Salut Alexis
Pour commencer je te présente mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année
qui sera probablement, te concernant très riche en découverte.
Je te souhaite plein de courage pour t'habituer à ce climat qui me paraît
bien difficile à supporter. J'avais passé 1 mois au Sénégal en 1997 ( tu
n'étais qu'un nourrisson et moi encore 'jeune', oui je sais cela te demande
un travail d'imagination) et c'est à cette époque où j'ai compris qu'il
valait mieux me rapprocher des pôles plutôt que de l'équateur !
Ici c'est la routine avec un temps Kerguelien depuis quelques temps, les
perturbations venteuses se succèdent et ça va continuer toute la semaine.
Le 1er janvier, 1ère tempête de l'année avec la pluie qui venait s'abattre
contre les vitres...comme au bon vieux temps, ça fait un peu vétéran.
Plus sérieusement, bravo pour tes talents de narrateur, tes news sont très
plaisantes à lire... au plaisir de te suivre tout au long de cette année.
Des bisous
Bernard
Le 1 janvier 2018 à 20:20, Rou <mpargaud@xxxxxxxxxxx> a écrit :
Bonne année petit cousin! Je te souhaite de belles aventures ! Bise
stéphanoise !!!
Envoyé de mon iPad
Le 29 déc. 2017 à 15:21, Alexis LOUAT <alexis.louat@xxxxxxxxx> a écrit :
-----Message d'origine-----
De : Field Luikotal Pactor [mailto:lk_pactor@xxxxxxxxxx ;
<lk_pactor@xxxxxxxxxx>]
Envoyé : mercredi 27 décembre 2017 09:07
Bonjour à tous,
Apparemment le mail précédent a atterri pour beaucoup dans les spams,
j’espère que celui-ci trouvera le bon chemin jusqu’à votre boîte aux lettres
numérique.
Dur de se dire que c’est Noel, je crois que c’est le premier que je passe par
pareille chaleur, 36 degrés à l’ombre pour être plus précis. On s’y fait vite
en réalité, il vaut mieux d’ailleurs. Et puis, c’est surtout dans la forêt
que l’on souffre, lorsque l’humidité se fait vraiment étouffante et pas de
petite brise pour nous rafraîchir. Le seau d’eau journalier pour se doucher
fait un bien fou.
Et je me suis rappelé toutes ces veillées de noël à espérer trouver au réveil
un mètre de neige comme le plus beau des cadeaux. Toujours pas cette année !!!
En respect des traditions, j’ai sorti quelques guirlandes poussiéreuses, un
bonnet rouge et blanc bien usé et l’esprit de fête apparaissait un peu même
si certains étaient un peu marqués par la nostalgie familiale.
Les paquets s’empilaient sur la table, chacun avait préparé son cadeau fait
main. Pour ma part j’ai minutieusement et maladroitement gravé un couteau que
j’avais prévu d’offrir avant de partir. Ensuite, un tirage au sort distribua
les lots, soigneusement enveloppés dans quelques feuilles de lianes géantes.
Pour moi ce sera une noix de coco transformée en une sorte de récipient
refermable qui sera parfaite pour ma brosse à dent. Et le cadeau que j’avais
imaginé pour toute l’équipe, un molki fait maison dans une vieille liane
noueuse, aura un franc succès.
Puis je suis allé faire un peu l’équilibriste, en grimpant à l’arbre auquel
est accroché notre antenne radio. Plusieurs branches devenues trop gênantes,
devaient être coupées pour améliorer notre connexion digne du début des
années 90. La machette est ainsi devenue mon nouveau jouet ; ce qui nécessite
une certaine technique pour être vraiment efficace, il faut l’avouer. Je m’en
suis aussi servi pour mes premiers travaux de jardinage : taille du
citronnier, éclaircissage des plants d’ananas qui se font dévorer par les
porcs épics et repiquage de nouveaux plans de canne à sucre.
Enfin il était temps de vite préparer le repas de noël avec quelques extras
pour briser cette relative monotonie alimentaire qui en fait souffrir plus
d’un. Au menu, noix de coco grillée au gout de pop-corn, chutney
ananas-papaye, bananes plantain frites, poisson du jour fumé, les classiques
légumes locaux et n’oublions pas la vitale portion de riz. Pour ma part je me
suis occupé d’un dessert tout en donnant un cours de français à Attila le
hongrois, fraîchement arrivé. Les ingrédients à disposition sont simples et
naturels : citrons verts pour le parfum, banane pour remplacer les œufs, jus
de canne à sucre fraîche. Franchement, Il n’y a vraiment pas de quoi se
plaindre.
