Cherki, la pièce maîtresse
@axel_daillet
S’ils sont souvent confondus dans le vocabulaire commun, il existe pourtant une
différence philosophique fondamentale entre l’espoir et l’espérance. Le premier
cité relève davantage de l’émotion, un état éphémère anéanti par l’échec.
L’espérance, elle, est bien plus forte. Ancrée en notre for intérieur, elle ne
s’éteint jamais.
C’est donc bien de l’espérance que naît une croyance presque prophétique chez
les Gones. Cette conviction puissante est le fruit d’un talent fou qui rugit
chez les lionceaux depuis de longues saisons. À 17 ans, Rayan Cherki s’annonce
comme le plus gros crack jamais sorti par l’Olympique Lyonnais.
« J’voulais le monde, aujourd’hui je veux jongler avec »
Un peu comme Ademo avec le monde, c’est une histoire de jongles qui lie Cherki
à l’OL. Né le 17 août 2003, le jeune Rayan baigne dans le foot grâce à son père
Fabio et ses deux grands frères. Il débute à l’AS Saint-Priest, illustre club
formateur du Rhône-Alpes. C’est en 2010 que son destin va se mêler à celui du
club de Jean-Michel Aulas. Tandis qu’il accompagne le padre et son frérot à un
tournoi, le mini Cherki, âgé de 7 ans, se permet quelques jongleries sur le
parking. Il n’en fallait pas plus pour attirer l’œil avisé de Gérard
Vittorelli, qui dirige les U7 lyonnais. C’est ainsi que débute la belle
histoire entre cette jeune promesse et Lyon.
Et depuis, on peut dire qu’entre les deux l’amour est fusionnel. Très vite, le
phéno est au-dessus des autres. Alors, tous ses éducateurs profitent de ce
petit joujou. Systématiquement surclassé d’une ou deux catégories, le gamin a
faim et mange tout sur son passage. Face à cet ovni, le travail des formateurs
lyonnais concerne autant le mental que le jeu. On veille à ne pas brûler les
étapes, ramener l’extraterrestre sur la planète « Academy » lorsqu’il s’envole
un peu trop loin. Privé des terrains une saison à 14 ans suite à un petit bobo,
le retour du roi a tout de la promenade. Il est surclassé deux fois
consécutives en cours de saison, d’abord avec les U16 puis avec les U17
Nationaux.
Aucun nuage à l’horizon donc et pourtant les records pleuvent. Plus jeune
buteur de l’histoire de la Youth League, second plus jeune joueur à évoluer en
Ligue des champions, plus jeune buteur en pro de l’histoire de l’OL, plus jeune
joueur à participer à un match à élimination directe de Champions League. Des
airs de Chosen One et l’impression que l’ouragan Cherki va tout emporter sur
son passage. Il fête d’ailleurs cette semaine sa première convocation avec
l’Équipe de France U19, à l’occasion de deux amicaux face à nos amis allemands.
Nouvelle case à cocher dans sa checklist des accomplissements.
« J’leur mets des soupapes comme Sterling Cherki »
Si notre ami Freeze kick aussi bien que Rayan ne manie la balle, la comparaison
flatte sans doute autant l’un que l’autre. Branchons-nous donc sur le courant
Cherki et découvrons le profil de l’attaquant lyonnais. D’abord, le numéro 18
est un virtuose du ballon rond de 1m76 (remarque, à cet âge là il peut encore
grandir). Droitier mais quasiment ambidextre, il est la définition du joueur
frisson. Le mec qui sur un geste va vous faire bondir et hurler une onomatopée
du style «ahahadbzbdgrrrrr».
Sur le rain-té, il est à peu près capable de tout faire. Lorsqu’il décroche, sa
facilité à porter la balle permet à l’équipe de gagner des mètres. Cherki peut
éliminer une première ligne de pressing et libérer l’espace pour ses
coéquipiers tout en montant le bloc. Lancé dans l’espace, l’addition est la
même, sa capacité d’élimination laissant peu d’espoir à son adversaire direct.
Mais là où il impressionne le plus, c’est dans le dernier tiers. Grâce à son
premier pas supersonique, le Gone peut débloquer une situation arrêtée et
déséquilibrer le bloc défensif adverse en très peu de touches. Son schéma
préférentiel est de partir le long de la ligne pour piquer axe avant de
combiner à l’intérieur ou trouver un dédoublement sur le côté.
Cherki est résolument un joueur qui doit faire vivre le jeu balle au pied. Il
serait même tentant de simplement lui passer la gonfle et le laisser faire.
