5 mai 2001, OL-Monaco (2-1 ap) : 118 minutes pour vivre (2/3)
Par Thomas Lacondemine
ÉPHÉMÉRIDE. Résumé de l’épisode précédent : l’OL, qui n’a pas remporté un
trophée depuis la Coupe de France 1973, s’est hissé en finale de la Coupe de la
Ligue 2001. Les Lyonnais affronteront Monaco. Et sont « prêts », selon Philippe
Violeau.
Ce à quoi ils ne s’étaient pas vraiment préparés, en revanche, c’est à un tel
accueil de la part de leurs supporters. « En arrivant dans le stade, il y avait
un peu d’animation, les tribunes commençaient à se remplir », se souvient
Chanelet. « Mais quand on est revenus pour le coup d’envoi, on s’est dit «
Tiens, il y a une sacré ambiance ! »
Entre-temps, et pendant que les -17 ans de l’OL et de Monaco en décousent en
lever de rideau (victoire… 2-1 des Gones), 78 010 spectateurs sont en effet
venus garnir le Stade de France, malgré la petite pluie fine qui s’abat depuis
plusieurs heures. Parmi eux, une écrasante majorité de supporters olympiens. La
plupart sont entassés dans le virage sud, mais les couleurs lyonnaises sont
visibles dans chaque recoin du stade ou presque.
Combien sont-ils, exactement ? Près de 40 000, peut-être plus. En bus, en
train, en voiture, c’est comme si tout Gerland avait déferlé en masse sur
Saint-Denis. Quelques heures plus tôt, les aires de l’autoroute A6 grouillaient
comme jamais de fans rouges et bleus. « On sentait une réelle attente du côté
des supporters. Lyon réalisait de bons parcours en championnat depuis quelques
saisons, c’était une bonne équipe, mais une équipe qui ne gagnait rien. Le
dernier trophée remontait à 1973. Même si la Coupe de la Ligue n’est pas
forcément le trophée le plus prestigieux, on sentait cette attente, cette envie
de succès », confie Chanelet.
Réveillez le lion qui est en vous
20h40. La tension monte d’un cran quand les 22 acteurs pénètrent sur la pelouse
pour la présentation des équipes. Les Lyonnais arborent un surprenant pull
blanc. En-dessous, un maillot bleu roi, traversé d’une double bande rouge et
blanche et surplombée du logo du sponsor… Lion. Dans les tribunes, parmi les
officiels, on note la présence de l’Abbé Pierre. Le célèbre fondateur d’Emmaüs
est né à Lyon et compte bien voir gagner l’OL. Il le confiera au micro de
France Télévisions à la mi-temps.
Quelques minutes auparavant, Philippe Violeau, le taulier, qui avait l’habitude
de parler à ses coéquipiers pendant l’échauffement, remobilise tout le monde :
« Les finales ne sont belles que quand on les gagne, ce sont des occasions qui
ne se présentent peut-être qu’une seule fois, il faut donc donner le maximum.
Mon message allait dans ce sens-là ». Les bleus d’un soir n’ont pas pris place
dans le vestiaire des Bleus champions du monde, mais dans celui « extérieur »
puisque Monaco a été désigné équipe recevante, Steve Marlet est encore «
impressionné » par ce Stade de France qu’il découvre de l’intérieur après être
passé devant « le chantier tous les matins quand [il] jouait au Red Star. »
Claudio Caçapa, lui, ne change rien à ses habitudes : musique et prières.
20h45. Stéphane Bré peut donner le coup d’envoi. C’est parti pour 90 minutes
d’un match intense et indécis. Monaco semble rentrer le mieux dans la partie.
Dès les premières minutes, Shabani Nonda se présente en position idéale face à
Grégory Coupet, qui bouche heureusement bien son angle. Dans la foulée,
Christian Panucci place une tête au ras du poteau, avant que Marco Simone ne
récupère un ballon dans les pieds d’Edmilson et n’arme une frappe frôlant la
barre…
« Sur le moment, j’ai senti que j’avais un bon coup à jouer »
Décevants 8e du championnat, un an après leur titre, les Monégasques, entrainés
par un certain Claude Puel, ne possèdent pas moins de sérieux arguments. «
C’était costaud, oui. Ils avaient une grosse équipe », se rappelle Bernard
Lacombe. Le quatuor offensif, notamment, a de quoi faire peur : Simone, Nonda,
Ludovic Giuly, Marcelo Gallardo. Néanmoins, l’OL, qui finira avec la deuxième
meilleur défense de Division 1, ne panique pas. Il avance simplement à son
rythme, contrôlant la possession du ballon. Jusqu’à ce coup de folie de la 35e
minute.
« Je ne m’attendais pas du tout à marquer un but, surtout dans cette finale,
parce que moi, mon rôle, c’était de bien défendre », avoue Claudio Caçapa, qui
commence cette fameuse action par une interception dans son propre camp. « Sur
le moment, j’ai senti que j’avais un bon coup à jouer. Je m’en rappelle comme
si c’était hier : je fais un une-deux avec Steve Marlet et après je continue
l’action, le ballon me revient et là y a moi et Sonny (qui peuvent le
reprendre). J’en rigole avec lui aujourd’hui, en lui disant que si lui avait
mis son pied, je lui serais rentré dedans, parce que ce ballon, il était pour
moi ! Là, le gardien sort, j’arrive à faire un lob et puis je termine ma course
complètement dans le filet. »
« Claudio dans les filets, inoubliable »
Un détail qui figure aussi dans la description plus succincte de Chanelet : «
Claudio intercepte de derrière, il fait un relais avec Marlet, une-deux,
tac-tac, il lobe le gardien et il va s’emmêler dans les filets. Ça, c’est une
image magnifique ! » Tellement magnifique qu’elle tournera en boucle le
lendemain, dans les médias. Très proche du Brésilien, qu’il a contribué à
recruter (il est alors prêté par l’Atlético Mineiro), Bernard Lacombe en garde
un souvenir très ému : « L’attitude de Claudio quand il est dans les filets,
c’est inoubliable. Il est là et il a un regard un peu fou. On sent en lui
quelque chose… Il doit se dire qu’il a fait quelque chose de grand. Quand on
voit ses yeux, alors qu’il est attrapé dans les filets, c’est un moment qui est
fort, plein d’émotion »
Les Lyonnais mènent donc 1-0 et les Monégasques semblent accuser le coup. Ils
restent sans réaction. Jusqu’au début de la seconde période où Giuly tente de
secouer tout ça, mais sa frappe lointaine ressemble davantage à un aveu
d’impuissance. L’OL, cette fois, est parfaitement en place et guide le rythme
de la rencontre.
