Vasseur : "On a toujours la foi et la faim de conquêtes"
11 déc. 2020
Jean Luc Vasseur, Head Coach of Olympique Lyon
© Getty Images
Le plus difficile n’est pas d’arriver au somment mais de s’y maintenir. C’est
la philosophie de l’Olympique lyonnais depuis de longues années, et Jean-Luc
Vasseur en avait pleinement conscience lorsqu’il a été nommé en 2019 entraîneur
d’une équipe qui gagne tout. Et tout le temps. De quoi entamer son mandat avec
une sacrée pression, surtout pour sa première expérience dans le football
féminin.
Au micro de FIFA.com, il évoque cette pression, sa première saison à la tête de
l'OL, sa nomination au titre the Best - Entraîneur de l'année pour le football
féminin, ainsi que ses idées pour développer le football féminin.
M. Vasseur, avec cette nomination de meilleur entraîneur de l’année, le titre
de champion de France, et la Ligue des champions féminine de l’UEFA, votre
première année d’entraîneur dans le football féminin est-elle au-delà de vos
espérances ?
Tout d’abord, c’est un titre individuel, mais c’est le titre de toute une
équipe, et d’un staff, technique, médical. Cette distinction individuelle doit
être aussi partagée avec le travail de tous mes collaborateurs. Découvrir ce
milieu sans eux, ça aurait été très difficile… Ils m’ont apporté énormément,
certains étaient déjà là depuis un moment, j’ai récupéré Camille Abily comme
adjointe, et forcément, ça me donne énormément supplémentaires pour accélérer
mon intégration. De plus, j’ai des joueuses exceptionnelles, à l’écoute, assez
réactives sur les demandes et surtout, très appliquées dans ce qu’elles font.
Elles arrivent à avoir une plasticité tactique, et une qualité extraordinaire,
pour toujours à perdurer au niveau des résultats, puisque l’objectif est de
garder le niveau d’excellence.
Le plus dur n’est pas d’arriver au sommet, mais d’y rester. Lyon vous a recruté
pour cela et vous y êtes arrivé. La mission a-t-elle été plus difficile que
vous l’imaginiez ?
Bien sûr, parce que les équipes s’organisent, nous avons des joueuses et des
stars qui vieillissent, donc il faut penser au renouvellement. Et on avait Lucy
Bronze qui était une joueuse extraordinaire pour nous, et extraordinaire pour
le football en géneral, qui a décidé d’aller sur un autre challenge. Donc il
fallait trouver d’autres arguments. On est obligés de se renouveler, d’innover.
Sur le Final Eight et la fin de saison, on a eu l’absence de deux grandes
joueuses qui se sont blessées, Ada Hegerberg et Griedge Mbock Bathy. Si vous
transposez ces éléments dans n’importe quel effectif, hommes ou femmes, c’est
très compliqué de garder le niveau d’exigence, de résultat, d’efficacité et de
performance. Mais j’ai pu m’appuyer sur un staff et un effectif de qualité pour
y parvenir.
Vous êtes entré dans le monde du football féminin il y a à peine un an, et vous
voilà déjà champion de France, champion d’Europe, et nominé pour être meilleur
entraîneur de l’année. N’avez-vous pas peur d’avoir trop vite fait le tour ?
Non. Le succès, Lyon le connaissait avant. Je suis venu pour le faire perdurer.
Et j’ai des moyens extraordinaires en termes d’installations, d’organisation,
de logistique, un staff constitué de plusieurs éléments de qualité comme dans
un staff professionnels hommes. Il y a des moyens à la hauteur des exigences et
des objectifs.
Olympique Lyonnais manager, Jean-Luc Vasseur celebrates
© Getty Images
L’OL est un projet où tout fonctionne parfaitement depuis longtemps.
Logiquement, il n’y a pas grand-chose à changer. Qu’est-ce que vous avez
apporté ou voulez encore apporter ?
Chaque année il faut se réinventer et essayer de garder de l’avance. On a fait
des retouches. Dans l’évolution du foot féminin, on a de plus en plus affaire à
des blocs bas. Nous avions de la verticalité avant que j’arrive, puisque nos
adversaires étaient plutôt ouverts. Aujourd’hui, elles sont très regroupées
derrière, donc il y a peu d’espaces. Donc il faut réinventer un jeu de
possession, fait d’animation dans des petits espaces pour trouver des décalages
et contourner ces blocs de plus en plus resserrés. C’est une amélioration ou
une innovation pour essayer de contrer ces problématiques. C’est une capacité
de changer de système, d’innover, comme on l’a fait par exemple lors Final
Eight. Je veux jouer sur l’adaptation tactique des joueuses pour proposer des
choses nouvelles. Le foot féminin va beaucoup s’améliorer par rapport à ça. On
avait souvent des 4-3-3, avec une base et deux joueuses un peu plus haut, et
aujourd’hui il y a beau
coup de 4-4-2. On ne trouve plus des ailières qui restent campées sur leur
ligne, mais qui viennent dans le cœur du jeu. L’évolution moderne se fait parce
qu’il y a des entraîneurs qui voient ce qui s’applique chez les garçons, et
qu’ils le transposent facilement chez les filles. Parce que ça reste du foot.
Vous avez un bagage de haut niveau masculin, et de formateur. Comment vous
adaptez-vous à une équipe féminine, et de joueuses confirmées ?