Cette saison en Ligue 1, il est le meilleur dribbleur lyonnais avec 3 unités
par match et 83% de réussite. À titre de comparaison, Aouar réussit également 3
dribbles chaque rencontre mais avec 64% de tentatives fructueuses et en jouant
en moyenne 55 minutes par match contre 43 pour Cherki. Le jeune crackito est
aussi le joueur subissant le plus de fautes de l’effectif avec 1,8 découpage en
règle par journée. S’il fallait relever un petit bémol, c’est peut-être une
justesse à affiner dans le dernier geste. Mais rien de grave, cela venant aussi
de la transition entre jeunes et professionnels. De toute manière, le temps ne
manque pas pour peaufiner son jeu.
Simba, un jour tu deviendras roi
C’est sous le mandat de Bruno Génésio que Cherki prend part à ses premiers
entraînements avec les pros. Il sera ensuite de la partie lors de la
préparation de l’été 2019 avec Sylvinho. Après que l’entraîneur brésilien ait
chuté dans l’escalier de la réussite, c’est le fin politicien Garcia qui lance
définitivement Rayan. Il lui donne ses premières minutes chez les grands le 19
octobre 2019, face à Dijon. Il paraît évident que le génie lyonnais doit
devenir la pièce maîtresse de la formation Rhodanienne. Sauf qu’il n’a même pas
encore l’âge de conduire des gros gamos tout seul et on ne voudrait pas qu’il
cale au démarrage. Posons donc une réflexion sur ce point : comment utiliser
Rayan Cherki ?
Actuellement, le système à trois centraux du coach Rudi ne sied pas vraiment à
notre pépite. Le problème de ce schéma réside dans la position des pistons.
Aligné à droite, Cherki se retrouve privé d’espace par un Léo Dubois placé
extrêmement haut. Lors du dernier match à Lorient (1-1), le latéral évolue
presque aussi haut que l’attaquant, monopolisant le couloir. De plus,
l’animation lyonnaise étant assez frugale, l’absence totale de mouvement du
piston fige cette position. L’axe étant, particulièrement face aux blocs bas,
cadenassé, Rayan a peu de place pour s’exprimer. Il finit la partie avec 43
ballons touchés, 6 dribbles sur 5 réussis et 2 fautes subies. Mais ce qui
frappe le plus, c’est une influence moindre et une difficulté à varier les
zones de jeu.
Lors de la réception de Nîmes (0-0) une semaine plus tôt, le numéro 18 évolue
milieu droit d’un 4-4-2 à plat. Si la performance collective n’est pas
davantage aboutie qu’à Lorient, Cherki est bien plus à l’aise. Dans ce rôle de
milieu offensif excentré, il est libre et peut exploiter l’espace autant sur
son côté que dans l’axe. Avec un latéral beaucoup plus bas dans son dos et
l’absence d’Aouar sur ce match, le lionceau s’exprime et n’hésite pas à
dézoner. Il tâte le cuir à 61 reprises, élimine 8 adversaires en 10 tentatives
et se fait charcuter 5 fois.
Pour l’heure, le système idéal pour Rayan Cherki serait donc un 4-4-2 ou 4-3-3.
Ce dispositif lui permet de prendre l’aile tout en lui laissant la possibilité
de rentrer axe, sans numéro 10 pour occuper l’espace. Capable d’évoluer sur les
deux côtés, il est naturellement positionné à droite, la gauche étant la zone
préférentielle d’Aouar. Ce dernier étant le meneur créateur de l’équipe, on a
essentiellement vu Cherki dans un rôle de percussion chez les A. C’est sans
doute cela le point de bascule entre le Rayan actuel et le joueur qu’il
deviendra. Aujourd’hui, son rôle est de provoquer, déséquilibrer le bloc
adverse et tout simplement s’exprimer.
À terme, son poste le plus influent sera sans doute axial. Cette position, il
la connaît bien pour l’avoir occupé chez les jeunes. Que ce soit en tant que
milieu offensif ou second attaquant, il a la capacité pour être cet hybride
aussi efficace à la création qu’à la conclusion des actions. Un surdoué capable
de gagner un match seul. Bien entendu, le garçon n’a que 17 ans et a le temps
d’évoluer sans suivre de chemin préconçu. Quelque soit l’effectif dans lequel
il évoluera, sa polyvalence lui permettra de s’adapter à pratiquement tous les
postes offensifs. Dans l’axe ou sur le côté, il dézone déjà beaucoup et cette
dimension de son jeu devrait encore s’accentuer avec le temps et la liberté
supplémentaire qu’il aura.
Sur les épaules de Rayan Cherki pèse donc le poids de tout un héritage. Celui
de ces illustres aînés du centre de formation, celui de l’espérance de tout un
peuple, celui de l’étiquette de crack ultime. Bien sûr, on ne connaît encore
rien de son plafond, tant le Lyonnais élimine chaque obstacle d’une feinte de
corps fulgurante. Alors on lui rêve un potentiel sans limite, à la hauteur des
plus grands de ce sport.
Source Ultimo Diez :
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