« Eviter les penalties »
C’est dans ce contexte-là, presque au moment où l’on s’y attend le moins, que
Nonda surgit pour égaliser à la 64e. Au départ, une passe de Gallardo déviée
par Simone. Le ballon atterrit en cloche dans les pieds du Burundais qui
reprend de volée… « On voyait la fin du match se rapprocher, on se disait que
ça sentait bon parce qu’on ne les sentait pas spécialement dangereux. Même
cette action-là ne nous paraissait pas dangereuse. Et puis, Shabani met un beau
but. Ça nous avait surpris et ça nous avait mis un petit coup au moral »,
relate Chanelet. « On ne va pas dire qu’on n’a pas eu peur. Mais à ce
moment-là, tout de suite, on se dit qu’il ne faut pas qu’on en prenne un
deuxième, c’est déjà ça notre pensée, à nous, défenseurs. Après, arrivera ce
qui arrivera », confie Caçapa.
Le match devient alors « crispant », comme le qualifie Violeau. De fait, les
occasions se raréfient. Seules une tête de Marlet, côté olympien, et une frappe
sans angle de Simone, côté azuréen, font passer quelques frissons de part et
d’autre. Cette finale n’échappera pas aux prolongations. À la fin du temps
réglementaire, « on se dit qu’il reste encore 30 minutes à jouer, donc on se
met à fond dedans. Mais je n’ai pas senti trop d’inquiétude, parce que, encore
une fois, malgré l’égalisation, on n’avait pas trop été mis en danger », assure
Chanelet. « Ce que l’on voulait surtout, c’était éviter les penalties »,
reprend Violeau. « Même si on avait l’un des meilleurs gardiens de France,
c’est un exercice à pile ou face, donc on avait vraiment envie d’en terminer
avant, ça c’est clair. »
Et Patrick Müller surgit…
Le vœu des Olympiens sera exaucé. Personne, bien sûr, n’a oublié cette 118e
minute. Chanelet est de nouveau aux commentaires : « Patrick Müller venait de
rentrer au poste de milieu de terrain et puis, il y a la montée rageuse,
déterminée et en même temps pleine de finesse de Sonny (Anderson). Il arrive à
centrer et là notre Patrick Müller se jette et nous met le but du bout du pied
! »
« Alors là, c’est l’explosion de joie ! », savoure toujours Marlet. « On
courait dans tous les sens. Moi, j’étais sorti, j’étais sur le banc, mais on
était tous sur le terrain ! Chaque joueur avait l’impression que c’était lui
qui avait marqué tant l’émotion était forte. On savait que c’était la fin du
match et que ce but allait sans doute nous donner la victoire. C’était très,
très fort comme sentiment… » Philippe Violeau se souvient tout de même s’être
demandé combien de temps il restait. « Il fallait que l’on tienne jusqu’au
bout. Par chance, il ne restait pas beaucoup de minutes avant de pouvoir
vraiment goûter à notre bonheur »
« Et… Qui ne saute pas… ! »
Il reste alors deux minutes exactement. Elles vont s’égrener dans une ambiance
survoltée. Le banc de l’OL est debout comme un seul homme, tout comme une large
partie du stade de France. Les supporters viennent en effet de lancer un chant
qui deviendra par la suite l’un des chouchous de Gerland lors de la série de
sept titres consécutifs. Le « Qui ne saute pas n’est pas Lyonnais » fait
bouillir l’enceinte dionysienne comme une cocotte-minute sans soupape. Les
trois coups de sifflet de M. Bré auront même du mal à se faire entendre. Il est
un peu plus de 23 heures ce 5 mai 2001 et les vingt-huit années sans trophée
s’envolent comme un mauvais souvenir. Il ne reste plus que la liesse, une
immense liesse.
A suivre…
La feuille de match
Samedi 5 mai 2001, finale de la Coupe de la Ligue au stade de France
Olympique Lyonnais – Association Sportive de Monaco 2-1 ap
Buts : Caçapa (35e) et Müller (118e) pour l’OL ; Nonda (64e) pour Monaco.
Avertissements : Bréchet (58e) à l’OL ; Rodriguez (46e), Simone (52e), Giuly
(66e) et Marquez (75e) à Monaco.
OL : Coupet – Chanelet, Edmilson, Caçapa, Bréchet – Dhorasoo (Delmotte, 118e),
Foé (Müller, 106e), Violeau, Laigle – Marlet (Govou, 77e), Anderson (cap.).
Entr. : Jacques Santini.
Monaco : Porato – Panucci (Jurietti, 46e), Marquez, Rodriguez, Leonard
(Costinha, 78e) – Giuly, Djetou, Farnerud, Gallardo (Bonnal, 97e= – Simone,
Nonda. Entr. : Claude Puel.
Thomas Lacondemine (tous les propos ont été recueillis en 2011 par l’auteur)
Source Libéro Lyon :
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