Le camp est rudimentaire mais très fonctionnel. Il est séparé en deux parties
: une pour les internationaux et une autre pour les Congolais qui souhaitent
préserver leur indépendance. Ils ont donc quelques matelas avec
moustiquaires, un espace pour manger, une hutte où le cuisinier fait la
vaisselle et une autre où il cuisine ses plats qui mijotent sur d’énormes
bûches dont sortent en permanence des termites repoussés par la chaleur. Les
travailleurs passent une grande partie de leur temps autour du feu, à
discuter et à fumer du tabac local. De notre côté, il y a plusieurs cabanes
où se trouvent nos tentes, un espace repas et un pour la détente où
généralement on lit autour du feu, un bureau où se trouve le système
électrique, d’autres cabanes de stockage d’équipements et de denrées
alimentaires. Celles-ci doivent être en permanence protégées des souris et de
l’humidité dans des bidons bleus (appelés touques dans le langage taafien des
terres australes). En sortant un peu, se trouvent les douches et les
toilettes (de simples trous dans le sol où une quantité inimaginable de vers
se délectent de cette matière première).
Les chemins les plus empruntés dans la forêt sont aussi de bons terrains pour
courir, se défouler et évacuer les tensions du camp. Mais rares sont les
sentiers non humides, il faut bien choisir, éviter les arbres morts, tombés
au milieu du passage. Les arbres sont ici merveilleux. Les anciens se
dressent, imposants, tels de vrais géants figés dans cet enchevêtrement de
lianes. Ils semblent avoir tant d’histoires à raconter. Les plus jeunes, au
tronc fin, cherchent la lumière en prenant de la hauteur dans une verticalité
presque parfaite. Le sol étant tellement riche de feuilles en décomposition
et autre matière organique que les racines sont plutôt en surface. Cela rend
l’accroche terrestre fragile et on entend régulièrement des arbres tomber,
principalement lorsqu’il pleut fortement où cela devient dangereux de se
trouver en forêt.
C’est lors d’une balade que j’ai rencontré mon premier serpent local, des
remous dans les fourrés puis une onde noire et véloce qui traverse ma route,
alertée par le bruit sourd de mes foulées. J’aurais aimé chronométrer le
sprint provoqué par la décharge d’adrénaline.
Dans cette zone équatoriale, seulement 2 degrés au Sud pour être précis, les
orages sont localisés. Souvent, il est possible d’entendre les nuages de
pluie arriver plusieurs minutes avant et celle-ci se déversera seulement sur
quelques centaines de mètres carrés. Ils sont aussi très réguliers et
principalement nocturnes, sûrement à cause des différences de température. En
moins d’un mois, avec de terribles éclats d’orages, j’ai probablement vu le
ciel s’illuminer, plus de fois que durant toute ma vie. Les Congolais sont un
peu effrayés par la pluie et ces tempêtes furieuses et alors que je me levais
contempler le spectacle, je les ai retrouvés plusieurs fois autour du feu,
qu’ils protègent toujours sérieusement de l’eau.
Les insectes sont ici rois et j’étais loin de m’imaginer que cela me
fascinerait autant d’observer cette diversité, notamment de papillons et
d’autres objets volants non identifiés. En plein repas, un combat entre une
mante religieuse gigantesque et un lézard se termine même dans mon assiette.
Bon la partie moins drôle pourrait être les vers de peau aux pieds d’Ed, à
force de marcher dans l’eau ; ces moustiques qui donnent l’impression que la
malaria est contagieuse de proche en proche, les nuées de guêpes qui viennent
se délecter de votre transpiration, les mouches tsé-tsé aux piqures
douloureuses, les termites voraces qui détruisent tout à une vitesse
stupéfiante…
Non non, en fait véritablement les maîtres de tout ici, ce sont les fourmis.
Incroyables créatures qui malgré leur taille sont dotées d’une force
incroyable et par leur nombre font le cauchemar du marcheur en sandale. Elles
forment des coulées de milliers d’individus qui traversent la forêt en tous
sens, vous grimpent dessus si rapidement, se dispersent partout sur votre
corps et vous assaille de piqûres. Il y a réellement de quoi devenir dingue
quand on passe dix minutes à essayer de se débarrasser de ces petits démons
gorgés d’acide formique.
Ai-je déjà dit qu’elle était hostile cette forêt ?`
Je vous souhaite de passer de bonnes fêtes de fin d’année et de profiter de
l’hiver.
En principe nous passerons le nouvel an au village où l’alcool de maïs et le
vin de palmier seront à l’honneur, au rythme de musique locale et de danses
traditionnelles.
Belle expérience culturelle en vue.
Des bisous.
Alexis