Dossier : L’OL face au Covid-19
Depuis l’été 2019, l’institution OL lutte contre les contre-performances et un
contexte très difficile : erreurs de casting, blessures, Covid-19, Mediapro…
Autant de facteurs qui ont fortement secoué un club pourtant réputé comme l’un
des plus solides de France. Ce dossier revient sur le parcours du club et tente
d’analyser ses erreurs, sa stratégie et ses perspectives d’avenir. Alors, l’OL
plus fort que le Covid ?
2019/2020, un échec couteux
Les bons joueurs, ça coûte cher. Mais les joueurs qui coûtent cher ne sont pas
nécessairement bons. Au croisement de ces deux postulats : les flops.
Malheureusement, en football – et notamment depuis le FPF – quand vous vous
trompez, vous pouvez le payer longtemps. Prenons un exemple. Si vous achetez un
joueur 30 millions pour 5 ans de contrat, à 4 millions par an de salaire, le
joueur comptera en réalité dans vos bilans chaque année pour 30 millions
amortis sur 5 ans + 4 millions soit 10 millions par an. Succinctement, vous
assumez vos achats chaque année qu’ils passent au club.
Une déroute collective
Dans ces conditions, quand l’OL investit en 2019/2020 autant que les trois
saisons précédentes assemblées, c’est que Jean-Michel Aulas s’attend à une
croissance significative des revenus sportifs – au moins à moyen-terme – et à
des résultats. Et ces résultats, on les connait. Entraîneur débarqué sous deux
mois pour une septième place à l’arrivée (certes tronquée par le contexte et
les instances). Ni Rudi Garcia, ni Juninho, ni Bruno Guimarães n’auront réussi
à rattraper les points perdus et, covid ou non, l’OL a bien réalisé sa pire
saison depuis plus de 20 ans. Et ce dans une Ligue 1 accessible.
La conséquence de cet échec n’est pas uniquement immédiate avec l’absence de
revenus européens, mais également à moyen-terme puisqu’on a assisté à une
dégradation de certaines valeurs marchandes, pour cause de blessures, de perte
de pouvoir du club dans les négociations de transfert ou de contrat, ou
simplement de performances. Ceci impacte également les revenus commerciaux du
club liés à des sponsors qui peuvent se poser des questions sur la stature du
club, bien que l’OL soit parvenu à négocier avec Fly Emirates.
Une direction sportive discutable
J’ai déjà couvert ce point sur plusieurs angles à travers d’anciens articles ou
sur Twitter mais c’est important de le mentionner. Le discours du club et les
faits dissonent. Les profils recherchés et recrutés ne coïncident pas. Juninho
et Sylvinho veulent un 6 car Tousart est insuffisant. Résultat : le poste ne
sera rempli qu’à l’hiver par Bruno Guimãraes. Pendant ce temps, Thiago Mendes
et Jeff Reine-Adelaïde ne trouvent pas leur place sur la compo malgré 37M€
investis et Lucas Tousart est un des joueurs les plus utilisés par Sylvinho ET
Garcia.
D’un point de vue stratégique, L’OL annonce vouloir continuer à recruter de
jeunes espoirs pour un profit futur à la revente mais investit lourdement sur
des joueurs non-confirmés (Andersen et JRA), maximisant donc le risque et
minimisant le potentiel de profit. De même, le club investit sur des joueurs
déjà dans leurs meilleures années ou sur le tard. On pense notamment à Thiago
Mendes ou bien au renouvellement de contrat très onéreux d’Anthony Lopes, qui a
du mal à justifier le montant par autre chose que sa cote de popularité auprès
des supporters.