Si vous ne cherchez plus à vous améliorer à n’importe quel âge, alors vous êtes
bientôt has been. Moi, je continue à en apprendre tous les jours. Et j’apprends
d’autant plus que je suis avec cette équipe de championnes. Même quand vous
avez affaire à des joueuses de plus de 30 ans, elles sont en capacité
d’apprendre et elles en ont besoin pour garder le coup d’avance que nous avons
aujourd’hui. Je les entraîne comme des hommes. Je leur demande une plasticité
tactique, une qualité technique, d’aller plus vite, d’avoir la mainmise sur le
jeu, de dicter les tempos de match, et d’être en capacité de compenser les
absences. Par exemple, Nikita Parris joue un peu plus avant-centre aujourd’hui,
Delphine Cascarino peut jouer en deuxième attaquante. Je veux les amener à
sortir de leur zone de confort pour les amener dans une zone un peu plus floue,
mais où elles ont les capacités et les qualités nécessaires pour imposer leur
manière de jouer.
Vous n’avez perdu qu’un seul match depuis votre arrivée, contre le Paris
Saint-Germain. La défaite en général est-elle plus dure à accepter quand elle
n’arrive pas souvent ?
C’est une saveur que j’avais oubliée et qu’on m’a rappelée ! Mais n’est-ce pas
une opportunité pour nous relancer, pour continuer à retravailler, à innover ?
Maintenant, j’ai une équipe de championnes. Elles détestent perdre, je déteste
aussi. C’est l’ADN du club. Mais quand ça nous arrive, ça doit être une
opportunité pour pouvoir se relancer, et repartir sur une série de victoires.
Jean Luc Vasseur, Head Coach of Olympique Lyon
© Getty Images
Cette défaite est un coup dur pour Lyon, mais est-ce plutôt une bonne nouvelle
pour le football féminin français de voir que Lyon n’est plus imbattable ? Cela
peut-il libérer certaines équipes et améliorer le niveau général du championnat
?
On n’est pas imbattables, puisqu’on a perdu ! (rires) Les matches contre le
Paris Saint-Germain, dans la globalité, sont toujours des matches très serrés
depuis quelques années. On a joué contre la Juventus, qui est très organisée,
où le président Agnelli a investi, c’est une aubaine. On a joué dans le
Juventus Stadium, et le retour sera au Groupama Stadium. Quand tout le monde
considèrera le football féminin de cette manière-là, on pourra avancer.
Aujourd’hui, on doit professionnaliser le football, avoir cinq changements
comme les garçons. Tous ces rapprochements vont aider au développement. A
Turin, on a joué dans un grand stade. Le score a été très serré contre une
belle équipe, professionnelle, qui travaille bien. Et le côté spectaculaire,
enjeu, émotionnel, on le retrouve sur des matches comme ça. Et pourtant,
c’était un seizième de finale de foot féminin ! Mais on a retrouvé tout ce que
les amoureux du foot aiment. Il faut qu’on se rapp
roche de la professionnalisation, et on trouvera des écarts plus serrés, et
c’est ce qui créera de la concurrence. Si la concurrence est déloyale, quel est
l’intérêt ? Quel est l’intérêt de la victoire 14-0 de la France sur le
Kazakhstan pour la promotion du foot féminin ? Ce n’est pas là que ça s’est
joué, mais plus sur le match France-Autriche, avec deux équipes de niveau
presque similaire. Les PSG-OL, OL-Juventus, et tous les autres qui seront très
serrés redonneront du goût à l’incertitude sportive.
La France a accueilli la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2019™ avec succès,
mais l’engouement semble un peu retombé depuis. Comment peut-on raviver la
flamme de cette passion de l’été 2019 ?
Le Covid y est pour beaucoup. Auparavant, il y a eu un Juventus-Fiorentina qui
s’est joué devant 35 000 personnes ! France 2019 a été une très belle réussite.
La compétition s’est passée dans des stades à la hauteur de l’événement, avec
des équipes qui ont livré des matches très serrés, donc il faut retrouver un
contexte professionnel. On a joué à Reims et à Dijon, sur les terrains des
garçons pros. Il faut que les joueuses puissent en vivre, qu’elles aient des
infrastructures de qualité, qu’elles n’aient pas à s’entraîner à 22h parce
qu’elles n’ont pas de terrain disponible avant... Il faut professionnaliser,
avoir des contrats, cinq changements comme les garçons pour réduire les risques
de blessure, pour faire jouer des jeunes et révéler des talents, jouer dans des
grands stades, que les grands clubs professionnels hommes appuient les sections
féminines.
Quand on prend en main une équipe qui gagne tout, y a-t-il de la pression à
l’idée de peut-être devenir "celui qui ne gagne pas tout" ?
Bien sûr ! Quand je suis venu, cela faisait quatre ans de suite que Lyon
gagnait la Champions League, donc je suis venu avec cette pression. Mais je
l’ai gagnée quand même pour la cinquième année… Et je sais que je suis venu
pour faire perdurer ça. Mais tout le monde s’organise, ça fait longtemps qu’on
est chassés, on connait des absences importantes. Rien ne nous est épargné,
mais on est toujours là. Même si on a perdu un match contre le PSG, il y a un
match retour, le championnat n’est pas fini, on a toujours la foi, et la faim
de conquêtes, on fera tout pour rester en course dans toutes les compétitions
et les remporter.
Si vous deviez retenir un moment spécial de l’année exceptionnelle que vous
avez vécue, au moins au niveau football, lequel serait-ce ?
La finale de la Champions League. Parce que c’était notre objectif, et parce
qu’on est rentrés dans l’histoire en égalant le Real Madrid dans l’enchaînement
des victoires en Coupe d’Europe. On a une chance extraordinaire de le battre
cette année. La pression est sur nous parce qu’on est tenant du titre, mais ça
ne nous en rajoute pas plus : c’est un objectif, de rentrer définitivement dans
l’histoire du foot avec un sixième titre.
Eugenie Le Sommer, Wendie Renard an Sarah Bouhaddi of Olympique Lyon - UEFA
Women's Champions League Final
© Getty Images
Source Fifa :
https://olplus.fr/TBTSy
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