[ethnolescht] Tradition, révolution, consommation

  • From: smajerus@xxxxxxxxx
  • To: Ethnolescht <ethnolescht@xxxxxxxxxxxxx>
  • Date: Tue, 04 Apr 2017 09:39:34 +0200

Bonjour,


Voici une contribution de François Gauthier et Diletta Guidi de l'Université de Fribourg dans le nouveau n° de Universitas p.21 qui pourrait vous intéresser:

Tradition, révolution, consommation:

 "Dépassons les clichés: le port du voile vu comme une résurgence du
passé est une lecture beaucoup trop simpliste du phénomène.
Si on observe son évolution au travers de l’histoire récente,
on voit à quel point il en suit en réalité les contours et comment nous
sommes passés du voile traditionnel et politique au voile
de marché."

(...)

 " La convergence des récits, des motivations
et des justifications quant au port du voile est remarquable,
que le terrain soit l’Indonésie, le Pakistan, l’Europe
ou l’Amérique du Nord. Dans une recherche sur le port
du voile en Tunisie avant la fin du règne de Ben Ali (lors
duquel le port du voile était officiellement banni dans l’espace
public), les cinquante femmes interviewées (100 %
de l’échantillon!) ont affirmé puiser leurs arguments en
faveur du port du voile dans les prêches du téléprédicateur
égyptien et superstar médiatique Amr Khalîd, que
ces femmes aient été de tendance mondaine (libérale) ou
rigoriste. Cette popularité d’Amr Khalîd comme autorité
religieuse (comme celle de Aa Gym en Indonésie), alors
qu’il a été formé à la finance et la gestion plutôt qu’en théologie
islamique, est symptomatique de la manière dont la
mondialisation reconfigure radicalement les modes d’authentification
et d’autorité dans l’islam (comme dans les
autres religions) en court-circuitant les autorités traditionnelles
et institutionnelles en faveur de personnalités
charismatiques et médiatiques issues du monde des affaires
ou de l’entertainment. Dans tous ces cas, la visibilité
dans l’espace public est structurante, que le choix soit de
porter le voile ou non. Cette visibilité, lorsqu’elle est assumée
et revendiquée, heurte le principe de privatisation
de la religion inscrit dans les modes politico-institutionnels
de régulation du religieux dans l’espace public (les
régimes de laïcité).
La culture consumériste est une culture de l’expressivité
et de la quête de reconnaissance, comme l’illustre le succès
des réseaux sociaux. Les nouvelles pratiques de port du
voile s’inscrivent dans cette nouvelle culture expressive, où
le religieux remplit des fonctions éthiques (comment vivre
en ce monde) et identitaires (qui suis-je, et à quelle communauté
appartiens-je). C’est pourquoi le voile, qui a des
origines traditionnelles pré-islamiques et dont le port ne
fait pas l’unanimité d’un point de vue théologique, est devenu
un des nouveaux piliers de l’islam: le moyen par excellence
par lequel exprimer une identité musulmane. Et
cela, au même titre que d’autres pratiques identitaires,
éthiques et expressives, issues des possibilités ouvertes par
le marché et la consommation, comme le halal, (...)"

Je vous souhaite une bonne semaine.

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