manifestations anti Le Pen ! Pas les bureaux de vote du second tour où 
l'on menaçait les électeurs qui osaient prendre les deux bulletins avant 
d'aller dans l'isoloir, et encore moins les bureaux de vote où il valait 
carrément mieux ne pas passer par l'isoloir ! Pas que l'adversaire du second 
tour refuserait le débat télévisé traditionnel. Pas cette caricature de 
démocratie où toutes les règles les plus élémentaires ? égalité de temps de 
parole entre les candidats, respect du scrutin, neutralité du service public et 
de l'école, confidentialité du vote ? ont toutes été bafouées et foulées au 
pied.
Ce que beaucoup de gens ignorent, c'est que les centaines de médias étrangers 
qui ont suivi ce deuxième tour ont eu des mots d'une grande dureté devant le 
spectacle de république bannière auquel la France les a conviés entre les deux 
tours.
Les autorités, qu'elles soient politiques, journalis-
225
tiques, religieuses, ont toutes perdu la boule, donnant de notre pays une image 
durablement flétrie. Cela au nom de la démocratie !
Mais quelle démocratie ?
99 % du temps d'antenne télévisuelle et radiophonique, tous les journalistes, 
les éditorialistes, l'ensemble des papiers de la presse écrite furent durant 
quinze jours des appels à faire battre Jean-Marie Le Pen, quand ce n'était pas 
purement et simplement des appels à la violence. Toutes les associations 
possibles et imaginables y allèrent de leur communiqué de condamnation, jusqu'à 
l'association des Victimes de l'amiante... Quel rapport avec Le Pen ?
A quelques jours d'intervalle, Olivier Mazerolles, qui parlait courtoisement à 
Le Pen avant le 21 avril, l'interrogeait entre les deux tours comme s'il était 
le pire des criminels.
France Inter, qui s'était fait remonter les bretelles par le CSA en raison de 
sa scandaleuse partialité, n'avait rien trouvé de mieux que de dire : « 
Puisqu'on nous oblige, pour des raisons d'égalité de temps d'antenne, à parler 
de Le Pen, on va en parler... » La station diffusa alors le « Horst Wessels 
Lied », l'hymne officiel nazi, pendant que le journaliste répétait durant de 
longues minutes « Le Pen, Le Pen, Le Pen, Le Pen... ». Les mêmes qui 
n'hésiteraient pas, du moins je le suppose, à se dire scanda-
226
usés de la violation des règles démocratiques dans tel ou tel pays africain !
Cette élection présidentielle n'a été, en réalité, qu'un révélateur de la grave 
maladie dont se meurt la démocratie en France, et du profond mépris dans lequel 
les dirigeants de notre pays tiennent le choix du peuple français.
Les millions de Français qui ont voté Le Pen et qui, scrutin après scrutin, 
confirment la place de ce parti dans le paysage politique français, n'ont 
toujours aucune représentation à l'Assemblée nationale, laquelle est pourtant 
censée être, justement, l'émanation du peuple.
 chaque élection, le gouvernement tripatouille le mode de scrutin dans 
l'unique but ? avoué, d'ailleurs ! ? d'empêcher le Front national d'avoir le 
moindre élu (parfois cela fonctionne, parfois moins bien...).
L'équilibre médiatique est un mensonge. Ainsi, les chiffres de temps de parole 
du Front national dans les journaux télévisés en 2005 (source Conseil Supérieur 
de l'Audiovisuel) sont les suivants : 2,43 % pour TF1 ; 0,84 % pour France 2 ; 
1,03 % pour France 3 ; 1,44% pour Canal + ; 1,60 % pour M6.
Or, la pluralité de l'information est un des fondements de la démocratie, car 
pour autant que le vote soit libre et secret, encore faut-il que les électeurs
227
soient informés des idées et des programmes qui leur sont réellement proposés 
et n'aient pas uniquement accès à une mauvaise caricature exposée par des 
adversaires politiques.
Alors c'est vrai, nous n'étions pas assez préparés à ce second tour. Nous 
n'étions même pas préparés du tout, pour ne l'avoir jamais vécu.
Nous y avons bien sûr commis des erreurs, comme celle qui consiste à laisser le 
candidat, lors d'une conférence de presse géante de 400 journalistes, répondre 
pendant des heures à des centaines de questions aussi décousues et éloignées 
les unes des autres.
L'erreur aussi de ne l'avoir pas assez préservé.
Nous n'avions pas suffisamment de recul, submergés que nous étions par les 
demandes d'intervention de la planète entière, auxquelles, pour partie, nous 
aurions dû dire non.
Nous étions profanes en la matière. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Nous voulions, je l'ai dit, faire preuve d'imagination dans cette 
présidentielle, sortir des sentiers battus et du politiquement conforme. En 
cela, l'histoire de l'affiche du second tour est emblématique.
Ma soeur Yann avait alors eu l'idée de cette affiche en noir et blanc. Son 
objectif : montrer le vrai Le Pen, celui que nous connaissions, souriant, en 
pull marin.
228
Elle l'avait proposée pour le premier tour et nous avions été quelques-uns à 
avoir appuyé sans réserve cette idée. Mais cette proposition fut refusée. 
D'aucuns, dans les hautes sphères, trouvaient que le candidat ne faisait pas 
assez « présidentiable », que le costume-cravate était incontournable, que la 
tenue décontractée de Le Pen ne faisait pas assez officielle, trop dilettante, 
trop nature...
À regret, mon père en avait donc abandonné l'idée, écoutant la voix de la « 
raison ». Cette idée l'avait pourtant immédiatement séduit, lui qui a toujours 
été le plus créatif du FN et trouvé la plupart des slogans de l'histoire du 
mouvement.
Bref, c'était mal connaître Yann qui a la tête dure et, sur ce plan, un 
instinct rarement pris en défaut.
C'est ainsi que, sans en prévenir personne, sauf Jean-Michel Dubois, elle 
décida d'imprimer malgré tout cette affiche et d'en placarder tous les derniers 
meetings de campagne. Le succès fut immédiat : c'est précisément cette 
affiche-là que les militants choisirent en priorité !
Ils furent même si enthousiastes que la décision fut prise d'en faire l'affiche 
officielle du second tour. Du jamais vu dans l'histoire des partis politiques 
de la Ve République !
Cette affiche restera chez nous comme la marque de fabrique de cette 
présidentielle, vraie, nature et
229
chaleureuse. Nombre de militants nous rapporteront d'ailleurs les remarques 
sidérées et sidérantes de certains électeurs se disant « outrés » que Le Pen « 
puisse s'afficher avec un visage aussi souriant », qui, de surcroît, empêchait 
la caricature ! Difficile en effet de lui griffonner sur ce cliché, comme ils 
en avaient l'habitude, une moustache à la Hitler...
Pour en revenir au scrutin et à la présence de mon père au second tour de cette 
élection, il faut se souvenir que les « politologues » se sont perdus en 
conjectures sur les raisons de ce résultat, allant même jusqu'à s'accuser les 
uns les autres d'en être les responsables.
C'est ainsi que TF1 fut sommé de se justifier sur l'évocation, quelques jours 
avant le premier tour, d'un fait divers au cours duquel un pauvre papy avait 
été dévalisé et violemment frappé par une bande de jeunes qui avait en plus 
incendié sa maison.
Appliquant les bons vieux principes qu'ils utilisent en permanence, les 
donneurs de leçons reprochèrent à TF1 de ne pas avoir caché la vérité aux 
Français, peuple d'enfants et de vieilles dames apeurées ? en tout cas pas 
assez mature ni suffisamment intelligent pour pouvoir se faire une opinion de 
la situation réelle du pays, et donc incapable de savoir ce qui est bon pour 
lui. On connaît la chanson : « Dormez
230
sur vos deux oreilles, braves gens... ceux qui se sont toujours trompés 
veillent sur vous ! »
L'insécurité a-t-elle fait pour autant l'élection de 2002 ? Oui, sûrement, 
comme le chômage, le trou de la sécu, la crise des retraites, l'écrasement 
fiscal des individus et des entreprises, l'immigration, l'abandon de toutes les 
valeurs, la disqualification du travail, l'affaiblissement international de la 
France, son incontestable déclin économique, la disparition progressive de nos 
libertés individuelles. Bref, le constat qu'il n'y a pas un seul domaine dans 
lequel nos dirigeants aient fait preuve de prévoyance, de raison et de 
compétence.
Mais il est vrai que l'aggravation de la délinquance reste un des sujets 
d'inquiétude majeurs de nos
concitoyens, et à juste titre.
Le Gouvernement nous berce depuis des années avec des chiffres dont tout le 
monde sait qu'ils sont inexacts ou faux.
En 2002, au moment où le Gouvernement évoquait 4,5 millions de crimes et 
délits, une enquête de victimisation de l'INSEE annonçait, elle, un chiffre de 
16,5 millions. Soit quatre fois plus ! Excusez du peu.
Mais au-delà de cette augmentation faramineuse qui est un des indicateurs de 
régression de notre société les plus inquiétants, il faut aussi relever que
231
cette délinquance a changé de nature. J'ai pu voir cette évolution en quinze 
ans, mais elle a commencé en réalité il y a vingt-cinq ans.
Les faits montrent que nous sommes en grande partie passés d'une délinquance 
immorale à une délinquance amorale.
Dans le passé, compte tenu de l'éducation reçue et des principes que la société 
savait transmettre, notamment par l'intermédiaire de son école, de ses 
institutions, de son armée et de ses églises, ceux qui commettaient un crime, 
un délit, ceux qui violaient la loi, le faisaient consciemment. Les délinquants 
connaissaient les règles, les transgressaient délibérément et prenaient en 
connaissance de cause la responsabilité de ne pas s'y conformer. Il était donc 
plus facile pour eux de comprendre la peine à laquelle ils étaient condamnés.
Or, depuis un certain nombre d'années, on est confronté à une délinquance bien 
plus dangereuse car amorale, conséquence de l'effondrement des règles morales 
et civiques, de l'incurie de l'Éducation nationale à en imposer les bases, et 
il faut bien le dire aussi, de l'inassimilation revendiquée de certains fils 
d'immigrés.
Pour une bonne partie, les délinquants n'ont même pas conscience de violer la 
loi, n'ayant jamais acquis les fondements de celle-ci.
232
Avec effarement, on voit des jeunes criminels qui trouvent normal de violer une 
femme à plusieurs dans une cave, d'assassiner un homme qui leur a refusé une 
cigarette, d'arracher le sac d'une pauvre vieille, d'asperger d'essence une 
jeune fille parce qu'elle s'est refusée à eux, ou de torturer un innocent.
Ceux-là, qui n'ont pas intégré les valeurs ni même les règles fondamentales de 
notre société, sont de véritables dangers publics car ils sont en général 
inaccessibles à la moindre raison et a fortiori à la moindre peine.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Dans son dernier rapport, l'Observatoire national de la délinquance a dressé un 
sombre constat (que les Français, hélas, avaient fait bien avant lui) .
En un an, les violences dites « non crapuleuses », c'est-à-dire gratuites, ont 
progressé de 9 %, soit une moyenne de 500 agressions déclenchées « la tête du 
client », chaque jour, en France... officiellement.
Ce chiffre n'inclut pas, bien sûr, les agressions non déclarées ; certains de 
nos compatriotes terrorisés n'osent, même plus aller se plaindre, soit parce 
qu'ils n'ont aucun espoir qu'on retrouve leurs agresseurs, soit par peur des 
représailles.
Ces «nouveaux» délinquants sont les enfants de nos gouvernants qui, par 
lâcheté, les ont laissés prospérer et se multiplier. Or, comme disait Albert 
Einstein :
233
« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui les 
regardent sans rien dire. »
Dans ce domaine comme dans tant d'autres, c'est donc bien la responsabilité des 
gouvernements qu'il faut aller rechercher, ceux qui ont sans cesse, depuis 
vingt ans, justifié inlassablement la délinquance, laissé faire en refusant 
toute répression et culpabilisé ceux qui osaient s'en plaindre.
Aujourd'hui, personne n'est épargné, et jusque dans le fin fond des campagnes 
françaises, les petits maires ruraux hésitent à organiser leur fête de village 
annuelle de peur de voir débarquer de la ville voisine des bandes de voyous.
Cette délinquance continue son escalade, et le bilan de M. Sarkozy est, sur ce 
point comme sur tant d'autres, nul !
Il n'est donc un secret pour personne que, comme en 2002, l'insécurité sera 
encore un des thèmes centraux de la prochaine présidentielle.
Mais revenons à 2002.
L'après-midi du 5 mai, nous savons que la diabolisation a fonctionné à plein et 
nous nous attendons au score « soviétique » de Chirac.
Revenant de Lille où je suis allée voter, je croise Alain Vizier, vieil ami et 
responsable de la presse, dans un couloir du Paquebot.
234
« Tout le monde est dispersé sur les plateaux et auprès des radios. Je n'ai 
plus personne à disposition. Il faut que tu ailles à la télévision ce soir 
commenter les résultats. »
Je me retourne pour regarder s'il ne parle pas à quelqu'un d'autre que moi...
Non. C'est bien à moi qu'il s'adresse.
Ma réponse fuse : « Ça va pas la tête ! »
Mais il a l'air sérieux.
Je me lance alors dans un discours senti sur le caractère hautement fantaisiste 
de sa demande. Tout y passe... Je ne suis que la modeste directrice du service 
juridique, je vais être tétanisée par le trac, je n'ai aucune légitimité 
particulière, je vais m'évanouir sur le plateau, je ne m'en sens pas capable, 
etc.
Rien n'y fait. Il faut y aller !
A choisir, j'aurais quand même préféré aller commenter la victoire du premier 
tour !
C'est ainsi que, bon petit soldat, le doigt sur la couture du pantalon, 
j'abandonne à regret mes camarades de combat pour rejoindre dès 19 h 30 le 
terrain miné de la soirée électorale.
Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, j'arrive sur le plateau totalement 
ignorante des règles du jeu ; règles non expressément formulées mais auxquelles 
tout le monde se conforme, mélange de
235
condescendance et de langue de bois propre aux politiciens français 
professionnels.
Je le confesse : je n'ai de facilité ni pour l'un, ni pour l'autre.
Et somme toute, un peu inconsciente de l'enjeu, je m'amuse... Je remercie ainsi 
mes interlocuteurs pour l'hommage appuyé qu'ils rendent aux vingt ans de la 
disparition de Dalida : « encore des mots, toujours des mots... les mêmes mots 
».
Ma naïveté, qui n'est pas feinte, me sert et je suppose que ma franchise 
apparaît, clans le contexte finalement très consensuel, comme une formidable 
audace.
Puis la soirée se termine, comme souvent au Front quels que soient les 
résultats, dans la bonne humeur, entre amis et militants ? pas si déçus que 
cela, au fond. Je pars me coucher sans imaginer une demi-seconde le tournant 
que cette soirée allait faire prendre à ma vie...
