Ça vaut quoi, le Bayern féminin ? (preview tactique avant le quart contre l’OL)
FÉMININES. Cinq mois après la programmation initiale du quart de finale de
Ligue des Championnes, l’OL et le Bayern vont finalement jouer leur
qualification pour le dernier carré sur un match à élimination directe dans une
phase finale complètement remaniée. Une configuration inédite qui donne
finalement aux Allemandes beaucoup plus de chances de victoires que sur une
confrontation aller-retour classique. Explications.
Les saisons précédentes
Malgré l’absence de titres, la saison 2018/19 a laissé au club bavarois
beaucoup d’espoirs en terme de jeu et de résultats. Sous l’impulsion de
l’entraîneur de l’époque, Thomas Wörle, les Munichoises ont réalisé
d’excellentes performances tactiques et collectives qui leur ont permis de
rester très longtemps dans la course pour le titre en championnat face à
Wolfsburg, mais aussi de réaliser une campagne européenne plutôt aboutie malgré
l’élimination contre Barcelone au terme d’une demi-finale frustrante.
Cependant, la fin de saison a marqué une rupture dans cette dynamique positive,
avec un nombre important de changements dans le but de repasser tout d’abord
devant Wolfsburg sur la scène nationale, puis d’envisager un sacre européen à
moyen terme. Le départ de plusieurs joueuses cadres (Sara Däbritz au PSG,
Fridolina Rolfö à Wolsfburg, Manuela Zinsberger à Arsenal) a été compensé par
un recrutement ambitieux : outre le retour de Carolin Simon en Allemagne après
une expérience contrastée à l’OL, Munich a également attiré deux des meilleurs
espoirs de Frauen Bundesliga et de la sélection nationale allemande (Linda
Dallmann d’Essen, Giulia Gwinn de Fribourg), tandis que sur le banc, Thomas
Wörle a cédé sa place à Jens Scheuer, auparavant à la tête de l’équipe féminine
de Fribourg.
Un pari prometteur sur le papier, mais qui a mis du temps à se révéler payant.
Sur les premières journées de Frauen Bundesliga 2019/20, le Bayern a non
seulement été dépassé par Wolfsburg, mais également par la surprenante équipe
de Hoffenheim, portée par un football offensif extrêmement fluide et le
réalisme impressionnant de leur attaquante vedette Nicole Billa (18 buts cette
saison, dont 9 sur les 9 premières journées).
Battues à domicile face au Bayer Leverkusen (1-2) à la troisième journée, les
Munichoises subissent un nouveau revers face à Hoffenheim trois matchs plus
tard, au terme d’une rencontre palpitante marquée par la bourde de la gardienne
remplaçante Carina Schlüter et la prestation stratosphérique de son homologue
Martina Tufekovic. Un match qui pourrait finalement résumer la lutte pour la
seconde place entre Hoffenheim et Munich sur la première partie de la saison,
entre une équipe favorite en proie au doute dès que l’adversaire oppose un peu
de résistance, et un collectif de joueuses en pleine confiance pouvant élever
leur niveau dès que la situation l’exige.
Distancées par Wolfsburg mais toujours dans le sillage d’Hoffenheim, le Bayern
réussit néanmoins à ramener un match nul extrêmement bien payé lors du
déplacement à Wolfsburg lors de la dixième journée. Malgré un but encaissé
d’entrée de jeu suite à une relance plein axe de Kathrin Hendrich directement
dans les pieds d’Alexandra Popp, les joueuses du Bayern ont par la suite réussi
à repousser tous les assauts adverses pour finalement égaliser en fin de partie
par Mandy Islacker sur leur seule grosse occasion du match.