La recette du succès mal suivie
Si on lit le chapitre consacré à l’OL et validé par Jean-Michel Aulas lui-même
dans Soccernomics (de Kuper et Szymanski), l’OL a en réalité bafoué sur ce
mercato plusieurs règles qui ont fait son succès sur le marché des transferts
dans la décennie précédente. En particulier, le fait d’avoir déjà au club les
remplacements des joueurs qui seront vendus au mercato est un aspect important
qui permet d’anticiper la production que pourra avoir le nouveau titulaire dans
la saison. Pourtant, sur le même mercato, l’OL n’a pas remplacé Fekir, a
remplacé Mendy par Koné et Ndombélé par Thiago Mendes. Andersen est lui arrivé
dans l’optique d’être immédiatement titulaire, ce qui peut être considéré
risqué tandis que Guimãraes et JRA venus remplacer Tousart et Aouar ont, eux,
bénéficié du traitement made-in OL.
Risque, manque de direction sportive : cocktail parfait pour l’erreur de
casting. Aujourd’hui, Reine-Adélaïde est en prêt à Nice, Andersen à Fulham et
Koné à Elche.
Le Covid-19, tendon d’Achille de la stratégie OL Full Entertainment
Croissance organique, infrastructures modernes et privées, activités
diversifiées. L’OL est le club le plus solide de France pour faire face au
Covid-19.
La poule aux œufs d’or
Jean-Michel Aulas l’a dit et répété : finir septième pour l’OL n’est pas grave.
Le club a les reins solides et c’est la vérité. Mieux, plus le temps passe et
moins les performances sportives de l’OL menacent la santé financière du
groupe. Peu de clubs de football ont ce luxe. La clé de tout ça : le stade. Le
Groupama Stadium n’est pas seulement un énorme actif immobilier et une caution
en or massif pour emprunter et augmenter l’échelle des opérations. C’est aussi
un moyen de diversifier les activités du groupe. Rente immobilière, spectacles,
football, services aux professionnels, loisirs divers… L’OL et sa stratégie «
Full Entertainment » engrange de l’argent de manière diverse et ne dépend plus
totalement du sport.
Oui, mais.
Le Covid-19 versus OL City
Si le stade diversifie les activités, il centralise l’avantage compétitif de
l’OL en un unique lieu : lui-même. En ce sens, la pandémie de Covid-19 porte un
coup très dur à la stratégie de l’OL car il transforme la poule aux œufs d’or
en une épée à double tranchant. À cause de la pandémie, toutes les activités de
loisirs d’OL Groupe sont impactées. Si les frais engagés et le manque à gagner
sont une chose, le plus embêtant reste l’incertitude qui plane sur le retour à
la normale. Et pour chaque activité dans l’incertitude, le flou concernant
l’exploitation du stade est décuplé. Quelle activité reprendre ? Quand ?
Peut-on payer les coûts fixes ? Cela menace-t-il la reprise d’une autre
activité ?
Ajoutés à cela les événements récents de reconfinement et la perte du diffuseur
TV, il est certain que l’OL est désormais forcé à une prudence presque
dangereuse. Aujourd’hui, l’activité de l’OL se ratatine à nouveau autour du
sport et chacun sait comme il est difficile de rebondir quand il faut vendre et
combler un trou de plus de 100M€ dans la trésorerie, sans aide extérieure.
Chacun sait également comme il est risqué de dépendre du football en 2020 pour
faire de l’argent.
2021 : droit au bonheur ?
Arrivé cet été, logiquement, l’OL doit se purger. Selon les ambitions qu’un
club a, il y a deux façons de le faire. Un gros club qui cherche à jouer la
limite du FPF va plutôt chercher à vendre un ou deux joueurs pour une belle
somme. Sans s’étendre plus que pour le processus d’achat, cela permet au club
de générer artificiellement des profits à court-terme en comptabilisant la
vente en un seul bloc tout en étalant les achats sur plusieurs années. À
l’inverse, un club comme l’OL cherche à se libérer pour l’avenir et peut donc
se concentrer sur la vente de salaires significatifs sans avoir à briller sur
les sommes.