Je suis donc abasourdie lorsque, dès le lendemain, Main Vizier me fait part de 
demandes d'interviews diverses.
Je ne suis pas la seule étonnée, d'ailleurs. Mon père l'est aussi face à ce 
soudain intérêt pour moi. En effet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, 
il ne considérait pas que sa fille, parce qu'elle était sa fille, possédait des 
qualités particulières. C'est d'ailleurs
236
au cours de cette campagne présidentielle que nous avons commencé à parler 
sérieusement de politique. Et quand je suis arrivée sur ce plateau de 
télévision, sa démarche a été la même que d'habitude : il a été le premier 
étonné. Comme il n'est pas du tout le genre de père à se dire : « C'est ma 
fille, donc elle va s'en sortir... », ce sont les autres qui viennent le lui 
dire et il en convient : « C'est vrai, vous avez raison. Finalement, elle se 
débrouille bien ! » Je le redis, son attitude est à l'inverse du népotisme. Il 
faut le convaincre et ça n'est pas toujours facile. Il est parfois même l'un 
des derniers à se rendre compte des qualités de ses enfants !
Rétrospectivement, je pense que ce qui plut alors aux médias était tout 
simplement la nouveauté et l'incongruité que constituait, dans leur esprit, la 
présence d'une jeune femme plutôt décontractée dans un mouvement que l'on 
caricaturait en permanence, le présentant comme un rassemblement d'individus 
machistes et violents.
Quoi qu'il en soit, c'est entourée d'une nuée de caméras et de micros que je 
pars faire campagne pour les législatives dans la 13e circonscription du 
Pas-de-Calais. Des journalistes du monde entier sont venus rencontrer « la 
fille du monstre », celle dont parle toute la presse française, et ils ont 
trouvé une jeune femme normale.
237
Français, Japonais, Suédois, Italiens... m'emboîtent le pas sur les marchés de 
Lens, à la grande fureur de mon adversaire socialiste qui parlera même de « 
concurrence médiatique déloyale » !
J'y vais tous les jours et tous les soirs, je rentre à Paris. Physiquement, je 
n'en peux plus. Les 400 kilomètres par jour me tuent. Il faut dire qu'avec 
Steeve Briois et Éric Iorio, mon futur mari, qui se présentent tous deux dans 
les circonscriptions voisines, nous ne ménageons pas nos efforts.
J'ai mauvaise conscience. Mes petits (qui ont 5 et 4 ans) commencent à pleurer 
en me voyant partir le matin et je suis déchirée entre mon devoir de militante 
et mon devoir de mère. Leurs petites têtes, à la fenêtre, reflètent une vraie 
tristesse que j'ai de plus en plus de mal à gérer.
Il est grand temps que ça s'arrête.
Nous avons déjà dans les jambes la campagne présidentielle, avec le mois de 
cauchemar à courir après des signatures de maires, puis le premier tour, le 
deuxième tour. Je termine cette législative littéralement sur les genoux.
C'est donc avec un plaisir non dissimulé que je vois arriver le 9 juin 2002, 
dernier jour de campagne. Enfin, c'est ce que je crois... jusqu'à la 
publication des résultats !
238
Jean-Claude Bois, candidat socialiste ...       38,2    %
Marine Le Pen           24,2    %
Yvan Druon, communiste          13,9    %
Beatrice Pernuy, UMP            13,3    %
Je suis donc à la manoeuvre pour le second tour, comme Steeve Briois, Eric 
Iorio et Louis Lecoeuvre, respectivement dans la 12e, 14e, l le circonscription.
Le bassin minier a voté massivement Front national, et je suis partagée entre 
l'immense fierté du résultat et la perspective de devoir faire une nouvelle 
semaine de campagne alors que je ne suis plus sûre d'en avoir encore la force.
Mais on a toujours plus de résistance qu'on ne le pense...
Ce deuxième tour sera particulièrement difficile. Socialistes et communistes 
ont fait alliance et ils sont ivres de rage devant nos résultats.
Le maire d' Harnes, une commune de ma circonscription, me le fera savoir le 
jour du deuxième tour, alors que je visite les bureaux de vote en me mettant, 
sans autre forme de procès, à la porte de la mairie ! C'est ce qu'on appelle 
une ambiance « chaudement républicaine »...
Il faut dire que j'ai fait 40 % dans sa ville, ce qui est un cinglant désaveu 
de sa politique dans une
239
circonscription qui vote socialo-communiste depuis soixante ans.
J'obtiens 32,3 % au second tour, soit la deuxième meilleure progression en 
France. Curieusement, ce résultat-là sera plus tard oublié, le moins bon qui 
suivra (celui des régionales après mon retour en Île-de-France, « terre de 
mission» pour le FN), les bonnes âmes du Front n'hésiteront d'ailleurs pas à me 
le rappeler sans cesse.
Les résultats nationaux du Front national ne sont du reste pas à la hauteur de 
nos espérances. La vague bleue est passée par là et les Français, lassés de 
l'irresponsabilité engendrée par la cohabitation, ont donné tous les pouvoirs à 
l'UMP.
Les députés du parti chiraquien entrent en force à l'Assemblée.
En ce qui me concerne, les sollicitations médiatiques ne faiblissent pas et je 
suis invitée en octobre par Christine Ocrent à « France Europe Express ».
Comme d'habitude, c'est Alain Vizier qui m'en informe, et comme d'habitude, je 
refuse... avant de me laisser convaincre, non sans avoir proposé de laisser ma 
place à Marie-France Stirbois.
Donner des interviews à des journalistes de la presse écrite, aller sur les 
plateaux de télévision commenter avec une brochette d'autres personnalités 
politiques des résultats électoraux, parler quel-
240
?~
ques minutes à la radio est une chose ; mais faire seule une émission de deux 
heures, en est une autre.
C'est absolument terrorisée que je m'installe sur le plateau après que Bruno 
Gollnisch, me prenant à part, m'eut mise en garde au dernier moment sur ce que 
j'allais dire de... l'avortement !
Cette émission fut la première d'une longue série, et même si le trac me 
reprend parfois sans prévenir, j'ai fini par m'habituer. Toutefois, je garde 
celle-ci dans mon coeur avec la mention « plus-grossefrayeur-de-ma-vie ».
Un certain nombre de personnes, au Front national, m'ont reproché cette 
médiatisation, accusant tour à tour notre attaché de presse, mon père ou 
moi-même d'en être responsables, m'accusant de monopoliser volontairement 
l'antenne au détriment des autres responsables du mouvement.
La vérité est infiniment plus simple : les journalistes choisissent ceux qu'ils 
invitent, et si vous déclinez l'invitation, eh bien... ils n'invitent personne, 
tout simplement !
Très sincèrement, j'aurais aimé qu'il en fût autrement.
D'abord parce que je considère que le Front national est un grand mouvement qui 
rassemble des millions d'électeurs et devrait, à ce titre, être beaucoup plus 
présent qu'il ne l'est dans les médias. Deuxiè-
241
mement, parce que j'estime que nombre des dirigeants du Front mériteraient 
d'avoir, eux aussi, la liberté d'exprimer leurs idées, car ils sont talentueux 
et compétents.
Troisièmement, et de manière égoïste, parce que la responsabilité est lourde 
lorsqu'on est, avec son Président, quasiment le seul porte-parole d'un aussi 
grand mouvement. L'angoisse de mal faire, de mal exprimer la pensée de millions 
de gens pèse, et la peur de décevoir devient difficile à supporter car j'ai une 
grande conscience du devoir qui est le mien dans le combat pour nos idées et 
notre idéal.
Enfin, et j'aurais aimé là aussi qu'il en fût autrement, il faut bien convenir 
que cette médiatisation m'a valu de solides inimitiés au sein de mon propre 
mouvement...
242
4.:
Chapitre XIII
        
En finir avec les caricatures...        
Je pensais très sincèrement que l'ensemble du   
Front national ne bouderait pas cette opportunité et    
serait heureux de l'ouverture médiatique qui s'offrait  
grâce a moi.    
J'ai tant entendu les responsables se plaindre qu'on    
ne parlait pas de nous ? plainte très légitime d'ail    
leurs ?, que cette « fenêtre de tir » médiatique per    
mettant de développer nos idées ne pouvait être que     
bien accueillie. De surcroît, la possibilité qui nous   
était donnée de faire connaître au public l'existence   
de jeunes responsables, cassait l'image de parti vieil  
lissant dont on nous affublait en permanence.   
J'admets, avec le recul, avoir fait preuve de   
naïveté.        
Si l'immense majorité des militants que je rencon       
trai durant l'année 2003, lors de plus d'une cinquan-   
243     
        
taire de dîners-débats, m'accueillit avec joie et chaleur, je sentais bien, en 
revanche, que cette soudaine notoriété faisait grincer quelques dents.
Les journalistes qui, bien entendu, adorent créer des conflits de personnes au 
sein des mouvements politiques, avaient très rapidement affirmé que je pouvais 
m'inscrire dans la succession possible de mon père, cela bien sûr sans me 
demander ni mon avis, ni mon sentiment, ni mon analyse.
J'étais persuadée que cette tentative ? cousue de fil blanc ? de faire naître 
une polémique au sein du Front national s'éteindrait d'elle-même.
Mon père avait été on ne peut plus clair sur le sujet, indiquant à maintes 
reprises que s'il devait se retirer, Bruno Gollnisch prendrait les rênes du 
mouvement jusqu'au congrès, lequel désignerait alors par un vote démocratique 
le nouveau président du Front national.
Nous étions tous assez aguerris pour ne pas courir après cette baballe que nous 
lançait la presse...
Et pourtant, dès le 6 juin 2002, à la question : « Que pensez-vous de la montée 
en puissance de Marine Le Pen ? », Bruno répondait : « Je communiquerai en 
temps voulu... ». Ce qui revenait à donner corps à la rumeur.
Cette réponse sibylline et les commentaires amers de certains autres cadres 
allaient contribuer à accré-
244
diter l'idée d'une compétition qui n'existait pourtant que dans l'esprit de 
ceux qui l'avaient créée, en l'occurrence les médias.
J'eus beau me débattre, expliquer sur tous les tons que je n'avais ni vues ni 
prétentions sur la présidence du Front national, rien n'y fit. Plus je m'en 
défendais, plus on me prêtait cette ambition et plus certains s'en persuadaient 
et en persuadaient d'autres.
Un cauchemar !
La joie qui était la mienne de pouvoir développer nos idées et convaincre de 
nouveaux Français, grâce à l'intérêt que les médias me portaient, se transforma 
bientôt en lassitude face aux querelles de personnes, devenues le sujet de 
toutes les discussions.
Décidant alors de traiter cette polémique par le mépris qu'elle méritait, je 
repris en 2002 l'association « Génération Le Pen » dirigée par un ami fidèle, 
Jean-Lin Lacapelle et dont je viens de transmettre la présidence à 
Marie-Christine- Armantu, cadre commercial à Air France et femme exceptionnelle.
Cette association avait pour vocation de s'exprimer à l'extérieur du Front. Il 
m'apparaissait que ceci aurait dû suffire à rassurer ceux qui ne portaient un 
intérêt qu'au fonctionnement interne de notre parti.
Lors d'une assemblée générale d'une trentaine de jeunes où Jean-Marie Le Pen 
s'était invité et qui se
245
termina dans le jardin de Montretout bien plus tard que prévu, nous décidâmes 
d'adjoindre un « s » à Génération puisque tout le monde, quel que soit son âge, 
était au fond bienvenu dans cette association.
Ce pluriel allait pourtant servir de révélateur, ouvrant la boîte de Pandore 
d'où s'échapperaient de bien mauvais génies.
Il est vrai que « Génération Le Pen » avait été constitué quelques années plus 
tôt autour d'une bande de jeunes cadres et élus, avec la bénédiction de Carl 
Lang, alors secrétaire général du mouvement, dans le but de s'opposer à la 
mainmise de Mégret sur l'appareil.
Ce n'était pas la mutinerie dans le Paquebot, mais un contre-pouvoir dans la 
salle des machines.
Bien que majoritairement trentenaires, nous avions tous entre quinze et vingt 
ans de carte au FN : nous étions des « bébés Le Pen » dont le Front national 
avait été le premier, et pour beaucoup le seul, engagement politique. Un grand 
nombre avaient fait leurs armes dans les rangs du FNJ, le Front national de la 
Jeunesse que dirigeait à cette époque Samuel Maréchal. Ce mouvement de jeunesse 
est en effet, comme dans tous les partis politiques qui en sont dotés, une 
pépinière de futurs cadres.
Nous avions bien entendu notre vision du Front, de ses défauts et de ses 
qualités.
246
C'est tout cela que nous exposions à Le Pen lors de cette assemblée générale.
Et le constat que nous faisions alors était celui-d : le Front national est un 
parti d'opposition efficace. Il a acquis ses galons en faisant preuve de 
clairvoyance, hélas, et plus souvent qu'A son tour de courage.
Mais si ses idées rencontrent l'aval de plus en plus de Français, trop nombreux 
sont encore ceux qui ne le trouvent pas suffisamment crédible pour pouvoir 
gouverner.
« Vos idées sont bonnes, mais on préférerait que d'autres que vous se chargent 
de les appliquer », voilà ce que nous nous entendons dire souvent.
Comment s'en étonner du reste, nos adversaires s'étant depuis vingt ans 
évertués à répéter que nous n'avions pas de programme, que derrière Le Pen il 
n'y avait personne, que nous n'avions pas dans nos rangs de hauts 
fonctionnaires... que sais-je encore.
Tout cela est faux.
Les gens de qualité sont aussi présents au Front qu'ailleurs ; notre programme, 
s'il est perfectible n'en est pas moins sérieux, et au vu de ce que certains 
énarques apportent à la France, on s'en passe finalement très bien !
Reste qu'il fallait tout de même asseoir notre action, affûter nos chiffres et 
nos données économiques, nous adjoindre des expertises solides de la
247
        248
société civile, nous ouvrir vers l'extérieur, former encore et toujours nos 
cadres pour qu'ils acquièrent le sérieux et le professionnalisme attendus de 
tous.
Il fallait chercher des pistes de réflexion pour mieux faire passer notre 
message. Il fallait profiter de l'arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour 
des présidentielles pour asseoir le crédit politique du Front national. 
Apparaître non plus comme un parti d'opposition mais comme un parti prêt à 
gouverner.
Enfin, l'objectif de Génération Le Pen n'était évidemment pas de concurrencer 
le Front ou de faire de l'ombre à ses cadres ? dont nous étions ?, mais 
d'apporter une pierre nouvelle à l'édifice sans prétendre se poser en 
détenteurs de la vérité ou en donneurs de leçons.
Pour cela, il fallait faire peau neuve, c'est-à-dire se débarrasser de la 
tunique de Belzébuth dont on nous a affublés depuis trop longtemps.