Au retour de la trêve hivernale, l’absence de banc de l’équipe d’Hoffenheim,
toujours au coude à coude avec le Bayern pour la seconde place, a commencé à se
faire ressentir : outre l’indisponibilité jusqu’à la fin de la saison de
l’infortunée Martina Tufekovic (blessée une première fois, puis de nouveau
alors qu’elle était en phase de reprise), Fabienne Dongus, l’une de leurs
pièces maîtresses au milieu de terrain, a été contrainte de s’éloigner des
terrains durant plusieurs mois suite à une blessure au genou. Volontaires mais
incapables de stabiliser correctement leur entre-jeu et leurs transitions, les
joueuses de Jurgen Ehrmann subissent deux défaites en J14 et J15 face à
Wolfsburg et Essen, laissant aux Munichoises une occasion inespérée de prendre
le large au classement. Une opportunité finalement gâchée par le Bayern,
rattrapé dans les toutes dernières minutes de son match contre Duisbourg en
J16. Lorsque la Frauen Bundesliga a dû s�
��arrêter pour raisons pandémiques, tout restait donc à faire pour la seconde
place tandis que le titre était quasiment acquis à Wolfsburg.
Hasard du calendrier, la première journée de retour à la compétition a offert
un affrontement entre Hoffenheim et le Bayern. Après 60 premières minutes assez
moyennes des deux côtés, les Bavaroises ont su hausser leur niveau de jeu lors
de la dernière demi-heure et assommer définitivement une équipe d’Hoffenheim
ayant complètement renié son jeu offensif pour tenter de s’accrocher au point
du match nul.
Un succès qui a définitivement scellé le classement du trio de tête en Frauen
Bundesliga et la seconde place du Bayern Munich, seule satisfaction pour le
moment d’une saison en dents de scie et souvent frustrante, notamment avec
l’élimination en coupe nationale dès les huitièmes de finale (face à
Wolfsburg). Sur la scène européenne, le Bayern a montré son inconstance avec
une qualification au but à l’extérieur en seizièmes de finale face aux
suédoises de Göteborg, malgré une défaite à domicile sur le match retour (2-1,
0-1), avant une nette victoire face au club kazakh du BIIK Kazygurt (7-0 sur
l’ensemble des deux matches).
Le système de jeu
L’évolution tactique du Bayern au cours de ces deux dernières saisons pourrait
se résumer par un changement radical d’approche du jeu, entre un entraîneur
privilégiant l’organisation et la rigueur des positionnements et un manager
préférant une liberté d’action maximale pour ses joueuses les plus créatives.
Les principes de Thomas Wörle étaient assez clairs : disposer d’un collectif
pouvant aussi bien jouer la défense que l’attaque, l’attente que le pressing,
selon l’adversaire rencontré. Une palette tactique assez large, qui nécessite
donc de pouvoir compter sur des joueuses ayant des profils variés, mais
possédant une grosse capacité d’adaptation et un sens du jeu au dessus de la
moyenne. Un niveau d’exigence élevé mais qui a notamment permis de transformer
une joueuse comme Lina Magull en milieu de terrain de classe mondiale, et de
réaliser des séquences de jeu parfaitement exécutées, à l’image de cette
contre-attaque éclair en WCL 2018-2019 face au Slavia Prague.
Cette approche pouvait cependant avoir quelques limites : puisque les
déséquilibres dans les défenses adverses étaient principalement provoqués par
l’application rigoureuse d’un système de jeu prédéfini, la réussite d’un match
dépendait souvent de la pertinence de la configuration tactique choisie
initialement. Un bon choix de formation donnait très souvent un avantage
déterminant aux Munichoises, mais un mauvais plan de jeu devenait impossible à
rattraper par les joueuses, comme ce fut le cas lors de la dernière demi-finale
aller de Ligue des Championnes face à Barcelone.
L’arrivée de Jens Scheuer couplée au renouvellement partiel de l’effectif
bavarrois a transformé complètement l’organisation tactique de l’équipe : au
cours de cette saison, les Bavaroises ont semblé avoir du mal à jouer
collectivement, pour s’en remettre le plus possible aux actions individuelles
initiées par la créativité de Lina Magull, la vivacité de Linda Dallmann ou les
percussions de Lineth Beerensteyn. A première vue, on pourrait être tenté de
voir ce changement d’approche comme une régression tactique, mais cette
conclusion paraît pour le moment assez hâtive, même si l’image du Bayern cette
saison a souvent été celle d’une équipe piétinant lors de ses débuts de match
et profitant de l’usure des défenses adverses en seconde mi-temps pour prendre
le large au tableau d’affichage.