Une ossature presque intacte
Ce qui marque en observant le mercato de l’OL, c’est que le club a conservé ses
cadres et ses valeurs marchandes majeures. De plus, l’OL n’a pas « cash out »
immédiatement sur Reine-Adélaïde ou Andersen. Bien qu’ayant proposé ses joueurs
les plus cotés, le club n’a bradé personne – y compris Memphis. Ceci est une
bonne nouvelle dans l’optique de rester compétitif malgré une baisse de
revenus. L’OL est en droit d’espérer un podium avec son effectif et a pourtant
laissé partir 12 éléments du groupe professionnel. Le club s’est même permis de
réinvestir sur son secteur offensif avec Lucas Paqueta. En définitive, l’OL a
fait les bons choix sur ce mercato.
On peut revenir sur des points de détails avec le manque de profils en
percussion ou le départ d’un grand espoir du club (Gouiri). Cependant, il était
tentant de brader certains joueurs importants du club pour enjoliver les bilans
annuels et l’OL ne l’a pas fait. C’est de bon augure pour la suite.
De belles valeurs marchandes
Comme expliqué plus haut, l’OL aurait pu vendre ses cadres et aligner les plus
petites valeurs marchandes pour affronter une saison sans Europe. Le club a
pourtant fait le choix opposé : accepter les pertes à court-terme pour mieux
rebondir. Résultat : en fin de saison, l’OL pourra toujours reprendre sa route
comme si de rien n’était – ou presque. Aouar et Dembélé seront toujours
disponibles pour une vente significative. Reine-Adélaïde et Andersen seront
toujours vendables afin de relancer la pièce et le Final 8 aura permis au club
de stabiliser son indice UEFA. De plus, de jeunes joueurs qui complètent la
rotation auront gagné en expérience afin de compléter l’effectif à moindre
frais. Tout cela, grâce à la grande solidité du club.
Un début de saison encourageant
Si l’on s’efforce d’être objectif quant à l’OL de Rudi Garcia, le début de
saison du club est positif. L’OL a laissé des points en route mais l’analyse
statistique que j’ai tweetée montre un manque flagrant de réussite. Il est
également vrai que la qualité des occasions, représentée par la moyenne de xG
par tir, a été assez faible. Mais, d’une part cette moyenne est remontée grâce
aux derniers matches. D’autre part, au vu du volume de tirs dans une saison, il
reste bien plus important de créer des occasions que de vouloir en maximiser la
qualité. Plus succinctement, l’OL sait pourquoi il a perdu des points mais sait
aussi qu’il n’en perdra pas éternellement et peut espérer le podium.
Quelques axes d’amélioration
Pour finir ce dossier, il serait dommage de se priver de quelques
recommandations. Les miennes se tiennent en 3 axes : la direction sportive, la
stratégie de recrutement et la communication.
Une direction sportive claire et ambitieuse
Il est évident que Juninho est revenu à l’OL pour être le visage du projet.
Mais au-delà de sa popularité, l’idole des supporters a du mal à trouver sa
place dans le management du club et le changement de personnel n’a pas résolu
cela. Houllier, Cheyrou, Aulas, Juninho, Ponsot, beaucoup de noms qu’aucun
média (y compris ceux du club) n’a réussi à hiérarchiser. « Qui dirige ? » est
une question fondamentale mais ça n’est que la première et la plus basique. Il
faut aller plus loin et mettre en lumière des rôles notables dans le
recrutement. Négociation, scouting, analyse de données… L’OL ne laisse rien
savoir de ces activités. À l’inverse, la presse dépeint 3 interlocuteurs qui
échangent avec des agents avant de laisser Vincent Ponsot négocier et signer
les papiers.
L’OL doit éviter de se laisser dicter sa politique sportive par des jeux de
pouvoirs et d’agents et doit créer une direction sportive claire, fournie et
autonome. Cela limite également les erreurs de casting et permet d’attirer de
meilleurs entraîneurs avec des idées de jeu précises auxquelles on peut fournir
les joueurs appropriés. Le club a tout à gagner. D’ailleurs, avec les
difficultés à voyager que risquent d’avoir les recruteurs, il est peut-être
temps pour l’OL de pousser le côté « Data ».