Est-il admissible que nos militants, nos candidats ne puissent pas faire de la 
politique normalement encore aujourd'hui, que nos meetings soient attaqués, 
qu'on ne puisse tenir une conférence de presse sans recevoir des oeufs ou des 
cailloux, que notre accès aux médias soit toujours fixé sur le strict minimum 
accordé par la loi ?
Le Front national a été victime d'une diabolisation
délirante depuis deux décennies, diabolisation qui, même si nous avons commis 
parfois des erreurs ou mal apprécié des situations, est due en très grande 
partie à nos adversaires politiques.
Ce qui a par ailleurs sa logique.
Un grand nombre de forces politiques et d'associations ne vivaient et ne vivent 
toujours qu'en réaction au Front national. Elles avaient donc tout intérêt A 
faire de notre mouvement l'épouvantail de la politique française. Il n'y avait 
que des bénéfices pour elles à forcer le trait, à rendre la caricature la plus 
repoussante possible.
Quid, en effet, de SOS Racisme ou du MRAP s'ils ne parvenaient pas à convaincre 
les Français que le Front national est un parti raciste ? Quid de la LICRA si 
le FN était autre chose qu'un ramassis d'antisémites ? Quid de Ras l'Front, du 
SCALP et autres activistes antifascistes s'il n'existait pas de risques 
fascistes ? Nous étions tout à la fois leur raison d'être et un utile « abcès 
de fixation » pour leurs troupes agitées. Il faut se souvenir, par exemple, des 
conditions fort éclairantes dans lesquelles SOS Racisme fut porté sur les fonts 
baptismaux.
Nous sommes alors fin 1984. Le Front national a fait une formidable percée aux 
européennes du mois de juin précédent. La gauche, au pouvoir depuis trois ans, 
est contrainte de faire face au principe de réalité.
249
Il lui en a déjà coûté trois dévaluations et deux gouvernements. Fabius arrive 
pour incarner « le changement du changement » et épauler Jack Lang dans la 
«politique rock» qui lui a acquis les faveurs des plus jeunes. La méthode 
choisie est cette fois aussi machiavélique que subtile : il s'agit de créer de 
toutes pièces une «génération morale » tout acquise à François Mitterrand, 
laquelle ne pourra s'élever que contre un repoussoir. Il faut donc, dans le 
même temps, inventer et promouvoir l'image d'une France raciste et xénophobe : 
ce sera le Front national qui tiendra ce rôle, comme à Guignol.
Dans un livre qu'il publia d'ailleurs en Suisse', personne n'ayant osé 
l'accepter de ce côté-ci de la frontière, Jean-Pierre Colin, ami intime du 
ministre de la Culture et chargé de mission à ses côtés, racontait qu'ils 
avaient eu tous deux une conversation au lendemain du premier passage de Le Pen 
à «l'Heure de vérité ». Faisant part à Lang de ce qui lui semblait pouvoir être 
un danger, celui-ci lui répondit : « Pas du tout. Avec un bon score du Front 
national au premier tour d'une élection, la droite sera cassée dans son élan et 
nous garderons des chances de l'emporter. »
1. Jean-Pierre Colin, L'acteur et le roi ? Portrait en pied de Jack Lang, Georg 
éditeur, 1994.
250
C'est dans cet esprit qu'est lancé SOS Racisme dont les slogans sont élaborés 
directement par la cellule communication de l'Élysée, de même que le badge, ce 
fameux petit insigne jaune, à la fois rappel de la main de Fatma du Prophète et 
allusion très ambiguë à l'étoile juive de sinistre mémoire. C'est Globe, le 
magazine de Pierre Bergé et de Bernard-Henri Lévy (lequel est également 
co-directeur de l'Agence de presse SOS-Racisme) qui servira de caisse de 
résonance. Écrivant l'histoire quelques années plus tarde, Harlem Désir, 
premier président de SOS Racisme, avouera : « Il nous fallait devenir à la mode 
et pour cela être adoptés par cette petite société parisienne qui décide de ce 
qui a droit à l'existence et de ce qui doit retourner aux poubelles de 
l'histoire [...j Bernard-Henri Lévy nous a ouvert les portes que nous 
cherchions à forcer. » Et il ajoute :
«Mais il nous fallait aussi obtenir le soutien des Éblouis, jour- nalistes. 
blouis, nous l'écoutions réciter négligemment l'annuaire du Gotha parisien. » 
C'est ainsi que Jack Lang va offrir généreusement, sur les fonds du ministère 
de la Culture, la coquette somme de 1,3 millions de francs pour la soirée de 
lancement de SOS Racisme, le 16 juin 1985, place de la
1. Harlem Désir, Touche pas à mon pote, Grasset 1986.
251
Concorde (beau symbole !). à cette occasion, Marek Halter, parrain du 
mouvement, écrit dans Le Monde : « "La fin du XXe siècle sera marquée par le 
retour du spirituel, ou le XXIe siècle ne sera pas" disait Malraux. Le x;Ge 
siècle sera donc. Les centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes qui 
portent le badge "Touche pas à mon pote" annoncent ce retour au spirituel, à 
une morale minimale, faute de quoi les hommes se dévoreront vivants. »
En guise de morale antiraciste, le Gouvernement avait donc créé, pour les 
dresser l'une contre l'autre et terrasser l'adversaire du milieu, deux France 
distinctes par leur couleur. Cela méritait d'être rappelé.
Nous verrons plus tard quelles gravissimes conséquences aura engendrées cette 
opération en termes de communautarisme.
Les purs fantasmes créés autour du Front national auront fait vivre grassement 
bien des gens, aux frais des contribuables qui plus est ! Tout cela pour 
aboutir, en novembre 2005, aux émeutes de banlieue, témoignage flagrant de 
l'échec de cette politique... Belle leçon de morale, en effet !
Il faut dire aussi que toute cette mascarade arrangeait bien les partis 
traditionnels, lesquels voyaient dans nombre de nos propositions et de nos 
résultats électoraux le reflet de ce qu'ils n'avaient ni le courage de 
proposer, ni la volonté d'appliquer,
252
toutes leurs forces étant tournées vers un unique objectif: se démarquer du 
vilain Front national.
La « Gauche de droit divin», comme l'a nommée Jean Baudrillard, cette gauche 
anatomiquement moralisatrice puisque le coeur est de son côté, aura au moins 
réussi à mener à bien une entreprise : celle qui consistait à si bien assimiler 
la droite au mal qu'elle l'a culpabilisée au point de la convertir à ses 
propres idéaux.
Parvenus à ce point de l'histoire, c'est-à-dire au succès inouï au premier tour 
de Le Pen malgré les manipulations de la classe politique, nous nous devions 
désormais de faire acte de pédagogie et de transparence ; nous devions ouvrir 
nos dîners-débats et nos réunions à tous, y compris aux médias afin qu'ils 
voient que nous n'étions pas des nostalgiques bottés et casqués, la matraque à 
la main. Que les électeurs du Front national n'étaient pas les abrutis, les 
archaïques, les imbéciles, les racistes, les peureux, les angoissés de l'avenir 
qui étaient systématiquement décrits et décriés avec mépris.
Ils sont des patriotes.
Ils aiment leur pays.
Nous devions nous battre pour leur rendre leur fierté ; or en luttant contre 
cette injuste diabolisa-
253
Lion, c'est leur honneur et leur considération que je voulais défendre.
On les accusait de vouloir retourner au Moyen Âge alors qu'ils sont pour moi 
ceux qui ont vu, su et compris avant les autres.
Il ne s'agissait en aucune façon, comme quelques grincheux du Front ont voulu 
le laisser croire, d'abandonner nos idées, de nous couler dans le moule d'un 
système condamné, mais de faire un effort sur la forme pour que de nouveaux 
Français se penchent enfin sur le fond.
Nous ne supportions plus d'entendre ce qu'ont entendu tous les militants, 
adhérents, candidats ou même simples électeurs du Front national: « Comment, 
toi, tu peux être FN ? » Ce qui signifiait : Comment toi, si sympa, si ouvert, 
si correct... en un mot si « normal », peux-tu être au FN ?
Parce que le FN n'est pas ce qu'on vous a montré, tout simplement.
Plus facile à dire qu'à faire...
Il n'empêche, et il faut le dire, que nous portons aussi notre part de 
responsabilité dans cette mauvaise image, mais nous avions en cela des 
circonstances atténuantes.
En particulier, et c'était parfaitement humain, certains de ceux qui se 
battaient depuis longtemps avaient développé une sorte de paranoïa, craignant
254
systématiquement tout ce qui ne provenait pas du cercle fraternel et rassurant 
du mouvement.
 force de prendre des coups de toutes parts, on en oubliait de temps en temps 
de poser l'armure et, de fait, beaucoup voyaient arriver des ennemis là oû il y 
avait seulement des hommes de bonne volonté. Il fallait donc oeuvrer à 
retrouver un contact plus facile avec les autres, sans les envisager a priori 
comme des adversaires.
De surcroît, il fut facile à nos contradicteurs de nous coller l'épithète 
d'extrémistes lorsque nous n'avions, pour nous exprimer, que quelques minutes 
grapillées ici ou là.
Par définition, la modération découle de l'explication, or l'explication 
nécessite du temps. Un temps qu'on ne nous a jamais accordé, l'espace 
médiatique étant si restreint que le Front a été contraint de procéder par 
slogans, lesquels par définition, excluent la nuance.
C'est le manque de temps qui rend caricatural.
L'objectif de « Générations Le Pen» était de mener aussi le combat sur ce 
terrain-là. Pouvoir et savoir imposer nos nuances, l'équilibre des propositions 
qui sont les nôtres et que nous ne pouvons exprimer faute de temps.
Ce constat en amenait évidemment un autre : nous devions cesser l'évocation de 
sujets qui, d'un autre
255
systématiquement tout ce qui ne provenait pas du cercle fraternel et rassurant 
du mouvement.
À force de prendre des coups de toutes parts, on en oubliait de temps en temps 
de poser l'armure et, de fait, beaucoup voyaient arriver des ennemis là oit il 
y avait seulement des hommes de bonne volonté. Il fallait donc oeuvrer à 
retrouver un contact plus facile avec les autres, sans les envisager a priori 
comme des adversaires.
De surcroît, il fut facile à nos contradicteurs de nous coller l'épithète 
d'extrémistes lorsque nous n'avions, pour nous exprimer, que quelques minutes 
grapillées ici ou là.
Par définition, la modération découle de l'explication, or l'explication 
nécessite du temps. Un temps qu'on ne nous a jamais accordé, l'espace 
médiatique étant si restreint que le Front a été contraint de procéder par 
slogans, lesquels par définition, excluent la nuance.
C'est le manque de temps qui rend caricatural.
L'objectif de « Générations Le Pen» était de mener aussi le combat sur ce 
terrain-là. Pouvoir et savoir imposer nos nuances, l'équilibre des propositions 
qui sont les nôtres et que nous ne pouvons exprimer faute de temps.
Ce constat en amenait évidemment un autre : nous devions cesser l'évocation de 
sujets qui, d'un autre
255
temps, créaient des polémiques et nous éloignaient des vrais soucis de nos 
compatriotes ? ces polémiques qui continuent à renforcer la caricature, à 
nourrir les accusations formulées de manière récurrente contre notre mouvement. 
Nous ne devions plus, non plus, avoir la moindre indulgence à l'égard 
d'individus dont la provocation gratuite fait le jeu de nos adversaires, et 
sont éminemment nocifs pour nos idées.
Je pense par exemple à ce 1 er mai où une chaîne nationale avait complaisamment 
filmé un groupe de jeunes skinheads qui, foulards sur le visage, levaient le 
bras devant la statue de Jeanne d'Arc en appelant à une « Europe blanche ! ».
Contrairement à ce que laissait entendre le reportage, ceux-là, arrivés 
plusieurs heures après, ne faisaient pas partie du défilé du Front national, ce 
qu'avait confirmé la justice devant qui nous avions déposé une plainte en 
diffamation.
Peut-être sans mesurer pleinement la portée de leurs agissements, souvent en 
nous reprochant d'être « trop à gauche » (dixit !), ces groupuscules ont 
largement contribué à donner du FN une image très éloignée de la réalité.
Je crois que l'immense majorité des personnes fréquentant de près ou de loin le 
Front national pense comme moi, mais il faut admettre que, face
256
à cette volonté de « dédiabolisation », certains dans l'appareil ont développé 
des réticences.
C'est le cas de Bruno Gollnisch qui s'interrogeait il y a quelques mois : « Je 
ne sais pas si nous réussissons malgré la diabolisation ou grâce à la 
diabolisation. »
Si ce questionnement avait un sens dans les années 1980, il est à mon avis 
aujourd'hui dépassé. Et ma réponse à cette équation posée par lui, c'est « 
malgré », tant je suis convaincue que le vote FN est un vote d'adhésion et non 
un vote de réaction.
Quant à la volonté qui est la mienne d'acquérir une culture de gouvernement, 
elle servit de fondement à une campagne de dénigrement interne qui me laisse 
encore aujourd'hui perplexe.
Dans une mauvaise querelle, version éculée du conflit entre les Anciens et les 
Modernes, on m'a accusée de tout et de n'importe quoi. Un petit groupe, 
toujours le même, interprétant ses variations sur un même thème...
Il y avait les machos classiques, m'accusant d'être une femme, donc stupide, 
évaporée, sans fond, sans amarre, prête à m'allonger avec le premier venu ? 
forcément ! ?, et sans doute mauvaise mère et mauvaise cuisinière.
Les jaloux congénitaux, eux, me disaient obsédée par la petite lucarne, 
intéressée que par l'image, sensible aux flatteries médiatiques.
257
Quant à la catégorie des nostalgiques, ils me reprochaient de ne pas savoir 
chanter «Maréchal nous voilà», ni réciter Maurras ou Léon Bloy dans le texte.
Mais ça, c'était l'entrée.
Le plat de résistance me fut confectionné par ceux que les journalistes 
nommèrent «les historiques », vocable sous lequel se retrouvaient en réalité 
des responsables bien différents les uns des autres, dont un grand nombre que 
je n'avais vus arriver au Front national que dans les années 80, pour devenir 
députés.
Adorateurs du complot, ils m'accusaient d'être manipulée ? par qui ? On ne 
savait pas trop, mais pourquoi, ça, on le savait !
Mon objectif, disaient-ils, était d'abandonner les « fondamentaux » du Front 
national pour, comme Gianfranco Fini en Italie, aller vendre mon parti à «la 
droite » contre un maroquin ministériel !
Rien que cela !
Il vaut mieux en rire qu'en pleurer.
Moi qui plaidais pour faire du Front national une force politique maître 
d'oeuvre d'un plus vaste rassemblement, qui pense toujours qu'un jour viendra 
où nous attirerons à nous des cadres, des élus, des électeurs qui, s'apercevant 
de l'impuissance de leurs mouvements respectifs, nous rejoindront
258
pour nous permettre, en passant la barre des 50 %, d'appliquer nos idées... 
j'étais accusée de haute trahison !
