Rivalité Lyon-Saint-Etienne : deux siècles que ça dure !
Depuis 70 ans, les supporters de l'OL et de l'ASSE vibrent au rythme des
derbies opposant leurs équipes. Mais la rivalité entre les deux villes voisines
n'a pas attendu l'avènement du ballon rond et la rencontre choc à venir des
deux formations en Ligue 1 le 24 janvier prochain...
Par A.B.
Entretenues en tribunes et sur les terrains de football, les querelles de
clocher entre Lyon et Saint-Etienne ont toujours dépassé le cadre du ballon
rond. Depuis l'essor de la cité forézienne il y plus de deux siècles, les
relations de voisinage se sont souvent révélées ombrageuses.
Saint-Etienne, ville-champignon
L'histoire semblait pourtant commencer sans grands heurts. A la Révolution
française, les deux villes sont intégrées dans un vaste département de
Rhône-et-Loire, dont Lyon est promue préfecture. A Saint-Etienne, petite ville
manufacturière alors en plein essor, les fabricants d'armes et de rubans voient
d'un bon œil le rapprochement avec le grand voisin soyeux.
Las, le soulèvement de Lyon contre la Convention nationale en 1793 entraîne
vite la scission du département en deux petites entités (Feurs, puis Montbrison
devenant les premières préfectures de la Loire). Dévastée et ruinée par la
période révolutionnaire, Lyon assiste avec une pointe d'inquiétude à
l'explosion démographique de sa frêle voisine, véritable ville-champignon en
plein Far West industriel.
"La vitesse de croissance de Saint-Etienne a créé des jalousies chez les
Lyonnais, raconte le sociologue et écrivain Jean-Noël Blanc. D'autant qu'il y
avait un côté symbolique de la ville sale qui battait la ville riche."
A l'inverse, chez les Foréziens, on sent poindre un petit complexe
d'infériorité. "Quand on travaillait les grands tissus à Lyon, à Saint-Etienne
on faisait des rubans, expliquait en 2015 Georges Gay, professeur de géographie
à l'université Jean-Monnet de Saint-Etienne, à La Tribune de Lyon. [Les
fabricants] affirment le plus possible leur autonomie pour ne pas se faire
manger par Lyon."
"Beaucoup de donneurs d'ordre étaient des Lyonnais"
Le phénomène n'ira qu'en s'accentuant. Soie et mécanique d'un côté, charbon et
sidérurgie de l'autre : le bassin lyonno-stéphanois, avec Givors et la vallée
du Gier en son centre, devient "l'un des creusets de la révolution industrielle
en France", selon le politologue Philippe Dujardin, ancien conseiller
scientifique du Grand Lyon. Après les premières lignes de chemin de fer du
continent (Saint-Etienne-Andrézieux en 1827, Saint-Etienne-Lyon en 1832), le
capital lyonnais déferle sur la cité forézienne au milieu du siècle.
"Dans le textile à Saint-Etienne, beaucoup de donneurs d’ordres étaient des
Lyonnais, ce qui n’était pas forcément bien accepté", résume Jean-Noël Blanc.
"Il y a eu une forme de dépossession des entrepreneurs locaux qui a été
très mal vécue sur place", confirme Georges Gay. La bourgeoisie rubanière
décline, celle du métal "parviendra à perdurer, mais en partant hors de
Saint-Étienne, en nouant des mariages avec les élites lyonnaises", note pour sa
part le chercheur Pierre-Alain Four.
Amateurisme lyonnais contre professionnalisme stéphanois
Dès lors que le sport se démocratise au début du XX°, les tensions gagnent les
terrains, entre des clubs lyonnais attachés à un amateurisme tout bourgeois et
une ASSE liée au monde ouvrier et industriel et très tôt professionnelle.
Après quelques incidents dans les années 1920, le premier affrontement de
grande ampleur a lieu le 29 mars 1936, lors d'un match entre l'ASSE et le Lyon
Olympique Villeurbanne qui tourne au pugilat : l'arbitre de la rencontre doit
être évacué par les forces de l'ordre et un dirigeant lyonnais s'enfuit avec la
recette pour que le camp d'en face ne touche rien.
Saint-Etienne devait à la manufacture et aux mines sa croissance démographique
et une large part de son identité. Lorsque la désindustrialisation s'enclenche
à travers toute la France dans les années 1960 et 1970, la ville paie de plein
fouet sa dépendance. Lyon, dont le tissu économique est alors plus diversifié,
s'en sort mieux. Sur les terrains de football par contre, c'est la capitale des
Gaules qui fait grise mine.
Les performances des Verts sur les prés de toute l'Europe (alors que l'OL ne
glane "que" trois Coupes de France) deviennent ainsi le symbole de la revanche
de Saint-Etienne la prolétaire face à Lyon la bourgeoise. "En football, Lyon a
toujours été la banlieue de Saint-Etienne", peut tacler le président des Verts,
Roger Rocher (1961-1982), reprenant la truculente formule de son prédécesseur
Pierre Faurand (1952-1959).
Dans les années 80, les groupes de supporters ultras reprennent le flambeau,
ancrant durablement quelques images d'Epinal : tout comme l'histoire ouvrière
de Lyon s'était effacée derrière le visage d'une ville riche et collet-montée,
la transformation de Saint-Etienne à partir des années 90 passe (presque)
inaperçue et les derbys gardent un goût de lutte des classes. "Un tramway fait
votre fierté ? Ça vous change des chariots de la mine", brandissaient sans
aucune finesse les ultras lyonnais en 2015, plus de 30 ans après la fermeture
de la dernière mine du bassin houiller...
Mais si le football est devenu le cœur de la rivalité entre les deux voisines,
celle-ci déborde largement au-delà de la ligne de touche. "Le territoire
[stéphanois] est-il condamné à devenir une succursale académique de Lyon ?",
s'inquiétait ainsi un député ligérien, quelques mois avant le rejet d'une
fusion des universités des deux villes. Comme si plus de 200 ans après, rien
n'avait changé...
Source Le Progrès :
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