La recette OL modernisée
L’OL a souvent su éviter les écueils du recrutement grâce à ses règles évoquées
plus haut. Si le foot a changé, la plupart de ces règles tiennent plus au bon
sens qu’à une quelconque conjoncture. Il faut rester fidèle à ce bon sens tout
en comprenant où s’arrête la tradition. Par exemple, l’OL s’est appuyé sur un
réseau fiable au Brésil pour recruter des joueurs talentueux peu connus qui
auraient coûté plus chers s’ils jouaient en Europe. En 2020, le Brésil – et de
manière générale l’Amérique Latine – pullule de ces réseaux et de recruteurs si
bien que l’effet inverse se produit : le moindre joueur de talent coûte cher.
Si Juninho est parvenu à extirper Bruno Guimarães des griffes de l’Atletico, on
a malgré tout la preuve par l’exemple.
L’OL doit donc continuer de viser des pays sous-cotés. Certains sont mêmes
situés en Europe. Par exemple, la Suisse. Le continent le plus intéressant,
néanmoins, est africain. Diomandé est le signe que l’OL a peut-être vu cette
tendance. Ce serait logique étant donné l’attrait du groupe Red Bull pour
l’Afrique. Groupe au sein duquel Gérard Houllier a son mot à dire quant à la
politique sportive…
De plus, le centre de formation doit trouver une place de choix dans l’effectif
du club, peu importe l’entraîneur et les ambitions. On parle de joueurs
gratuits à l’acquisition, déterminés à prouver leur valeur et qui peuvent être
modelés au fonctionnement du club. Certaines générations sont meilleures que
d’autres et chacun doit voir la chose de manière pragmatique, mais il est
certain qu’un OL qui optimise son recrutement doit laisser des places aux
jeunes du club dans l’effectif.
Un vrai dialogue avec les fans
J’ai gardé ce point pour la fin car il n’est pas totalement dans la continuité
du dossier mais il y a quand même sa place. En effet, sans stade, les
supporters lyonnais en ligne sont d’autant plus nombreux et il est d’autant
plus important de les écouter. S’il est difficile de caractériser la masse
d’une manière ou d’une autre, il est clair que depuis des années le club a eu
du mal à dialoguer de manière positive avec ses supporters. En particulier sur
Twitter, où l’interactivité est la plus forte entre le club et les supporters,
la tension et la défiance font partie du quotidien pour le Community Manager de
l’OL.
Le club devrait parvenir à mieux écouter. De plus, les réseaux sociaux doivent
participer au concept d’Entertainment. Surtout en ce moment. C’est actuellement
le seul lien entre le club et sa fanbase. Il est donc crucial de comprendre ce
que veulent les différentes audiences de supporters lyonnais en ligne. Il est
tout aussi important de proposer des contenus qui dépassent l’objectif de
présence voire de notoriété. D’un point de vue plus général et marketing, l’OL
ne représente rien en tant que marque alors que les possibilités sont immenses.
Le Covid-19 peut-il forcer l’OL à revoir « l’expérience client » ?
Conclusion
Le club rhodanien navigue en eaux troubles depuis plus d’un an et, à cause du
contexte actuel, cela risque de durer cette saison. Cependant, les difficultés
du club ne sont pas toutes dues aux circonstances et, de la même manière, rien
n’accable complètement l’OL. Retrouver ce qui fait sa force, moderniser et
clarifier la direction sportive, batailler dur sur le terrain, renouer avec les
supporters : plusieurs chantiers sont encore en attente et le Covid-19 est
peut-être l’occasion inattendue de s’y pencher véritablement pour l’OL.
Source Demi-Volée :
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