Je persiste à me convaincre que le fond de cette affaire est une 
incompréhension, un malentendu, même si les Bompard (le maire d'Orange), Antony 
et autre Baeckeroot (représentants d'une minorité des catholiques 
traditionnalistes) qui initièrent ces rumeurs ont l'intention, quand ils n'ont 
pas déjà sauté le pas, de vendre leurs idées en passant chez... Villiers, 
flotteur droit de la majorité UMP.
La vie a parfois tellement d'humour !
Alors, s'il faut pour la énième fois dissiper ce malentendu, à ceux qui sont de 
bonne foi, ceux qui ont vraiment à coeur l'avenir de notre pays et pas la 
defense de petits avantages acquis, je fais les mises au point suivantes.
Je pense que le Front national, s'il faut un jour un parti d'extrême droite, 
est aujourd'hui un grand parti populaire.
Qu'à ce titre, il doit s'apprêter à accueillir en son sein des millions de 
Français qui le rejoindront, non pas sur des éléments secondaires de son 
programme, mais sur son seul fondamental : «la défense de notre nation et de 
nos compatriotes ».
Que pour ce faire, il doit se tourner résolument
259
3.
vers l'avenir et que, sans oublier le passé, il doit cesser de se quereller sur 
les guerres d'hier.
Qu'il ne peut plus, n'en déplaise à certains, se contenter d'être le caillou 
dans la chaussure du système, mais se préparer à appliquer ses idées lorsque le 
peuple l'appellera.
Que, fidèle à ses idées, il doit néanmoins tenir compte de la société actuelle 
pour convaincre de son aptitude à gouverner.
Que les jalousies de personnes ou les rivalités de fonction sont stériles et 
nous éloignent de l'idéal devant lequel nous devons tous nous effacer.
Qu'il doit enfin être lui-même à l'image de notre pays, jeunes et vieux, 
fonctionnaires et professions libérales, paysans et employés, ouvriers et 
patrons, catholiques, musulmans, juifs et athées, femmes, hommes, anciens 
communistes ou déçus de l'UMP, rassemblement du peuple français lié par la 
politique, la vraie, dont Dostoïevski disait qu'« elle est l'amour de la 
patrie... rien que cela ! ».
Pour autant, ces coups de pieds en vache me blessèrent et me révoltent encore.
Le summum fut atteint au congrès du Front national de 2003 (chargé d'élire les 
instances représentatives du mouvement), où le mot d'ordre « TSM : Tous sauf 
Marine », avait été distillé consciencieuse-
260
ment auprès des délégués départementaux, consigne fondée sur des diffamations, 
des calomnies, la dénaturation de mes propos ou de mes objectifs. Je me trouvai 
ainsi reléguée de la dixième à la trente-quatrième place sur cent.
Ces opérations n'ont pas grandi ceux qui en sont les instigateurs et je reste 
face à un abîme de perplexité lorsque l'on sait que quelques-uns des 
responsables qui me poursuivaient de leur vindicte me connaissaient depuis le 
berceau! Ils m'ont vue évoluer, ils savent mieux que quiconque ce que j'ai 
vécu, quelle a été ma vie, quelles sont les épreuves auxquelles j'ai été 
confrontée, combien il a fallu parfois d'abnégation pour les surmonter et de 
courage pour ne jamais dériver.
J'imaginais qu'ils auraient à mon égard ne serait-ce qu'un a priori positif, 
qu'ils m'accorderaient au minimum le bénéfice du doute.
Non.
Quoi que je puisse faire ou dire, j'étais l'ennemi à abattre.
S'ils avaient utilisé seulement 30 % du temps qu'ils ont consacré à me faire 
des croche-pieds à combattre nos adversaires politiques, nous aurions doublé 
notre score aux dernières élections.
J'ai fini par admettre que «Là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie ».
261
Mais je me refuse à dépenser mon énergie pour contrer les petites bassesses 
d'une petite minorité lorsque l'immense majorité des patriotes lutte au 
quotidien et partage avec moi la certitude que nous avons mieux à faire... 
Sauver le pays, par exemple !
262
Chapitre XIV
D'élection en élection...
« Marine, économise-toi ! » m'avait conseillé mon père dès 2002, lorsqu'il 
m'avait vue me débattre entre mes déplacements dans les fédérations, les 
passages dans les médias, mes enfants et mon quotidien politique, qui 
nécessitaient souvent de travailler sept jours sur sept.
Naïvement, je lui avais alors répondu que ça ne durerait qu'un moment, que 
j'aurais le temps de me reposer plus tard...
Depuis, j'ai appris qu'en politique il se passe toujours quelque chose ; les 
campagnes succèdent aux campagnes, et il faut en effet mesurer son effort si 
l'on ne veut pas y laisser sa santé.
Celle de mon père étant insolente, je ne m'étais jamais rendu compte de 
l'aspect harassant d'une vie politique bien remplie. Et à cela il y a une raison
263
simple, entre autres : il n'y a que les soirs et les week-ends qu'on peut 
rencontrer nos compatriotes ; le reste du temps ils travaillent, et ces 
rencontres s'ajoutent à l'emploi du temps habituel.
Les électeurs ont souvent tendance à penser que les politiques se la coulent 
douce. Rien n'est moins vrai. En tout cas pas tous et surtout pas toutes ! 
J'avais ainsi eu l'occasion, interrogée par l'Observatoire de la parité, de 
rappeler que la politique était d'autant plus difficile à exercer pour une 
femme qu'elle entre en compétition directe avec la vie de famille.
Ceux qui n'ont jamais donné d'interview en direct à France Inter enfermé dans 
les toilettes parce que Jehanne hurle : « Maman, Louis a arraché la tête de ma 
Barbie ! », ne savent pas ce que signifie être une dirigeante politique avec 
trois enfants en bas âge...
L'année 2004 qui va voir se succéder, coup sur coup, élections régionales et 
élections européennes, ne va pas non plus être de tout repos !
La campagne commence en réalité un an auparavant.
Il faut dire que, disposant d'inf aiment moins de moyens que nos adversaires, 
nous avons pris l'habitude, telle la tortue, de partir plus tôt.
Je dois alors faire un choix.
264
Je suis à ce moment conseiller régional dans le Nord-Pas-de-Calais et les bons 
résultats que j'ai enregistrés aux législatives de 2002 poussent évidemment mes 
amis à me demander de rester avec eux.
Le choix est cornélien : ça me rend malade de les abandonner, mais en même 
temps mes enfants sont à Saint-Cloud et je ne me vois pas recommencer à avaler, 
chaque jour, quatre cents kilomètres, qu'il pleuve ou qu'il vente, pour mener 
correctement cette campagne.
De plus, l'île-de-France est devenue une véritable terre de mission. Le coût de 
la vie, l'insécurité, les problèmes de logement, le remplacement progressif de 
population ont fait fuir les classes modestes vers les départements limitrophes 
à la région, et les résultats du Front national accusent depuis plusieurs 
années une baisse régulière en 11ede-France.
Ainsi, même à la présidentielle où l'on enregistre régulièrement nos meilleurs 
scores, le résultat en Île-de-France a été de 14,5 % au second tour, soit trois 
points de moins que le résultat national.
C'est un argument pour ne pas y aller.
Je décide donc de poser ma candidature !
La nécessaire reconquête de cette région et la relative facilité pratique que 
me procurera le recen-
265
trage géographique de mes activités politiques non loin de ma vie de famille 
achèvent de me convaincre, et c'est avec émotion que, lors d'un apéritif, 
j'informe mes amis et militants du Pas-de-Calais que je repars à Paris.
La vie politique étant assez injuste, nous ferons une campagne remarquable avec 
un résultat... un peu décevant. On trouve d'ailleurs toujours le résultat 
maigrelet si on l'envisage à l'aune du travail fourni, de l'énergie dépensée et 
de la conviction qu'on a déployée.
Cette campagne régionale très dynamique, qui nous a vus plus d'une fois à 4 ou 
5 heures du matin, dans des nuits glaciales, coller nos affiches au 
Kremlin-Bicêtre ou distribuer des tracts à l'entrée de l'usine de Flins, nous a 
néanmoins permis de crédibiliser considérablement nos positions.
Nous avions rédigé un programme complet et fourmillions d'idées novatrices. 
Idées reprises plus tard par nos adversaires politiques, comme de coutume.
C'est ainsi que, devant le fiasco du collège unique et de la massification de 
l'enseignement, nous avions alors proposé de revenir à l'apprentissage à 
quatorze ans, constatant que la formation, dans cette région comme dans tant 
d'autres, non seulement ne correspondait pas à la demande mais était de plus en 
plus
266
stérile, laissant des enfants qui n'avaient aucun goût pour le système scolaire 
s'y ennuyer jusqu'à seize ans.
Après nous avoir combattus sur cette proposition durant toute la campagne, le 
gouvernement Villepin ? auquel appartient un de mes adversaires d'alors, M. 
Jean-François Copé ? l'adoptera.
Nous proposerons aussi que les entreprises ne soient plus subventionnées mais 
qu'elles bénéficient éventuellement de prêts immédiatement remboursables en cas 
de suppressions d'emplois ou de délocalisation.
Cette proposition vient d'être reprise à l'échelon européen!
Nous avions également imaginé la mise en place de vigiles référents dans les 
lycées, assermentés bien sûr, pour tenter d'enrayer l'augmentation vertigineuse 
de la délinquance scolaire.
Sarkozy fera sienne cette idée, comme il avait fait sienne la création d'une 
police régionale des transports proposée par le Front national dés... 1986.
Il est regrettable que, sur nos propositions fondamentales, la « pompe à idées 
» ne fonctionne pas aussi bien car la situation de la France s'améliorerait 
sans doute...
Durant cette campagne, je fis la connaissance de Jean-Paul Huchon, candidat 
socialiste qui s'avéra ?
267
ce qui ne s'est jamais démenti depuis ? un homme courtois et respectueux, 
qualités qui ne furent pas, loin s'en faut, l'apanage de mon adversaire UMP.
Un peu «plombés» par la compétition UMP/UDF représentée par André Santini, nous 
avons fini à 12,5 %, soit, comme à la présidentielle, trois points en dessous 
de la moyenne nationale.
Cette campagne fut pour moi l'occasion de mesurer la force du clientélisme en 
milieu urbain où, catégorie sociale par catégorie sociale, profession par 
profession, communauté après communauté, la politique se fait à coups de 
promesses ciblées, qu'on ne tiendra pas mais peu importe, et ce en faisant fi 
de l'intérêt général !
Comme à l'accoutumée, grâce au mode de scrutin savamment mitonné par 
Jean-Pierre Raffarin pour éliminer le Front national, la gauche ? toujours pas 
majoritaire dans les urnes ? deviendra ultramajoritaire dans toutes les 
régions, à une exception près.
Parvenus au second tour, nous rejoindrons quand même le conseil régional avec 
quinze élus.
André Santini, tête de liste UDF, ayant démissionné pour éviter le cumul des 
mandats (il était déjà maire et député), Copé disparu corps et biens (nous 
l'avons vu deux fois en deux ans au conseil régional !), Jean-Paul Huchon 
devint, comme chacun sait, président de la région Île-de-France.
268
Je regrette que nos compatriotes ne puissent voir et constater ce que nous 
faisons pour eux dans les instances régionales, et l'opposition constructive et 
argumentée que nous y menons. Ils auraient alors, pour beaucoup, une autre 
image du Front national et de ses élus qui sont, je crois pouvoir le dire, 
unanimement respectés pour leur sérieux.
Tête de liste en Île-de-France pour les régionales, je le fus aussi pour les 
européennes.
Comme aux régionales, il fallut compter sur les missions-sabotages de Ras l' 
Front (et autres officines subventionnées) qui n'ont comme vision de l'action 
politique que celle qui consiste à venir sur les marchés, nous hurler dans les 
oreilles de manière compulsive : « F comme fachos, N comme nazis, non non non 
au Front national ! »
Non seulement c'est un peu répétitif, mais en plus ils chantent faux et ne se 
fatiguent pas vite. Lorsqu'ils ne font que brandir des pancartes en vociférant, 
c'est déjà pénible, d'ailleurs beaucoup plus pour nos compatriotes qui 
aimeraient bien pouvoir nous parler que pour moi qui suis depuis longtemps 
habituée à ce type d'opération. Mais lorsque, comme ils le firent à Étampes, 
ils vinrent à cinquante gros bras, dont quelques responsables de la CGT et du 
Parti socialiste, pour s'en prendre physiquement à nous, c'est évidemment 
beaucoup plus inacceptable.
269
Je ne sais où ils ont pris leurs cours de démocratie, mais ils ont dû en sécher 
pas mal...
Ce fameux jour, nous étions cinq candidats aux régionales dont trois femmes, 
venus faire campagne sur le marché d'Étampes, dans l'Essonne. Nous nous étions 
donné rendez-vous chez notre responsable local, lorsqu'a l'appel de 
l'habituelle cohorte des associations gauchistes, un attroupement de cinquante 
ou soixante excités se forma devant sa maison. Le commissaire de police, 
légèrement inquiet, vint me demander si j'entendais renoncer à la visite du 
marché que j'avais programmée.
C'était mal me connaître.
A peine sortis de la maison où nous étions réunis, les coups suivirent 
rapidement les insultes, et les échauffourées entre la police et les 
contre-manifestants persuadèrent rapidement le commissaire de faire appel aux 
CRS.
Tétue comme le veut mon demi-sang breton et malgré l'insistance du brave 
commissaire de plus en plus inquiet devant l'agressivité des démocrates de 
gauche, nous fîmes une heure de campagne sur le marché au milieu d'un carré de 
CRS en panoplie complète de ninjas : protège-tibias, matraque, bouclier et 
casque.
Inutile de préciser qu'aucun de nos électeurs ne pouvait nous approcher ni même 
nous parler, mais il
270
ne serait pas dit que nous avions cédé à cette violence.
Je voulais que les habitants d'Étampes voient à quoi nous étions sans cesse 
confrontés et comment se comportait la gauche, qu'ils voient les CRS et nous 
cinq harcelés, agrippés par nos vêtements, et les échauffourées provoquées par 
ces « défenseurs des droits de l'homme et du citoyen ».
Je voulais qu'ils entendent aussi ce militant de la CGT crier à Huguette Fatna, 
candidate dans le département mais originaire de la Martinique : « Sale 
négresse, t'es une traîtresse à ta race ! » Qu'ils entendent aussi ces hommes 
courageux traiter les femmes que nous sommes de « salopes » et de « sales putes 
».
Mission accomplie !
J'ai regretté quand même un peu en partant que le commissaire ait le nez en 
sang, mais il était exclu que ce jour-la, comme hier, comme clans l'avenir, 
nous capitulions devant les pressions.