Comme ce fut le cas lors de son expérience avec Fribourg, le nouvel entraîneur
du Bayern semble privilégier des systèmes tactiques centrés sur ses joueuses
les plus créatives, à qui il laisse une liberté d’action extrêmement importante
pour déséquilibrer les défenses adverses et créer les meilleures situations
offensives possibles. La réussite de cette tactique repose principalement sur
deux facteurs cruciaux: avoir des créatrices pouvant être sollicitées
fréquemment et s’assurer de la faible densité adverse dans leur zone au moment
de leur première prise de balle.
Pour optimiser les chances de succès de son équipe, Scheuer va donc chercher à
jouer le plus possible dans le camp adverse en utilisant des formations non
seulement tournées vers l’attaque mais également avec des ailes fortes, dans le
but d’étirer le plus possible les lignes défensives adverses. Grâce à des
joueuses comme Carolin Simon à gauche ou Giulia Gwinn à droite sachant aussi
bien attaquer leur couloir que réaliser des transmissions rapides et précises,
les créatrices peuvent ainsi trouver plus d’espaces dans les défenses adverses
et ainsi initier ou conclure les séquences offensives avec très peu
d’opposition.
Double illustration de ce principe tactique, avec à 0:25, un coup-franc
rapidement joué par Carolin Simon à destination de Linda Dallmann complètement
démarquée dans la surface et qui marquera d’une frappe placée, puis à 1:24, à
la suite d’une récupération haute, un décalage rapide de Lina Magull vers
Carolin Simon qui adresse un centre au second poteau repris sans opposition par
Linda Dallmann.
Cette tactique, dévastatrice lorsqu’elle est bien exécutée, dépend en revanche
énormément de la forme des créatrices et de la capacité de l’équipe à tenir la
possession de balle dans la moitié de terrain adverse. Complètement portée sur
l’offensive et jouant de fait avec une ligne défensive assez haute, cette
formation n’a pas grand-chose à opposer dès que l’adversaire prend le dessus au
milieu de terrain, et devient également extrêmement fébrile dès lors qu’il faut
tenir un score serré.
Les recrues de cette intersaison semblent confirmer la transformation tactique
entreprise cette saison : les arrivées de Viviane Asseyi (Bordeaux), Lea
Schuller (Essen), Klara Bühl (Fribourg) ainsi que les remplacements de Mélanie
Leupolz et Kathrin Hendrich par Sarah Zadrazil (Potsdam) et Hanna Glas (PSG)
marquent une nouvelle fois la volonté de pouvoir s’installer durablement dans
le camp adverse et de compter sur des joueuses sachant créer le danger à partir
de rien. Une approche que l’OL a géré avec brio lors de ses dernières campagnes
européennes, mais qui pourrait lui poser un peu plus de problèmes cette année
dans ce final 8 se jouant sur match unique.
Les points forts
Un secteur offensif varié et de grande qualité sur toute la largeur du terrain
Laura Benkarth, qui reste une gardienne assez sûre et qui, contrairement à sa
défense, peut sortir une prestation de haut niveau si le Bayern doit tenir un
résultat
Les points faibles
Une défense assez lente et souvent positionnée très haut sur le terrain, qui se
fait prendre systématiquement dans le dos sur les balles en profondeur
Un milieu de terrain attiré par l’attaque et moins à l’aise pour aller défendre
ou faire le pressing
Un effectif pouvant douter et complètement se crisper en cas de résultat
défavorable
Pourquoi le Bayern peut battre l’OL ?
Si le calendrier européen avait été maintenu aux dates de départ, il paraissait
en effet très difficile d’envisager une élimination lyonnaise sur une double
confrontation : l’OL n’était pourtant pas dans sa meilleure saison, mais les
matches du Bayern paraissaient tellement poussifs à cette époque qu’un résultat
défavorable sur 180 minutes semblait compliqué à imaginer. Le changement de
format semble donc rendre beaucoup plus possible pour le Bayern de faire la
course en tête, et de tenir le score sur un temps plus court.
Avec les recrutements de ces derniers mois, Munich possède également beaucoup
plus d’arguments offensifs pouvant jouer un rôle dans la tactique de Jens
Scheuer, et la saison écoulée a permis à Linda Dallmann de prendre
progressivement ses marques dans un système beaucoup plus exigeant que celui de
son précédent club. Le style de jeu de l’ancienne joueuse d’Essen, basé sur la
technique et la vivacité, sera l’une des armes principales du Bayern pour
tenter de déstabiliser l’arrière-garde lyonnaise.
