l’abandon de la terre du milieu
Par Vincent G.
HUMEUR. Rudi Garcia dispose de l’un des meilleurs milieux de terrain de
l’histoire récente de l’OL. Pourtant, son projet de jeu l’évite largement. Un
choix – probablement politique – qui freine la régularité de l’OL.
L’OL de la grande époque ? Demandez à cent Lyonnais ce qui leur vient
spontanément en tête. A part quelques rares « Cris-Cacapa », deux ou trois «
Abidal-Malouda » et éventuellement un romantique « Govou », tous répondront
évidemment « Le 433 Juni-Diarra-Essien » (ou Tiago selon vos préférences). Bien
sûr, le septuple champion de France avait de bons joueurs sur toutes les
lignes. Mais c’est au milieu que l’OL a construit sa domination, s’assurant une
régularité, qui, avec 15 ans de recul, reste toujours aussi impressionnante.
En football, il est toujours possible de gagner une coupe avec un milieu
neutre, et des joueurs forts « dans les deux surfaces. » Mais un championnat
laisse moins de place à ce genre de scénarios. Parce qu’il faut répéter des
performances sur 38 journées, le cliché veut qu’un championnat se gagne (ou du
moins ne se termine pas à la 7e place) lorsque le milieu de terrain domine
régulièrement l’entrejeu adverse, stabilise l’équipe, et maîtrise le tempo des
matchs.
Depuis la fin de la grande époque, l’OL a bien sûr vu passer des joueurs de
très haut niveau au milieu de terrain. Mais il n’a quasi jamais trouvé un
milieu stable. On se rappelle quand même à regret de l’éphémère 4G (Gonalons,
Grenier, Gourcuff et Gueida Fofana) et on garde quelques bons souvenirs
erratiques de certaines performances, comme celle du trio Ndombele-Diop-Aouar
sur la pelouse de Manchester City en septembre 2018.
Mais sous Bruno Genesio, l’OL n’a jamais vraiment maîtrisé son milieu de
terrain. Les traumatismes que les supporters gardent du jeu en « U » témoignent
bien de cet évitement du milieu. De même, la frilosité des défenses lyonnaises
successives ne peut être imputée qu’à ses défenseurs. Enfin, l’absence de
domination systématique offensive au profit de fins de matchs folles est un
dernier témoin de la maladie lyonnaise du milieu.
Cette maladie commence par la pointe basse, ce que Juninho avait précisément
pointé du doigt lors de sa première conférence de presse. En affirmant
ouvertement sa volonté de trouver un 6 plus technique que Lucas Tousart, l’ex
numéro 8 annonçait la couleur. Depuis cette conférence de presse, Juni a
largement étoffé le milieu de terrain, en faisant venir Bruno Guimaraes, Lucas
Paqueta et Jean Lucas.
En amenant deux internationaux brésiliens et un très gros potentiel (Jean
Lucas) dans l’effectif, Juni a donc renforcé un milieu désormais très fourni.
Car entre temps, Maxence Caqueret a fini par sauter aux yeux de Claude Fichaux,
l’œil de Rudi Garcia. Moins prévisible, Thiago Mendes semble retrouver des
couleurs. Et à son meilleur niveau lillois, il s’agissait d’un des meilleurs
milieux du championnat. Enfin, Houssem Aouar, suite à son faux départ, complète
ce milieu de terrain XXL, qui n’a peut-être, sur le papier, aucun équivalent en
L1 en termes de profondeur.
Malgré cet empilement de talents, Rudi Garcia a choisi une stratégie
d’évitement du milieu de terrain. Son projet de jeu le plus identifiable
consiste à passer par les ailes, et faire centrer les latéraux sur des
attaquants. Un plan de jeu répété dimanche soir dernier, à Lille (certes de
façon moins caricaturale qu’en début de saison), sauf quand Marcelo décidait de
sauter le milieu de terrain avec des ballons longs. L’OL n’attaque ainsi par
l’axe que 25% du temps, et est l’équipe de Ligue 1 qui fait le plus petit
pourcentage de ses touches de balle dans le tiers de terrain le plus central
(42%, ce qui lui permet toutefois d’être celle qui touche le plus de ballons
dans le derniers tiers avec 33%, à égalité avec le PSG – chiffres WhoScored).
De quoi frustrer Lucas Paqueta et Houssem Aouar, qui ont montré beaucoup
d’agacement en première mi-temps. Et de quoi déprimer Guimaraes, Caqueret et
Jean Lucas, qui se morfondent sur le banc de touche. Bien
sûr, construire une équipe ne consiste pas à aligner les 11 meilleurs joueurs,
et un plan de jeu doit être plus poussé qu’une recherche systématique des
joueurs les plus talentueux. Mais deux questions se posent naturellement à un
observateur extérieur.
D’abord, pourquoi ne pas tenter de jouer davantage au cœur du jeu, en cherchant
à créer une véritable domination ? Les rares associations de Bruno Guimaraes et
Maxence Caqueret ont par exemple été très prometteuses en début de saison
contre Dijon et Bordeaux, que ce soit avec ballon à la relance, ou sans ballon
au pressing, avant que la défaite à Montpellier ne leur soit fatale. Deuxième
question, pourquoi se contenter de trois milieux de terrain ? Sur le papier, un
4-4-2 losange est par exemple très tentant, surtout vu la polyvalence de la
plupart des milieux cités. A minima, si Rudi Garcia tient à son nouveau 433, on
peut légitimement penser que basculer Houssem Aouar ailier gauche
n’affaiblirait pas l’équipe, surtout vu la redondance des profils d’attaquants
de pointe que persiste à aligner le coach.
Difficile donc d’expliquer cette situation, sauf à y lire un autre match,
politique celui-là, entre Rudi Garcia et Juninho. Sans se tancer directement,
le coach et le directeur sportif s’envoient régulièrement de discrets messages
interposés. Hier encore, Juninho vantait les mérites de Maxence Caqueret, «
premier exemple de professionnalisme chez nous » aujourd’hui sur le banc depuis
qu’il a eu la mauvaise idée d’avoir le Covid un jour de victoire de l’OL.
Cet abandon de la terre du milieu raconte en tout cas bien la pagaille sportive
qui règne à l’OL, entre un directeur sportif qui a le droit de recruter mais
n’a pas complètement les mains libres, un coach qui ne dispose que d’un CDD et
du soutien d’un « conseiller » invisible dans l’organigramme mais toujours très
puissant, et un président qui se retire progressivement tout en étant toujours
incontournable. Les supporters, eux, peuvent continuer à aller faire du
fractionné (dans un rayon d’un kilomètre autour de chez eux, bien sûr) pour se
préparer à d’éventuelles attaques cardiaques : l’OL n’est peut-être pas encore
près de dominer un match de la tête et des épaules. Il devra s’en remettre à
une nouvelle défense providentielle ou une meilleure réussite de ses
attaquants pour passer enfin des matchs sereins.
Vincent G.
Source Libéro Lyon :
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