Eh oui ! La politique, en tout cas au Front, n'est pas un long fleuve 
tranquille... et devant de telles pratiques, il n'y a guère à s'étonner, au 
fond, que nos concitoyens désertent les urnes.
Les taux d'abstention n'ont en effet cessé de grimper dans notre pays ces vingt 
dernières années, constituant en Europe la véritable « exception fran-
271
çaise »1. Ceci témoigne sans doute moins du désintérêt des Français pour la 
politique que du peu d'estime qu'ils portent en général aux élus. J'en tiens 
d'ailleurs la classe politique pour grandement responsable.
Il faut bien reconnaître que par leur comportement, leur absence d'éthique, de 
morale élémentaire, en trichant, en tapant dans la caisse, en mentant, nombreux 
sont ceux qui ont contribué à donner de la politique une image vile et 
dégradée. Quant à ceux qui l'exercent, ils passent pour profiteurs, âpres au 
gain, aveugles et sourds à tout ce qui ne sert pas leurs intérêts propres.
Or la politique, lorsqu'elle est menée par des honnêtes gens, est à mes yeux 
l'art le plus noble. C'est celui qui consiste à s'occuper des autres lorsque 
tout pousse à ne s'occuper que de soi ; la plus belle preuve d'estime et 
d'amour envers ses
1. Taux d'abstention :
?       second tour des élections présidentielles : 1965: 15,4 %, 2002: 28,4%;
?       second tour des élections législatives : 1958: 25,2 %, 2002 : 39,7 %;
?       élections européennes de 2004: 57,2 %.
À noter que la France est, en outre, l'un des rares pays on ne sont pas 
comptabilisés les bulletins blancs ou nuls.
272
concitoyens puisqu'elle tend avant tout à améliorer leur existence et assurer 
leur avenir.
Elle est en réalité un don de soi, un refus du fatalisme, la concrétisation 
d'une foi, d'un espoir en un monde meilleur.
Mais je comprends le peuple français de l'avoir oublié, tant certains de nos 
dirigeants se sont rendus indignes des mandats qui leur avaient été confiés.
Leur amoralité est telle qu'ils en avouent même parfois leurs turpitudes avec 
une naïveté désarmante ; ainsi Charles Pasqua qui, sans vergogne, déclara un 
jour : « Les promesses n'engagent que ceux à qui elles sont faites ! » Et que 
penser de Loïc Le Floch-Prigent, grand patron socialiste ? l'ex-PDG d'Elf au 
coeur du retentissant procès où fut notamment impliqué le ministre des Affaires 
étrangères Roland Dumas ? à qui les journalistes ayant demandé : « Avez-vous 
versé des commissions occultes à tous les partis politiques ? », fit cette 
réponse magnifique : « Ah non, pas au Front national ! Question d'éthique ! »
Belle éthique en effet que celle qui consistait à détourner l'argent des 
entreprises au profit des politiques, de sa famille et de ses amis pendant 
qu'on refusait les augmentations de salaire aux employés du groupe. Ça, c'est 
du socialisme à la française !
273
La corruption a un prix et celui-ci est toujours payé par les contribuables ou 
les consommateurs, souvent les deux.
En la matière, il semblerait d'ailleurs que ces grandes déclarations de 
principes mènent tout droit ceux qui les professent à la Santé ou à Fresnes. 
Ainsi les « rénovateurs » ? les Noir, Carignon et consorts, vertueux défenseurs 
de la « morale républicaine » qui n'avaient su, en l'espèce, que rénover la 
corruption ? déclaraient à propos d'une éventuelle alliance avec le FN : « Nous 
préférons perdre les élections que perdre notre âme ! »
Ils ont eu le temps d'y réfléchir en cellule.
Au terme de la campagne des européennes, en juillet 2004, grâce à un scrutin en 
partie proportionnel, nous sommes sept élus Front national à assister à la 
première séance du Parlement européen à Strasbourg.
Le Parlement européen, disons-le sans détour, c'est la tour de Babel !
732 députés représentent 450 millions de citoyens
des vingt-cinq pays de l'Union, pour un coût de 16 milliards d'euros par an 
pour la seule France ? dont 3,4 milliards ne lui sont pas redistribués. 
Strasbourg c'est aussi vingt-cinq langues différentes, une armée de 
traducteurs...
274
On nous a souvent posé la question : «Pourquoi vous présentez-vous aux 
élections européennes puisque vous êtes contre l'Europe telle qu'elle se 
construit ?»
La réponse est évidente : qui donc informerait les Français de ce qui se 
déroule là-bas dans leur dos, si ce n'est nous ?
Qui les préviendrait qu'ils n'ont plus sur leur avenir que l'apparence du 
contrôle, celui-ci étant incontestablement détenu aujourd'hui par les 
technocrates de Bruxelles ?
Qui les informerait que leurs services publics sont en train d'être sacrifiés 
sur l'autel de l'ultralibéralisme, que la directive Bolkestein, même revisitée, 
contient à terme la mise en concurrence sauvage de nos emplois avec des pays 
dont le coût horaire du travail est jusqu'à dix fois moins élevé que chez nous ?
Que l'Europe cherche à imposer le droit de vote des immigrés même 
extra-européens dans tous les pays de l'Union ?
Qu'ils ne peuvent plus décider aujourd'hui de la politique agricole, monétaire, 
économique, ni de la politique d'immigration qu'ils veulent voir appliquer dans 
leur propre pays ? Que plus un seul domaine de leur vie n'échappe aux fourches 
Caudines de Bruxelles ?
275
4."11 p\E~ ~~~
i~-
Tous ces éléments que les Français ont finalement découverts, pour certains 
avec effarement, lors du référendum de mai 2005 sur la Constitution européenne, 
moment, où sortant enfin de l'utopie, on a pu faire un premier bilan de la 
construction européenne. Une Europe qui, avec l'assentiment de la gauche et de 
la droite, s'est emballée dans une fuite en avant, et dont les résultats, dans 
tous les domaines où elle est intervenue au cours des années, se sont révélés 
catastrophiques.
Ils ont fait l'Europe du charbon et de l'aller, il n'y a plus de charbon, il 
n'y a plus d'acier !
Ils ont fait l'Europe de la pêche et de l'agriculture, les pêcheurs et les 
paysans sont en voie de disparition !
Ils ont exigé et obtenu la suppression de nos frontières nationales, nous 
expliquant que l'Europe nous protégerait. Leurs frontières sont inexistantes, 
la pression migratoire n'a jamais été aussi forte et des pans entiers de notre 
économie sont dévastés par une concurrence sauvage de produits à un coût de 
production quasi nul. L'industrie de la chaussure, la sidérurgie, l'industrie 
du textile, l'électroménager et tant d'autres branches de l'économie meurent 
les unes après les autres.
Ils nous ont vendu l'Europe sociale, la compétition
276
au sein même de l'Europe transforme petit à petit notre salaire minimum en 
salaire maximum !
La mauvaise foi le disputant à l'irréalisme, cette campagne du référendum sur 
la Constitution européenne fut émaillée d'un florilège de déclarations des 
européistes toutes plus farfelues les unes que les autres.
On trouvait de tout.
Et encore et toujours les « démocrates ».
M. Juncker, par exemple, à l'époque président en exercice de l'Union : « Si 
c'est oui, nous dirons donc on poursuit. Si c'est non, nous dirons : on 
continue!»
Ou Valéry Giscard d'Estaing : «C'est une bonne idée d'avoir choisi le 
référendum à condition que la réponse soit oui. »
Il y eut aussi les «je-ne-vois-pas-le-rapport » comme Jack Lang : « Je ne 
comprends pas que la France qui veut organiser les Jeux Olympiques dise non à 
l'Europe. »
Les injurieux tels Rocard : « Le non et ses partisans représentent une 
pollution, une simplification et un mensonge, le choix du néant, une piscine 
sans eau, une agitation d'analphabètes. »
Les lyriques comme M. de Villepin : « Une France humiliée qui aura du mal à se 
regarder elle-même et
aura du mal à se regarder dans les yeux des autres parce qu'elle aura soudain 
rapetissé. »
Les grands traumatisés du type Hollande : « Dois-je rappeler le 21 avril ? Tout 
est possible ! L'invraisemblable, la crise, l'irrationnel. »
Les modestes, encore Giscard d'Estaing: « C'est un texte facilement lisible et 
assez joliment écrit. Je le dis d'autant plus aisément que c'est moi qui l'ai 
rédigé. »
Enfin mil ne peut égaler Jean-Pierre Raffarin qui concluait cette campagne par 
une superbe lapalissade, art dans lequel il excelle, jointe à une 
recommandation qui ne manque pas d'air : « Ceux qui votent non sont mécontents 
de l'Europe ; un bon non est un non qui s'abstient. »
Et sans oublier bien sûr, prononcé avec un accent que n'aurait pas renié 
Maurice Chevallier, son magnifique « And the yes needs the no to win against 
the no» qui passera, n'en doutons pas, à la postérité.
Eh bien, monsieur Raffarin, non seulement les Français ne se sont pas abstenus, 
mais ils ont dit à 55 % qu'ils étaient mécontents de cette Europe-la!
Le fantastique intérêt que nos compatriotes ont nourri à l'égard de la 
politique lors de ce référendum a démontré qu'ils entendaient à nouveau avoir 
leur
278
mot à dire. Ceci légitime, me semble-t-il, la proposition du Front national qui 
avait, dès 2002, envisagé d'instituer une consultation populaire annuelle, sur 
tous les grands sujets qui les concernent au premier chef : désengagement 
européen et rétablissement du franc, immigration, défense nationale, taux de 
fiscalité, école... Car ce qu'a révélé plus que tout cette campagne du 
référendum, c'est l'immense fracture qui s'aggrave année après année entre les 
Français et leurs élites.
Les « élites », cette caste politique et intellectuelle spécifique à la France, 
est une sorte d'aristocratie constituée d'individus formés dans les mêmes 
écoles, se cooptant entre eux, interchangeables : politiques devenant grands 
patrons, directeurs de chaîne ou de radio devenant politiques au gré de leurs 
humeurs et de leurs intérêts.
Cette pseudo élite totalement déconnectée de la réalité, qui arrive avec 
cinquante caméras dans les quartiers après que la police eut prié les dealers 
d'aller dealer plus loin ; qui ne visite les barres HLM qu'après que la 
municipalité eut fait retirer les seringues dans les halls d'entrée, et passé 
un coup de peinture sur les graffitis.
Des élites caméléons de la politique, sans conviction, qui ne forgent leur 
parcours qu'en fonction des places libres dans tel ou tel mouvement. Qui se
279
coalisent lorsqu'un nouveau venu risque de piétiner leurs plates-bandes. Qui 
expliquent doctement que «les Français ne veulent pas travailler » sans savoir 
que beaucoup de nos compatriotes ont deux boulots : l'un déclaré et l'autre au 
noir, pour pouvoir s'en sortir !
Qui tombent des nues lorsqu'on leur explique qu'on peut être policier le jour 
et peintre la nuit, qui ouvrent de grands yeux lorsque le peuple qu'ils 
manipulent si aisément et depuis si longtemps leur dit NON !
Cette élite représentative d'un système qui finit par être honni tant il est 
tout à la fois inefficace, démotivant et moralisateur.
Nos compatriotes, lassés des mensonges, des manoeuvres, des leçons, ne se 
rendent pas compte du pouvoir réel qui est le leur.
Depuis qu'ils ont goûté à la déconfiture desdites élites le soir du 21 avril 
2002, ils n'en finissent plus de leur concocter des surprises, souvent pour le 
simple bonheur de voir leurs bobines effarées annoncer l'arrivée de Le Pen au 
deuxième tour ou la victoire du non au référendum sur la Constitution 
européenne!
Ces visages hagards d'une élite qui a la gueule de bois sont la petite revanche 
d'une France qui n'en peut plus.
280
Mais lorsque les Français s'apercevront qu'ils peuvent faire mieux et se 
choisir un véritable représentant, alors les choses changeront.
Lorsqu'ils ne se contenteront plus d'élire Magalie à la Star'Ac parce que « ça 
emmerde le bourgeois » de voir gagner une fille du peuple, courageuse, 
accrocheuse mais loin des normes esthétiques et sociales du système.
Lorsqu'ils ne se contenteront pas de dire qu'ils trouvent Ségolène Royal très 
bien, juste pour « emmerder » les éléphants machos du PS, notables bouffis 
d'orgueil d'un parti de bobos.
Lorsqu'ils ne se contenteront pas de dire que « pour finir, il a raison Le Pen 
», cela dans le seul but de voir les aristocrates de la politique danser sur 
des charbons ardents, alors ils reprendront les rênes de leur destin en les 
confiant à quelqu'un qui leur ressemble !
Les responsables politiques qui jouent de la lutte des classes, de la lutte des 
âges, de la lutte des sexes, de la lutte des couleurs de peau pour s'attirer 
des électeurs par identification, n'ont pas compris que représenter le peuple, 
c'est tout bonnement partager ses aspirations à la sécurité, à la prospérité, à 
la protection de sa famille, à l'identité, à des valeurs, à l'épanouissement 
personnel.
Car faire peuple, ce n'est pas représenter le peuple.
Le premier n'est que du marketing, le second, de l'amour.
Dans un texte remarquable titré Que peuvent être les hommes, les meilleurs dans 
une démocratie 1, Claude Polin rappelle ainsi que la démocratie est le 
contraire de l'aristocratie, qu'il ne peut pas y avoir d'élite dans une société 
où tous sont réputés égaux. Il écrit :
« Celui que le peuple choisit pour le représenter est extraordinaire, surtout 
parce qu'il n'est pas une seule de ses paroles qui ne doive pouvoir passer pour 
avoir été prononcée par le peuple lui-même, par chacun de ses citoyens. Il 
n'est que l'ombre du peuple, mais que ce peuple projette en avant de lui pour 
mieux le suivre. »
Or, si l'on écoute nos gouvernants, on ne comprend simplement pas pourquoi ils 
aspirent à nous diriger. Ils n'ont de cesse d'affirmer que le peuple français 
est paresseux, refuse les réformes, n'arrête pas de se plaindre, quand il n'est 
pas en plus raciste, xénophobe et trouillard.
Ne leur en déplaise, le peuple français est un grand peuple courageux, lucide, 
généreux, ambitieux, qui cherche désespérément un dirigeant à sa mesure, « un 
homme à projeter en avant de lui pour mieux le suivre ».
Il l'a pourtant déjà croisé...
282
Chapitre XV Quel peuple ?
Racistes ! ?
Longtemps, je me suis posé la question de savoir pourquoi l'accusation de 
racisme pesait sur Jean-Marie Le Pen depuis la création du Front national, au 
début des années 70.
C'était d'autant plus incompréhensible que, à l'époque, la France venait de 
vivre le conflit algérien dans lequel mon père avait été à la pointe du combat 
pour le maintien de l'Algérie dans la France, donc pour « la France de 
Dunkerque à Tamanrasset », comme disait de Gaulle avant 1962.