Même si l’argument de la reprise pourra être invoqué, le positionnement très
axiale des milieux latérales durant la demi-finale et la finale de Coupe de
France interpelle sur la finalité tactique souhaitée par Jean-Luc Vasseur, et
met également en lumière quelques failles dans la répartition des tâches
défensives et offensives côté lyonnais. Tout d’abord, les premières phases de
pressing effectuées par les lignes offensives lyonnaises ont laissé trop de
liberté aux latérales adverses, notamment face au PSG où Amel Majri et Delphine
Cascarino étaient souvent trop éloignées pour empêcher Ashley Lawrence et Perle
Morroni de relancer proprement. Si ce genre de pressing est reproduit face à
Munich, les joueuses de couloir allemandes pourront contourner la pression
lyonnaise assez facilement et remonter le ballon sur les côtés sans rencontrer
trop d’opposition.
Offensivement, le repositionnement des ailières dans un rôle beaucoup plus
central laisse très souvent l’animation du couloir à la seule responsabilité
des latérales, ce qui empêche fréquemment les combinaisons entre latérale et
ailière pour créer des déséquilibres dans les deux couloirs. Cette consigne a
également pour conséquence indirecte de densifier la zone de jeu de Dzsenifer
Marozsan, qui se retrouve de fait avec beaucoup plus d’adversaires à gérer dès
sa première touche de balle et qui est souvent obligée de sortir de sa position
privilégiée afin de pouvoir de nouveau peser sur le jeu lyonnais.
Un effet pervers aggravé d’ailleurs par l’utilisation de Nikita Parris dans un
rôle d’attaquante pivot contribuant à la construction des actions, alors que
l’Anglaise est nettement plus à l’aise sur des ballons en profondeur où elle
peut utiliser sa vitesse, l’une de ses principales qualités. Ce positionnement
la force très souvent à se jouer des balles dos au but en dehors de la surface
adverse et ne lui permet que très rarement de se retrouver en situation
favorable de tir. A ce titre, la venue de Jodie Taylor, attaquante préférant
aussi jouer en mouvement face au but, semble discutable tactiquement.
Malgré la victoire finale en Coupe de France, ces petites imprécisions
tactiques peuvent interroger alors que Jean-Luc Vasseur va devoir gérer une
série de matches importants face aux meilleures équipes européennes pour la
première fois depuis sa nomination sur le banc de l’OL. En se plaçant du côté
allemand, le meilleur scénario pour le Bayern serait donc sans doute un match
largement soporifique, avec un OL qui dominerait sans se montrer réellement
dangereux, avant un but munichois qui obligerait les Lyonnais à créer du jeu
face à un bloc pouvant se positionner plus bas.
Pourquoi l’OL devrait malgré tout battre le Bayern ?
Malgré les améliorations d’effectif du Bayern, le scénario le plus probable
reste quand même une domination sans partage de l’OL dans l’entre-jeu face aux
Munichoises, qui devraient avoir des difficultés à venir contester la
possession face à un milieu de terrain beaucoup plus expérimenté. Dans cette
situation, l’OL gardera le contrôle de la balle la majeure partie du temps et
forcera le Bayern à montrer surtout sa défense, son secteur le plus faible.
Charge ensuite aux lyonnaises de faire fructifier ces temps forts dans le jeu
ou sur coups de pieds arrêtés.
Le match idéal pour les Lyonnaises serait de marquer assez rapidement puis de
maintenir le Bayern sous pression, ce qui forcerait les Allemandes à précipiter
leur jeu offensif et à commettre des erreurs de transmissions, directement
exploitables pour le jeu direct de Dzsenifer Marozsan et les courses en
profondeur de Nikita Parris. Une situation qui pourrait même offrir plusieurs
buts d’avance à l’OL, et une baisse d’intensité munichoise permettant aux
Fenottes de gérer la fin de match en prévision du prochain tour. Sans doute le
scénario idéal pour l’OL, qui aurait alors une grosse confrontation en vue
mercredi prochain face au PSG ou Arsenal.
Julien Perrier
Source Libéro Lyon :
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