Si, comme on le dit, il avait été raciste, il se serait, à n'en pas douter, 
réjoui de l'abandon de ce territoire.
 mon sens, l'explication est tout autre.
Le Pen fut le premier à pressentir que l'immigra-
283
Alm
tion, telle qu'elle était envisagée, entraînerait des conséquences néfastes sur 
le plan économique et social ; il en fit un thème de campagne central du tout 
jeune mouvement qu'il venait de créer.
Or à l'époque, personne ne percevait l'immigration comme un problème ; il fut 
par conséquent assez facile à ses adversaires d'en déduire que sa motivation 
pour s'opposer à celle-ci ne pouvait être que le rejet de l'étranger. Donc, le 
racisme et la xénophobie.
Le supposé racisme de Jean-Marie Le Pen reposait sur un axiome simple : 
puisqu'il n'avait pas dénoncé les vagues d'immigration précédentes ? 
immigration alors européenne, rappelons-le ? et ne se mettait à le faire que 
lorsque le courant provenait du Maghreb ou de l'Afrique noire, c'était bien la 
preuve que la religion ou la couleur de la peau étaient en cause.
C.Q.F.D.
Une fois encore, l'adage se vérifiait : « Avoir raison trop tôt c'est une autre 
façon d'avoir tort. »
En réalité, pour précoce et peu agréable à entendre qu'elle fût, l'analyse de 
mon père s'est trouvée depuis, hélas, justifiée par les faits.
En ces années 70, l'immigration a en effet changé de nature.
L'arrivée dans notre pays des Italiens, des Polonais, des Espagnols était 
fondée sur une démarche tout à la fois individuelle et volontaire. Cette 
immigration
284
était le fait d'hommes et de femmes qui avaient choisi la France, pas 
nécessairement pour devenir Français, mais pour travailler sur notre sol, 
attirés qu'ils étaient par la fascination qu'exerçait encore la France et tout 
ce qu'elle représentait : un pays de liberté, imprégné d'une culture dense et 
riche. Un pays respectueux d'un certain nombre de valeurs issues du siècle des 
Lumières : la Raison, l'Égalité, la Fraternité.
On voyait bien, et l'avenir le confirma ensuite, qu'il s'agissait d'une 
véritable adhésion à l'âme de la France.
La naturalisation de ces immigrés, lorsqu'ils l'ont demandée, était la 
concrétisation naturelle de cette communion.
Parce qu'ils respectaient notre mode de vie, nos principes républicains, notre 
histoire, notre culture, nos valeurs, qu'ils y adhéraient fondamentalement, ils 
se sont fondus dans la communauté nationale qui les a assimilés.
Ce ne fut certes pas toujours facile, mais il faut admettre que cette 
assimilation fut un succès et que ces fils et filles d'ailleurs sont devenus 
des fils et filles d'une France à laquelle ils sont souvent plus attachés que 
ne le sont même certains Français plus anciens qu'eux, lesquels n'ont pas eu à 
se battre pour partager son destin.
285
Mais au début des années 70, les choses ont changé.
 la demande du grand patronat, le pouvoir politique a fait appel à 
l'immigration.
Il n'est pas sorcier de comprendre, comme l'avouera Georges Pompidou dans ses 
Mémoires, que le grand patronat fit là un choix mercantile. Plutôt que 
d'investir dans la technologie en plein essor ou de revaloriser le travail 
manuel, ils préférèrent répondre aux besoins immédiats et faire venir des 
travailleurs étrangers, pour peser à la baisse sur le coût du travail.
L'objectif, comme toujours, est le profit à court terme, ce profit qui les fait 
aujourd'hui choisir les délocalisations au détriment des travailleurs de notre 
pays. Et le pouvoir politique, limité lui aussi par son désir de réélection 
facile, se soumet à ce choix.
Il croit même en tirer un bénéfice supplémentaire et inattendu, en pariant que 
cette immigration pourra inverser la tendance à la dénatalité qui commence 
alors à frapper sévèrement l'Europe.
Sous la houlette de Jacques Chirac, Premier ministre de Giscard, le 
gouvernement commet même une erreur supplémentaire, aux conséquences délétères 
incalculables : il met en place le regroupement familial.
La philosophie qui préside à ce choix est simpliste :
286
puisque les Français ne font pas assez d'enfants et que ce déficit compromet à 
terme notre système de retraite, fabriquons des Français en feront à leur 
place. Par la voie du regroupement familial et de l'acquisition automatique de 
la nationalité française en vertu du droit du sol, l'immigration de travail va 
dès lors devenir une immigration de peuplement. C'est le moyen pratique ? du 
moins le croient-ils ? pour résoudre tout à la fois les problèmes à court terme 
du patronat, comme les enjeux à long terme du déficit de la natalité.
Le Pen, lui, fait une analyse inverse.
Il dit que la dévalorisation du travail manuel entraînera, à terme, un 
déséquilibre profond du marché du travail et de la nécessaire harmonie 
nationale.
Ayant de surcroît à coeur la défense des travailleurs français, il considère 
comme moralement condamnable l'option du profit fondé sur l'écrasement des 
salaires. Quant à la baisse de la natalité, il plaide pour une solution 
beaucoup plus logique dans l'intérêt de la France, la mise en place d'une 
grande politique familiale.
Si l'on veut que nos compatriotes fassent des enfants, il faut leur donner les 
moyens de les élever dans les meilleures conditions.
Il est piquant de constater qu'à l'époque, le Parti
communiste imprimait des affiches sur lesquelles on
287
pouvait lire : « Produisons français » ou « Vivre et travailler au pays ». Les 
communistes militaient alors pour la préférence nationale !
Des considérations ultérieures de basse politique les feront pourtant changer 
leur fusil d'épaule, les transformant en partisans convaincus de l'immigration, 
et en adversaires déclarés du concept de nation !
Tous les ingrédients étaient évidemment réunis pour faire de la France, en 
quelques années, un eldorado vers lequel se tourneraient les populations 
déshéritées du monde entier : absence quasi totale de conditions à 
l'immigration, pas même celle d'avoir un contrat de travail, des aides sociales 
accordées à tous les étrangers, y compris pour certaines aux clandestins, 
l'acquisition automatique de la nationalité française aux enfants nés sur le 
territoire, l'accès gratuit aux soins ? y compris pour les irréguliers ?, 
l'accès gratuit à l'école, la priorité dans les logements sociaux, la 
nationalité française accordée dans des délais de plus en plus brefs sans aucun 
engagement ni aucune condition particulière... Comment leur en vouloir ?
Comment ne pas comprendre qu'un Malien ou un Chinois vienne en France s'il sait 
qu'il pourra y obtenir cent fois plus pour faire vivre sa famille
288
qu'il ne gagnerait chez lui en travaillant douze heures par jour ?
La fantastique attraction que représente l'ensemble de ces avantages est 
évidemment irrésistible pour des gens qui, très légitimement, aspirent à fuir 
la misère.
C'est la raison pour laquelle nous avons toujours dit que nous n'en voulions 
pas aux immigrés, notre critique s'étant toujours focalisée non pas sur eux ? 
qui n'y sont pour rien dans ce laxisme absurde ? mais sur les politiques 
responsables, par leur aveuglement, de cette déferlante.
Comment ne pas voir que, parallèlement, la classe politique ? que ce soit sous 
le règne de Giscard d'Estaing, celui de Mitterrand ou sous Chirac ? a fait le 
choix cynique du pillage et de la corruption à l'égard des pays africains. 
Pillage que veut aujourd'hui aggraver Sarkozy en retirant à ces pays leurs 
élites par la voie de l'immigration choisie, interdisant de ce fait toute 
possibilité pour le continent africain de se sortir de son marasme.
Il fallait au contraire mettre en place une grande politique de coopération 
avec eux afin de leur permettre de se développer économiquement et ainsi 
contribuer à fixer les populations sur leur sol d'origine en leur donnant les 
moyens d'obtenir par un emploi local des conditions de vie décentes.
On ne quitte jamais sa patrie de gaieté de coeur.
289
On le fait parce que l'on pense, à tort en l'espèce, que l'on trouvera ailleurs 
un avenir meilleur pour ses enfants.
Racistes ! ?
Qui sont les racistes ? Ceux qui, comme nous, jouent la franchise et leur 
disent que nous ne pouvons plus les accueillir ou ceux qui continuent à les 
faire venir pour les loger dans des hôtels insalubres parce que l'ensemble des 
logements sociaux sont déjâ surchargés par ceux qui sont arrivés avant eux ?
Qui sont les racistes ? Ceux qui veulent, comme nous, d'abord tenter de nourrir 
l'ensemble de nos compatriotes ou les nouveaux esclavagistes qui font venir 
cette main-d' oeuvre étrangère pour la faire travailler pour des salaires de 
misère ?
Qui sont les racistes ? Ceux qui nomment un préfet parce qu'il est musulman ou 
un présentateur télé. parce qu'il est noir, ou nous qui les aurions nommés 
parce qu'ils étaient compétents ?
Les racistes ne sont pas ceux qui, comme nous, parlent avec la raison. Nombre 
de ces étrangers comprennent parfaitement que nous défendions notre peuple 
avant tout.
Les racistes, ce sont ceux qui leur vendent du rêve, un travail qu'ils n'auront 
pas, sans avouer que l'assi-
290
milation est devenue impossible et que l'ascenseur social est bloqué.
Les racistes, ce sont les bourgeois de l'UMP et du PS qui inscrivent leur 
progéniture dans des établissements privés et dont la sortie ressemble à une 
caricature de l'apartheid, pleine de petits enfants blancs et nounous noires.
La gauche et la droite sont impardonnables et leurs responsabilités, dans ce 
dossier de l'immigration, me paraissent réellement écrasantes.
On a souvent accusé le Front national d'être « obsédé » par l'immigration, de 
ne parler que de cela. C'est faux, nous parlons évidemment de bien d'autres 
sujets. Mais la vérité c'est que l'immigration, si elle n'est pas le seul 
problème de la France, loin s'en faut, est néanmoins l'un des plus graves et 
des plus lourds de conséquences.
Beaucoup de nos compatriotes commencent ainsi à se rendre compte que ce 
problème a été minimisé, caché, rendu tabou pendant trente ans à coups de 
déclarations lénifiantes sur la générosité, la fraternité, quand on ne 
prétendait pas ? pour se débarrasser de la question, sans doute ? que 
l'immigration avait été stoppée en France depuis 1974 !
Dans le temps de cette migration encouragée, la
conjonction de l'abolition des frontières dans le cadre de la mondialisation ? 
et l'irruption de l'idéologie multiculturaliste, concept d'extrême gauche, 
conduisaient à une attaque en règle contre la nation et ce qui constitue son 
essence.
La nation est un cadre. C'est un espace politiquement, culturellement et 
économiquement délimité ; il est nécessaire, à notre sens bénéfique et 
protecteur.
À l'évidence, tous ne l'entendent pas ainsi.
Certains voient au contraire dans la nation un cadre contraignant qu'il faut 
contribuer à détruire pour ne pas gêner leurs aspirations.
C'est vrai pour les internationalistes de gauche, gênés qu'ils sont par un 
espace qu'ils jugent politiquement et culturellement étriqué, mais c'est vrai 
également pour les grandes multinationales, gênées, elles, par un espace 
économiquement restreint.
C'est ainsi que les entreprises multinationales cotées en Bourse se retrouvent 
main dans la main avec l'extrême gauche mondialiste, qu'elle soit « alter » ou 
non.
Or, le moyen de saboter une nation consiste, d'abord et avant tout, à faire 
disparaître ses frontières. C'est chose faite. Nos frontières ont aujourd'hui 
disparu, la libre circulation des biens et des person-
292
nes est totale au bénéfice de certains et au détriment de tous les autres.
Mais une nation, ce n'est pas un simple espace géographique. C'est aussi la 
cohérence de son peuple, une cohésion culturelle.
L'idéologie du multiculturalisme en fut la grande destructrice.
Elle a consisté d'abord en une attaque en règle de l'assimilation, celle-là 
même dont j'ai dit tout à l'heure qu'elle avait permis aux premières vagues 
d'immigrés de faire partie intégrante du peuple français ; donc celle aussi qui 
s'est appliquée à marginaliser au maximum les différences linguistiques, 
régionales, culturelles. L'assimilation dont l'école fut longtemps le berceau 
d'où naissaient des générations de Français chez qui, parfois à coups de règle 
sur les doigts, on inculquait ce que nous avions en commun plutôt que ce qui 
nous différencie, et souvent nous divise.
Les Bretons ont ainsi abandonné de force le breton et les petits créoles 
avaient interdiction de parler leur langue à l'école.
Faut-il rappeler que l'unité linguistique de la nation était l'un des grands 
idéaux porteurs d'égalité de la Révolution de 1789, cette révolution si chère 
au coeur de la gauche ?
La période révolutionnaire mit en valeur le senti-
t
293
ment national. Ce sentiment de patriotisme s'étendit aussi au domaine de la 
langue et l'on associa alors pour la première fois langue et nation. La langue 
devenait une affaire d'État : il fallait doter d'une langue nationale la 
République une et indivisible, laquelle n'était pas conciliable avec le 
morcellement linguistique et le particularisme des anciennes provinces. Il 
faudrait relire l'abbé Grégoire, dénonçant une France qui en était encore 
linguistiquement à la tour de Babel alors que, pour la liberté, elle formait « 
l'avant-garde des nations ».
La Révolution française marqua la naissance de l'idée que l'unité politique 
passait aussi par l'unification linguistique. C'est un concept qu'on semble 
avoir totalement oublié, sinon sciemment rejeté.
Il y a moins d'un siècle, on trouvait encore en Bretagne ? dans les bus, les 
écoles ou autres lieux publics ? des panneaux portant : «Interdiction de parler 
breton et de cracher par terre. » Cinquante ans après, on rétablissait la 
signalisation bilingue et Jack Lang, voilà trois ou quatre ans, affichait sa 
volonté de subventionner les écoles Diwan où l'enseignement n'est dispensé 
qu'en breton !
On ne peut que s'interroger sur des revirements politiques aussi radicaux.
Où en est cet idéal commun lorsque nous, parents, lisons dans le cahier de 
correspondance de nos
294
enfants le texte suivant : « Les familles de nationalité ou d'origine 
algérienne, espagnole, marocaine, portugaise, tunisienne, turque qui souhaitent 
que leur enfant suive un cours de langue et de culture d'origine sont priées de 
le faire savoir dans les plus brefs délais» ?
Cela alors que de plus en plus d'enfants arrivent en sixième sans maîtriser ni 
la langue française, ni l'écriture !
Ce pseudo-respect des cultures, régionales ou étrangères, a interdit de facto, 
on le voit bien, l'assimilation des populations immigrées, cela au prétexte 
qu'elle serait une violence faite à l'individu.
Certes, l'assimilation est incontestablement une violence tant il est vrai que 
renoncer à une partie de sa culture ou à la pratique de sa langue pour en 
acquérir une autre, c'est abandonner une partie de soi et que, pour cela, il 
est nécessaire de se faire violence. Violence d'autant plus forte que la 
culture d'origine sera éloignée de la nôtre...
Et c'est justement ce sacrifice et cet effort sur soi qui sont le gage d'une 
volonté avérée d'entrer dans la communauté nationale.
C'est par cette preuve du désir d'un destin commun, ce témoignage de l'amour 
porté à la France, que celui qui oeuvre ainsi à son assimilation
295
est d'autant mieux accueilli par la communaute nationale.
Nos compatriotes de toutes origines, aujourd'hui assimilés, peuvent témoigner 
des sacrifices qu'ils ont consentis, mais ils ont été payés de retour par leur 
pleine adoption par la nation française.
 cette mécanique républicaine de l'assimilation, la gauche, suivie en cela 
comme un toutou par la droite, a substitué au fil du temps la chimérique et 
dramatique idéologie de l'intégration.
Réfutant l'idée d'un peuple pétri de la même culture, élevé dans les mêmes 
valeurs, se sentant un destin commun, cette idéologie a préféré mettre en avant 
l'idée selon laquelle un pays serait uniquement constitué d'une somme 
d'individus épars.
Partant de là, il fallait que les immigrés, d'où qu'ils viennent, conservent 
scrupuleusement leur identité et ne cherchent surtout pas à s'assimiler.
Ils se devaient de conserver leur mode de vie, d'exprimer publiquement leur 
religion, de garder leur langue, leurs traditions vestimentaires, leurs valeurs 
quand bien même celles-ci étaient en contradiction flagrante avec les nôtres.
Ceux ? et ils furent infiniment nombreux ? qui acquéraient la nationalité 
française, ne devenaient pas
simplement des Français, comme cela avait toujours
296
été, mais des «Français d'origine immigrée », et leurs enfants des «Français de 
la deuxième ou troisième génération».
L'apologie de la différence s'est vite transformée en théorie de la division, 
de la fragmentation, nourrissant le communautarisme qui heurte aujourd'hui de 
plein fouet notre unité et notre cohésion nationale.
Ces idéologies dangereuses, imposées par les gouvernements français depuis 
trente ans, ont dépassé les plus folles espérances de leurs promoteurs car, 
entre-temps, le phénomène migratoire était devenu massif.
Tellement important en nombre qu'on peut même se demander si nous aurions pu 
assimiler un tel flux d'étrangers pour autant que nous l'eussions voulu!
En effet, assimiler deux ou trois enfants étrangers dans une classe de trente 
élèves est aisé, mais lorsqu'on recense, comme aujourd'hui, jusqu'à dix-sept 
nationalités différentes dans cette même classe, qui s'assimile à quoi et dans 
quel sens, au juste ?
Le constat chiffré est aujourd'hui catastrophique.
Il entre chaque année dans notre pays 350 000 immigrés légaux, et selon les 
conclusions du rapport du sénateur de Guyane (M. Othilly, socia-
liste), ce sont 600 000 immigrés illégaux qui les rejoignent.
5 % seulement des entrants légaux disposent d'un contrat de travail. Soit, si 
l'on additionne les immigrés légaux et les clandestins, 17 500 immigrés qui 
entrent dans notre pays avec un contrat de travail quand 933 500 n'en ont pas !
Toutes catégories confondues, la France a accueilli en trente ans plus de 15 
millions d'immigrés. Cela, comme je l'ai dit plus haut, alors que la machine à 
fabriquer des Français était hors service et que, derrière les trente 
glorieuses, s'annonçaient les trente piteuses.
Le poids économique et social de l'immigration devenait insoutenable pour la 
communauté nationale et pour son économie fragilisée par des choix plus 
hasardeux les uns que les autres.
Au moment où la France se débat dans une situation économique proche du dépôt 
de bilan, nos gouvernants continuent à faire payer, au propre comme au figuré, 
le coût de leur utopique générosité mondiale aux seuls Français qui travaillent 
et qui sont, comme on le sait, de moins en moins nombreux à le faire !
Car il n'est pas nécessaire d'avoir fait l' ENA pour comprendre que les 
centaines de milliers d'immigrés
298
qui rentrent en France chaque année sans pouvoir subvenir à leurs propres 
besoins, deviennent peu à peu à la charge des contribuables. Pas besoin non 
plus de sortir des grandes écoles pour comprendre que la France n'a précisément 
plus les moyens de telles largesses.
Lorsque le pouvoir politique a, par bêtise ou par lâcheté, imposé aux Français 
de loger tous ces gens, de les soigner, d'éduquer leurs enfants, d'assurer la 
prise en charge financière de la population pénale qu'ils constituent à hauteur 
de 30 %, de leur attribuer des aides de plus en plus nombreuses pour couvrir 
les frais d'électricité, les vacances, la cantine, la rentrée scolaire... mais 
aussi les allocations familiales, allocation de parent isolé, allocation jeunes 
enfants... prestations dont la liste a même du mal à être tenue de manière 
exhaustive par les services concernés, tant elles sont nombreuses et variées.
Et ne parlons même pas des aides versées à ceux entrés frauduleusement sur 
notre territoire.
Il faut être naïf ou malhonnête pour penser que cette situation peut encore 
perdurer.
On a cru qu'en accordant la nationalité française à la louche on camouflerait 
le problème. Mais les épaves des voitures calcinées, lors des émeutes de 
novembre dernier, ou les violences observées contre
les manifestants anti-CPE ce printemps, n'en sont qu'un épiphénomène.
Chacun peut constater aujourd'hui que nous sommes confrontés à une 
juxtaposition de populations qui, privées du ciment national, se constituent en 
communautés antagonistes pour obtenir des avantages financiers ou politiques.
Enfant naturel de l'immigration non contrôlée et de l'abandon des principes de 
l'unité nationale, le communautarisme a explosé en France au cours des dix 
dernières années. Le communautarisme fait de la communauté ? ethnique, 
religieuse, culturelle, sociale, politique, sportive... ? une entité supérieure 
en droit aux valeurs universelles au nom desquelles les démocraties modernes se 
sont construites.
Le communautarisme se situe à l'exact opposé de l'universalité dont on nous 
vantait dans le même temps les mérites à l'école publique.
Il constitue la dérive obligée des sociétés sans repère. Sur d'autres 
continents, on parlerait volontiers de tribalisme et à d'autres époques, de 
féodalisme.
Son apparition au détriment de l'État a toujours été analysée comme une 
régression. Comment peut-on alors le considérer aujourd'hui comme un progrès ?
300
Comment peut-on le laisser prospérer et même s'étatiser ?
Car du jour où les associations, représentant chacune une communauté, ont 
sollicité et obtenu des financements publics, est apparu un communautarisme 
d'État taisant son nom et préférant se retrancher derrière les vocables plus 
politiquement corrects de « discrimination positive », «diversité » ou « 
égalité des chances ».
C'est ainsi que depuis de nombreuses années, le pourcentage d'associations 
communautaires financées par les deniers publics au niveau national, régional 
ou départemental, a augmenté de manière vertigineuse, nos politiciens ayant 
vite compris tout l'intérêt qu'ils pouvaient tirer de l'existence de clientèles 
électorales identifiables, finançables et donc rendues captives.
On ne peut que constater avec déplaisir, et je le fais tous les jours au 
conseil régional d'Île-de-France, que l'ensemble de la politique de la ville, 
qui représente au niveau national des milliards d'euros chaque année, est 
intégralement axée sur le maintien systématique de ces populations dans leur 
culture d'origine. On subventionne l'association des travailleurs turcs ou 
l'association des femmes sénégalaises...
Refusant ceux qui ont vraiment la volonté de s'as-
301
ro
similer, cette politique, assez méprisante d'ailleurs, consiste à ne proposer 
que concours de rap, concerts de hip-hop ou séances de cinéma pour aller voir « 
Retour au bled», quand ce n'est pas des chantiers d'insertion au Mali.
Que ceux qui voudraient découvrir Mozart ou visiter les châteaux de la Loire le 
fassent donc ailleurs, sans le soutien des collectivités publiques !
Par faiblesse ou par clientélisme, le pouvoir politique cède donc à toutes les 
revendications, y compris les plus nocives pour notre République.
Dans ce climat de laisser-aller, toutes ces revendications minoritaires issues 
de communautés sexuelles, ethniques, religieuses, régionalistes sont donc 
prises en compte, chacune contribuant à faire s'effondrer les piliers de notre 
société. Et lorsque le mouvement est lancé, il ne peut à l'évidence que s' 
accélérer.
Chaque communauté d'individus se croyant obligée de se trouver des 
particularismes auxquels l'État doit répondre par des réformes législatives ou 
réglementaires, la priorité est de se faire reconnaître une spécificité pour 
sortir de la norme, avec, in fine, le refus de se plier aux règles sociales 
presque unanimement admises.
C'est ainsi qu'avec inquiétude, les Français ont vu
302
ce phénomène naître et s'amplifier. Pression des femmes pour obtenir une loi 
sur la parité qui, même pétrie de bonnes intentions, n'en demeure pas moins 
inconstitutionnelle ; pression des homosexuels pour obtenir le Pacs, puis le 
mariage. à quand, sur le même modèle, la pression de certains religieux pour 
légaliser la polygamie ou la répudiation ?
Il existe une communautarisation dans l'information télévisuelle, radiophonique 
ou Internet : Amado (pour la communauté noire), Cite Gay (pour les 
homosexuels), Radio J, Ouma.com (pour les musulmans), Al Djezira, Pink TV, et 
j'en passe...
Communautarisation de l'économie par la création de campagnes de pubs ou de 
rayons ciblés dans la grande distribution : rayon hallal, Mecca Cola, Barbie 
tchador, mais aussi agences de voyages réservées aux gays, campagne de la Poste 
pour les mandats à destination des immigrés...
Les campagnes électorales voient apparaître elles aussi des listes 
communautaristes qui se concentrent sur des revendications n'ayant rien à voir 
avec la gestion du pays.
Même le regard sur l'Histoire se communautarise, en voyant telle ou telle 
communauté faire le tri entre l'histoire acceptable et celle qu'elle conteste 
car elle la trouve peu à son goût. Comme si l'Histoire n'était
303
pas un tout, fait d'ombre et de lumière, indivisible : que penser des dérives 
attristantes où l'on voit apparaître à Verdun une stèle pour nos soldats de 
confession juive et une autre pour nos soldats de confession musulmane, ruinant 
ainsi le plus beau des symboles du sacrifice et de l'unité nationale que 
représentait jusqu'alors l'ossuaire de Douaumont ?
On ne pouvait que s'attendre, hélas, à ce que certaines communautés se servent 
de cette fragmentation pour asseoir leur pouvoir politique au sein même de 
notre pays, avec la complicité souvent active de la classe politique.
C'est bien entendu ce que font quelques groupements musulmans pour qui cette 
pente naturelle est une véritable aubaine.
M. Lasfar, recteur de la mosquée de Lille Sud, s'en est expliqué clairement 
dans Le Parisien du 12 avril 2003: « La loi française ne reconnaît pas la 
communauté, seulement la citoyenneté. Dans l'Islam, la notion de communauté est 
très importante, car reconnaître la communauté, c'est reconnaître les lois qui 
la régissent. Nous travaillons à ce que la notion de communauté soit reconnue 
par la République. Alors nous pourrons constituer une communauté islamique 
appuyée sur les lois que nous avons en commun avec la République, et ensuite 
appliquer nos propres lois à notre communauté. »
304
Cette déclaration, extraordinairement claire, pose avec acuité le problème le 
plus fondamental auquel les politiques, demain, vont devoir répondre.
Notre République et notre nation existent-elles encore?
Chapitre XVI
Quelle République ?
La nation française est en voie de disparition, victime d'un double phénomène 
concourant à sa perte : une Europe qui la dilue et un communautarisme qui la 
fragmente.
L'Europe a eu raison de notre monnaie, de nos frontières, de notre 
souveraineté, tant il vrai, comme le disait Pierre Mendès-France, que 
«l'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une 
dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un seul homme, soit la 
délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la 
technique, exercera en réalité la puissance politique».
L'Europe aura bientôt raison de notre langue : M. Trichet, M. Seillières et 
bien d'autres délaissent
déjà la langue de Molière pour celle de Shakespeare quand ils s'expriment au 
sein d'assemblées internationales.
Vidant peu à peu la nation de son contenu, les gouvernements successifs ont 
dans le même temps vidé de son contenu la nationalité, d'abord et en premier 
lieu en l'accordant sans aucune condition d' adhésion.
La carte d'identité distribuée au premier venu n'est plus un honneur chèrement 
mérité. Ce n'est plus que l'attestation plastifiée d'une simple situation 
administrative, qui ouvre droit à des prestations, au même titre que la carte 
Vitale ou la carte Orange. Lorsqu'il n'est plus fait aucune différence entre 
ceux qui ont la nationalité et ceux qui ne l'ont pas, lorsque, sommé 
d'accueillir en son sein des nationalités, des cultures, des religions aussi 
différentes que celles qui s'expriment au travers des flux migratoires massifs, 
on n'arrive plus à défendre l'identité française, comment s'étonner du profond 
malaise qui saisit les Français ?
Nos dirigeants français n'ont de cesse de critiquer la France et son peuple, et 
nous invitent même à expier des fautes que nous n'avons pas commises. Ils n'ont 
pas de mots assez durs à l'égard de notre histoire, et dénigrent avec 
masochisme notre passé ; ils semblent se délecter des quelques zones d'ombres
308
inhérentes au passé deux fois millénaire d'un grand pays.
Or l'histoire de France, ça n'est pas que la traite des Noirs, la rafle du Vél 
d'Hiv, ou le massacre de Sétif c'est surtout et d'abord Saint-Louis et Jeanne 
d'Arc, Valmy et le Pont d'Arcole, le Chemin des Dames et les Cadets de Saumur.
Tant que notre identité ne sera pas défendue ou même simplement apprise, il ne 
faudra pas s'étonner qu'elle ne soit plus un rêve, un idéal auquel on 
s'identifie, et que de plus en plus nombreux soient ceux qui s'en détournent 
pour choisir des identités de substitution.
Et alors qu'ensemble, dirigeants politiques de tous bords, autorités morales et 
religieuses de toutes confessions, chanteurs et artistes appellent en choeur au 
vote européen, à la disparition subséquente de la nation, voilà que ces 
aristocrates des temps modernes (qui se gaussent du peuple et de son 
patriotisme d'un autre âge), voilà qu'ils osent nous traiter d'antirépublicains 
!
Antirépublicains !
La suprême accusation était lancée à la tête du Front national : nous serions 
des antirépublicains 1 Rejetés hors du cercle politique par un «Front
309
républicain» se fondant sur les «principes républicains », en appelant aux « 
valeurs de la République ».
Quel est donc cet objet politique non identifiable dont nous avions violé les 
principes sans le savoir ?
Pas de réponse !
Car enfin, la République, c'est vague. Quelle République, pour quel modèle : la 
République islamique d'Iran ? La République populaire de Chine ? La République 
démocratique du Congo ?
Ceux qui nous ont lancé cet anathème n'avaient oublié qu'une chose : notre 
République, la République française, est indissociable de notre nation Or, 
pendant de longues années, nous avons été victimes d'une dialectique aussi 
politicienne qu'artificielle : la République d'un côté, la nation de l'autre. 
Les républicains dans un camp, les nationaux dans un autre.
Les défenseurs de la nation étaient protectionnistes, ringards, égoïstes, 
culturellement pauvres, alors que ceux de la République étaient bien entendu 
ouverts sur le monde, généreux, humanistes.
Le citoyen étant le ressortissant d'un État, d'une nation, « les droits de 
l'homme et du citoyen» sont devenus «les droits de l'homme » tout court, donc 
vidés de toute référence à la nation.
La devise de la République française « Liberté, Égalité, Fraternité » qui ne se 
concevait en 1789
310
qu'entre les citoyens de la même nation est devenue la liberté, l'égalité et la 
fraternité entre les hommes du monde entier.
Tarte à la crème du politiquement correct... Cette dichotomie est une absurdité 
historique doublée d'une stupidité politique.
À la suite d'un long processus historique, la gauche a transformé les valeurs 
de la République en un ensemble désincarné, les coupant du cadre national. 
Comme si l'histoire de France avait commencé en 1789, absurdité historique et 
politique car la République et ses principes sont les enfants de l'histoire de 
la nation française depuis ses origines.
La France fut la France avant 1789, le peuple français a existé avant la 
Révolution, et c'est notre immémorial héritage judéo-helléno-chrétien laïcisé 
par le siècle des lumières qui fonda nos valeurs républicaines.
Introduire un antagonisme entre République et nation, c'est retirer à la 
première son essence et sa raison d'être.
C'est si vrai que l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du 
citoyen édicte que « le principe
de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». Mais si l'on se 
fait le défenseur de la République et l'assassin de la nation, de qui et de 
quoi tire-t-on la souveraineté ?
311
~
Or, attaquée de toutes parts par ceux-là même qui l'ont à la bouche en toute 
occasion, la République va mal. La République française, j'entends, celle 
porteuse de nos valeurs et dont les opportunistes ont dévoyé les principes pour 
priver nos compatriotes de ses bénéfices.
La lecture de l'article 2 de notre Constitution est édifiante :
« La langue de la République est le français. »
Mais nos apprentis sorciers ne l'apprennent plus correctement à nos enfants 
dans les écoles de la République, où l'on préfère dispenser des cours de « 
langue d'origine » pour les enfants issus de l'immigration, ou de dialecte 
régional au fin fond de nos provinces.
« L'emblème national est le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge. »
Ce même drapeau que nos compatriotes n'osent plus arborer de peur de se faire 
traiter de xénophobes, de racistes ou pire encore, de « Lepéni stes », et que 
l'on voit régulièrement souillé, au propre comme au figuré.
« L'hymne national est La Marseillaise. »
Marseillaise sifflée dans les stades de France et dont M. Azouz Begag, ministre 
de la République, vient de soutenir la traduction en arabe !
« La devise est : Liberté, Égalité, Fraternité. »
312
Ici, je voudrais m'arrêter quelques instants ; cette devise est inscrite au 
fronton de chacun de nos édifices publics. Nous avions, peuple de France, 
réussi un temps le prodige de concilier liberté et égalité. Ces deux concepts 
sont pourtant contradictoires.
L'égalité ne peut s'imposer qu'au détriment de la liberté individuelle, et 
l'expérience soviétique témoigne de l'impossibilité structurelle du défi posé.
La liberté, de son côté, aggrave les inégalités comme le démontre chaque jour 
plus durement le spectacle peu encourageant du système ultralibéral américain.
Or, seule la fraternité peut réconcilier ces contraires. Et qu'est-ce que la 
fraternité, sinon la conscience et le sentiment d'appartenir à un même peuple, 
à une même destinée, à une même nation ?
Il n'y a que dans le cadre national, et dans ce cadre seulement, que peuvent 
prospérer ces trois principes.
D'abord, par la matrice de l'école laïque et républicaine, condition de 
l'égalité des chances d'où seules naissent les élites légitimes. Cette école 
républicaine qui, abolissant les différences de conditions, est le meilleur 
vecteur de l'ascension sociale des plus méritants par la réussite à l'examen, 
qui protège des passe-droits, des privilèges dus à l'argent, à la naissance, 
aux relations.
C'est ensuite par les services publics et plus particulièrement par notre 
système de protection sociale et de santé, si nécessaire à nos concitoyens les 
plus humbles et les plus démunis.
C'est enfin dans la sécurité, première des libertés, sécurité aujourd'hui 
inexistante dans notre pays oû, par faiblesse et par laxisme, on laisse nos 
concitoyens seuls et désemparés face à une violence gratuite inouïe, qui se 
déchaîne chaque jour davantage.
Et qu'en est-il enfin du principe de notre République, exprimé dans notre 
Constitution : « Le Gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », 
quand des millions de Français, toujours les mêmes, sont exclus de la 
représentation nationale, soit parce que leurs idées ne plaisent pas aux élites 
éclairées, soit parce qu'ils ne votent plus, dégoûtés par cette situation ?
Quand on a dépossédé le peuple français de sa spuveraineté pour la transférer à 
Bruxelles entre les mains de fonctionnaires européens qu'ils n'ont pas élus ?
Quand le principe qui fonde l'action politique n'est plus « que puis-je faire 
pour mon peuple ? », mais « comment vais-je gagner les prochaines élections?»
Quand, de Marie-Georges Buffet à Nicolas Sarkozy, on s'apprête à accorder le 
droit de vote aux étrangers, ce qui vide la citoyenneté de son contenu.
314
La France n'est plus une République une et indivisible comme l'annonce 
l'article 1 de notre Constitution, depuis que sous l'influence de certains, 
dont Nicolas Sarkozy, on introduit le poison de la «discrimination positive » 
et donc du communautarisme.
Et que devient l'alinéa 2 de ce même article 1 : « Elle assure l'égalité devant 
la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de religion» ?
Chaque communauté revendique aujourd'hui, en cultivant un statut victimaire, 
une protection particulière, et la loi s'adapte à n'en plus finir, créant 
autant de cas particuliers. C'est l'affaiblissement du modèle général qui 
permet la fragmentation de la nation, l'identité nationale passant alors au 
second plan derrière l'identité religieuse, régionale, sexuelle, etc.
Il existe des textes pour tous et surtout pour chacun, les homosexuels, les 
femmes, les juifs, les obèses, les handicapés, les descendants d'esclaves ; 
chacun doit pouvoir arguer d'une protection spéciale en fonction de son âge, de 
sa nationalité, de ses opinions politiques, de son appartenance syndicale.
Mais la France, rappelons-le, était aussi une République laïque.
Bien sûr, la laïcité fut une arme, en 1905, contre la religion catholique, mais 
elle est devenue en un siècle le cadre organisé des relations entre l'État et 
les religions.
315
W
C'était sans compter sur la volonté farouche d'organisations musulmanes de 
soumettre notre République à leurs valeurs et leur mode de vie religieuse, 
c'était sans compter aussi sur la faiblesse congénitale de notre classe 
politique, incapable de défendre rien ni personne, hormis elle-même ? et encore.
Aujourd'hui, comme nous l'avons vu, la situation est dramatique. Des jeunes 
filles sont instrumentalisées pour porter le voile, véritable retour à 
l'obscurantisme ; des communes aménagent les repas dans les cantines de l'école 
de la République pour répondre à telle ou telle prescription religieuse, ou 
aménagent des horaires dans les piscines publiques pour éviter la mixité, 
laquelle disparaît aussi dans les activités sportives, les centres sociaux.
Des groupes religieux organisent une contestation systématique du programme 
éducatif : l'étude de l'édification des cathédrales, Darwin, Rousseau, 
l'évocation de la Shoah, l'anglais «langue de l'impérialisme » deviennent de 
plus en plus difficiles à aborder en classe quand ils ne sont pas carrément 
supprimés par des professeurs dépassés, terrorisés et abandonnés à eux-mêmes 
par une autorité de tutelle prête à toutes les reculades et toutes les 
compromissions pour -préserver ce qu' elle croit être la paix civile
316
On refuse de pratiquer le chant choral, de manipuler du porc dans les lycées 
professionnels d'hôtellerie-restauration. L'hôpital public ne sait plus, lui 
non plus, à quel saint se vouer, et il voit de plus en plus de femmes refuser 
d'être soignées par des hommes et d'hommes d'être soignés par des femmes.
Nos politiques n'ont rien fait, rien dit.
Churchill disait : « Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils 
auront et le déshonneur et la guerre. »
Où sont-ils, les défenseurs des « valeurs républicaines » ? Que n'ont-ils su 
défendre ces « principes républicains » ? Serait-ce que l'évocation de ceux-ci 
n'avait d'intérêt que pour se débarrasser d'un concurrent politique, en 
l'espèce le Front national ?
Pourquoi M. Sarkozy et M. de Villepin n'ont-ils pas pensé aux principes 
républicains lorsque le premier réclame le financement public des mosquées, 
quand le second reconnaît « la Fondation des oeuvres de l'Islam de France » ? 
où siègent pas moins de trois ministères : Intérieur, Affaires sociales et 
Affaires étrangères ! ?, et dont l'objectif est de construire des mosquées, de 
financer le Conseil français du culte musulman et la formation des imams, et ce 
en contradiction flagrante avec l'article 2 de la loi de
Aff
1905 qui édicte que «la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne 
aucun culte » ?
a
Plutôt que d'imposer fermement nos principes, ids légifèrent pour s'adapter à 
la pression imposée par ceux dont ils craignent le vote.
Qui sont ces politiques qui, plutôt que de lutter de toutes leurs forces, par 
l'autorité de nos textes législatifs, contre le mariage forcé des jeunes 
musulmanes, votent une loi penaude pour abaisser l'âge légal de celui-ci de 
dix-huit à quinze ans ?
Pourquoi voter ? enfin ? des lois contre les mutilations sexuelles quand il 
aurait mieux valu ne pas les laisser se développer vingt années durant dans les 
banlieues, à l'instar de la polygamie, admise par certaines mairies ? Qui 
baisse la tête devant les nouveaux gangs, préférant taper sur des étudiants qui 
déifient que sur les hordes de casseurs qui effectuent, à la moindre occasion, 
des razzias dans les villes ? Qui obligent notre police à se laisser caillasser 
sous peine d'être accusée de faire de la provocation ?
Cette classe politique peut-elle vraiment nous donner des leçons, alors que 
nous sommes les seuls aujourd'hui à vouloir remettre l'État à sa place et 
défendre les valeurs nationales françaises ?
À quoi sert de pleurnicher comme M. de Villiers sur l'islamisation de la France 
quand, à l'évidence, celle-ci est la conséquence d'une politique migratoire
318
folle et d'un abandon de nos principes qu'il a personnellement accompagné 
pendant toute sa carrière politique ?
On m'a souvent posé la question : « L'Islam est-il soluble dans la République ? 
»,  et j'ai souvent répondu : « C'est aux musulmans de répondre. »
Encore faut-il que l'on ne transige pas, dès le départ, sur nos principes 
d'unité nationale et de laïcité.
Ce n'est pas à la République française de se soumettre aux valeurs de l'Islam, 
c'est à l'Islam de se soumettre à la République française. Beaucoup de Français 
musulmans adhèrent à ce contrat et vivent leur foi dans le respect de nos lois 
et de nos valeurs. Mais si certains d'entre eux considéraient que nos 
principes, notre mode de vie est en contradiction avec ceux de leur religion ; 
si, ce qui est respectable, certains étaient heurtés par nos règles et nos 
lois, je comprendrais qu'ils cherchent dans les dizaines de pays du monde qui 
appliquent la charia avec plus ou moins d'orthodoxie, un endroit où vivre leur 
foi sans entrave.
Car la nation française, elle, ne changera pas ! L'affirmer, c'est faire à leur 
égard preuve d'honnêteté.
C'est la raison pour laquelle il faut affirmer haut et
319
fort que le retour du rouleau compresseur républicain, une laïcité sans 
concession, le refus absolu du communautarisme, une guerre sans merci à la 
criminalité et la fierté retrouvée de ce que nous sommes, incarnent le dernier 
espoir pour protéger notre nation et notre République, sauver le peuple 
français de la désespérance et à terme de la disparition.
Il n'y a de « sens de l'histoire » que celui que le peuple veut lui donner. 
C'est lui et lui seul qui doit décider de son destin.
Maintes fois dans son passé, le peuple français a failli disparaître, maintes 
fois il a su puiser dans son amour profond de la vie et de la liberté les 
forces nécessaires à sa survie.
Je suis convaincue qu'il saura le faire une fois de plus à l'aube de l'élection 
présidentielle de 2007 qui, seule, pourra réellement changer le cours de 
l'histoire.
« La vie commence toujours demain... ».
320
Arrivée au terme de ce livre, je mesure l'étendue de ce que j'aurais encore 
voulu vous dire.
L'étendue aussi de l'affection que je porte à ma patrie, la souffrance qui est 
la mienne de ne pouvoir faire plus, et plus vite, pour soulager les peines des 
plus humbles d'entre nous et redonner l'espoir à ceux qui l'ont perdu.
 ceux qui ont peur de l'avenir, qu'ils sachent que, comme la fièvre est 
l'indication de la maladie, la peur est un réflexe sain et naturel face à un 
danger.
Ce n'est ni une faiblesse, ni un vil sentiment ; ceux qui ne la ressentent 
jamais sont soit des fous soit des imbéciles.
 ceux qui doutent : qu'ils sachent que notre avenir commun dépend de leur foi 
en eux-mêmes, de leur croyance en notre nation, imparfaite sans doute, mais 
unique.
CONCLUSION
44-?h,.;:
Je sais qu'il est des vérités difficiles à entendre, des constats désagréables 
à faire, que face à l'ampleur de la tâche à accomplir, on a parfois la 
tentation de renoncer ou de se soumettre.
Et pourtant, il va nous falloir, comme Le passeur d'eau, «garder les mains aux 
rames » et continuer, à contre flots, à être porteur de ce roseau symbole 
d'espoir et de liberté, conscient qu'en politique il n'y a de courage, de 
volonté et d'ambition qui ne s'incarnent dans la persévérance.
322
Achevé d'imprimer sur les presses de
BUSSIERE
GROUPE CPI
d Saint-Amand-Montrond (Cher)
pour le compte des Editions Grancher
en avril 2006
N° d'impression : 061480/1.
Dépôt légal : avri12006.
Imprimé en France

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